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Laissez passer les voyous…

Quand il y a une vanne à distribuer, un paquet cadeau merdique, c’est toujours aux employés, et aux ouvriers qu’on s’adresse. « Ils foutent rien. Ils mettent à mal l’entreprise. » Même les pontes des partis sont d’accord avec les blaireaux qui rendent le troupeau plus ergonomique, plus au rythme de la belle cadence : il faut gagner en productivité. Faut les motiver !... Jusqu’ici on n’a rien trouvé de mieux que d’en flanquer de temps à autre à la porte. Histoire de voir qui commande à qui.
Rien de tel que l’épée de Damoclès motivante. C’est fou le résultat.
Tout l’édifice tient plus qu’à ça : le pouvoir de l’un à ramener du fric par rapport aux autres, qui ramènent que des clous. Vous pensez à ce qu’il se passerait si on bossait qu’à des choses intéressantes avec les moyens d’envoyer se faire voir le prétentieux qui voudrait qu’on se farcisse son chantier à mille euros le mois ?
Et si on parlait un peu des cadres ? Des actionnaires-directeurs-gérants ? Des neveux à tonton ?
C’est pas qu’on travaille longtemps aux étages à moquette, c’est qu’on travaille mal. Ne parlons pas des conditions matérielles et psychologiques. Parlons du temps réellement passé à la production.
Qué production ?
Puisqu’il appert qu’aux étages tout est dans le cigare et pas dans les muscles. D’après les statistiques, sur 8 heures, « Soyons simples, appelez-moi Fred » travaille pas 2 heures !
En gros dans la parade des temps perdus, les ouvriers et employés – proportionnellement – tirent au flan 1/3 et les rigolos du bel étage 2/3 !... Mais voilà, c’est ce 1/3 là qui intéresse Etienne, passionne Albert, dérange Lakshmi.
Mais qu’est-ce qu’on ferait bien pour que l’Haut-lieu se bouge les fesses ?
En réalité, la production des cadres n’a fait l’objet d’aucune étude.
Celle des dirigeants encore moins.
C’est peu dire que l’anarchie vient pas des lieux où on transpire le plus. Dame, quand on se sent maître de tout ce qui existe aux pieds, quand on n’a pas un contremaître payer à la prime de rendement aux fesses, l’homme est fait pareil partout. C’est que du vice, dans les étages.
Le caprice y a la cote. Coups de téléphone, réunions urgentissimes, stratégies, n’y sont généralement que des conneries avortées parce qu’on bosse quand même ailleurs et que le fric ne s’y gagne que dans la soute à touiller dans la merde.
Bien sûr, ça geint et ça fait croire ; mais faut pas tomber dans le piège comme les petits cons de journalistes qu’éblouissent des façades versaillaises, des réceptions où la femme du patron, comme toutes les femmes de patrons, sont pareilles à la duchesse de Proust : charmantes et exceptionnelles. Ah ! ce qu’ils s’affèrent et comme ils donnent les ordres à transpirer de compétence… Sauf un, l’Etienne. Il a toujours l’air de dormir. On croit que sa pipe va foutre le feu à son grimpant en tombant des lèvres. Mais on l’interviewe quand même, mieux on interviewe que lui. C’est son style : ce type travaille le plus quand il a l’air de dormir. Mais, c’est le seul. Même les octogénaires en secouent encore, pour pas que leurs fils arrêtent de souffrir sur la côte d’azur ou ailleurs, tellement loin qu’on sait plus où ils sont…
Pourtant, tous les journalistes ne sont pas à la botte. Certains relèvent l’honneur de la profession. Bien sûr, on les voit pas longtemps. S’ils refont surface, c’est qu’ils portent une livrée.
Ainsi, l’enquête d’un courageux portait un titre anodin – c’est pourquoi les censeurs n’ont vu que du feu – « Qui sommes-nous, nous qui travaillons ». Avant de se faire virer, le malheureux avait fait ses comptes.
A la question aux chefs d’entreprise « Vous réservez-vous du temps pour penser ? », 10 % répondirent non ; 13% qu’ils pensaient une fois par jour ; 16% une fois par semaine ; 4% « de temps à autre » et enfin 8% qu’ils pensaient la nuit, que c’était pendant les heures consacrées au sommeil qu’ils cherchaient des solutions aux problèmes sur lesquels ils n’avaient pas eu le temps de se pencher pendant la journée.
On en était aux aveux. Les patrons ne pensent à rien ou si peu que ça ne vaut pas l’argent qu’ils s’octroient sans que personne ose rouspéter. Au point que certains PDG ont foutu leur entreprise à la faillite à force de poigner dans la caisse.

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On voit comme notre plan Marshall est mal parti. Tout cet argent dans d’aussi mauvaises mains. On n’est pas rassuré.
Un directeur de la pire espèce d’un centre de productivité eut l’idée d’en réunir une brochette lors d’un colloque sur le thème « Je n’ai pas le temps ».
Il ne fut pas outre mesure surpris qu’à son séminaire personne ne s’y inscrivit !
Tandis que dans les autres salles on s’y pressait « ergonomie », « management », « perspective » « nouveaux marchés ».
C’était réjouissant de voir la joyeuse pagaille et d’entendre ce patron français à particule se prendre pour Chamfort : « J’agis avec mes cadres comme avec mes chevaux : je leur donne largement l’avoine et je les mène à la cravache » !
Vers où ? pauvre crétin, dirait Richard III.

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