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Pyrrhonisme

Faut pas déranger quand on est au plaisir. Les gens ne peuvent pas voir s’accoupler des êtres comme eux, à peu de choses, sans prévenir un agent – pardon un inspecteur.
Il faut s’en faire une raison.
Tout ce qu’on interdit est bon pour le plaisir et bien que cela soit mauvais pour la santé, est-ce que cela regarde le gouvernement ?
Vais-je voir si à la table de Verhofstadt on mange bio ? Quels sont ses plaisirs et quelles sont ses relations avec les femmes, à commencer par la sienne, s’il fume ou s’il a déclaré le fusil de chasse de son grand-père ? En quoi sa vie privée me regarde-t-elle ? En rien !
Alors, pourquoi s’intéresse-t-il à la mienne ? Globalement pour taxer mes plaisirs, juguler mes manies, enthousiasmer mes élans, observer si j’accueille bien les étrangers, si j’ai de la compassion pour les prisonniers, si je l’admire lorsqu’il en libère au quart de leur peine et si je crois en l’holocauste et si, quand j’ai bu un verre, je tiens ou ne tiens pas des propos racistes, enfin si je n’ai pas un arriéré d’impôt en ces temps de déficit chronique de l’Etat...

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Il n’y a pas de raison forte assez pour me décider à vivre dans cette société, comme il n’y en a pas non plus pour me décider à en sortir. Alors, qu’est-ce que je fais ? Je déçois ceux qui voudraient me voir parti et encore plus ceux qui me voient toujours là. Vous me direz, ce sont les mêmes ! Qu’importe si l’on déçoit plus celui-ci que celui-là, des amis, en plus et qui le sont malgré un fond d’inimitié à mon égard. L’essentiel, n’est-ce pas de décevoir ? Je suis on ne peut plus satisfait, sur ce chapitre !
Quant à n’être plus ici, ni ailleurs, cela relève de l’importance que l’on donne à l’existence. La vie ne vaut pas la peine qu’il faudrait se donner pour la planter là.
On pourrait par altruisme l’ôter à quelques-uns. Ils ne se montreraient pas pour autant reconnaissants.
Qu’on ne me parle pas de la satisfaction du devoir accompli, de la fidélité de groupe, de l’honneur de l’éjaculateur précoce qui conseille un amant performant à sa compagne, des maladies douloureuses, de la honte d’être fier de la démocratie, du travail qui fait l’honnêteté de l’imbécile, il n’y a pas de quoi se relever la nuit à Charleroi et pisser de dépit à côté du vase.
Bien sûr, les maladies douloureuses... On ne les évoque jamais qu’en bonne santé et en enterrant un ami, cadet de dix ans. Parce que les maladies douloureuses sont souvent honteuses, attendu qu’en parler sape le moral du bien portant.
Je l’accorde, il y a certaines contrariétés. La pire de toute, c’est d’avoir serré de près une personne du sexe depuis des mois, pour se la faire souffler par un type qui passait, puis qui l’ayant prise ne sachant qu’en faire voudrait vous la refiler. Vous la reprendriez bien, mais c’est toujours elle qui ne veut pas !
J’ai bien pensé au suicide, ne serait-ce que par ennui. Mais, à la pensée que je tomberais n’importe comment sans m’arranger et me trouver grotesque devant la voisine de palier (tout à fait charmante), cela m’est insupportable.
On meurt par vocation. Seuls les héros en sont dignes. Je ne suis pas du nombre.
C’est plus fort que moi, j’ai difficile à me prendre au sérieux. Toute situation dramatique à son côté comique, si l’on considère les paramètres. Je ne capte que les mauvais.
Y a-t-il quelque chose qui fasse davantage rire que d’être cocu, à part l’intéressé ? La plupart n’envisagent cette hypothèse que des autres. Moi, je vais plus loin. Puisque tout le monde l’est d’une certaine manière, pourquoi ne le serais-je pas aussi ? Mais voilà, quand on parle de la chose dont personne n’est certain, on s’empresse d’ajouter « plus ou moins ». Cela change tout, d’être plus ou moins cocu, que cocu. Si vous l’êtes vraiment plus, rabattez vous alors sur la manière de l’être. Elle en a consolé beaucoup.
L’antiquité avait sa formule :
Tous les hommes sont cocus.
Platon est un homme.
Donc Platon est cocu.
C’est interchangeable, essayez avec votre nom. C’est très drôle.
Elise me le dit souvent : « Je vais te tromper ». Tant qu’elle y va, elle n’y est pas. Le jour qu’elle me dira « Je te trompe. », il faudra que je me collette dans le couloir d’un building avec l’amant, en espérant qu’un usager ne prendra pas l’ascenseur devant la porte duquel lui et moi roulons par terre. Et je me rassure en pensant qu’Elise blague. Qui en voudrait ?
-Mais toi, banane, me souffle un mauvais ange.
Oui, mais c’était il y a fort longtemps et j’ai beaucoup changé depuis, elle aussi du reste. Au point que nous sommes devenus méconnaissables l’un pour l’autre. On se croise parfois en ville sans se reconnaître. C’est au lit qu’on est bien obligés de s’apercevoir que l’autre existe, et encore pas souvent.
Tout est à l’avenant. On vit plus ou moins bien, surtout moins depuis que le capitalisme triomphant est parvenu à nous faire croire que si l’on vit moins bien qu’avant, c’est parce que nous ne savons pas gérer le progrès. Mais la mort ! Peut-on mourir plus ou moins ? C’est impossible. Et quand on dit de quelqu’un « il a eu une belle mort », le mort n’en sait rien, puisqu’il n’est plus là pour comparer avec les autres, si la sienne était belle.
L’embêtant, quand on n’aime ni la vie, ni la mort, on ne sait plus quoi aimer. Si… l’argent !
C’est un peu mon cas ces temps-ci.
L’ennui, c’est que je n’en ai pas. Je suis donc obligé de me rabattre sur celui des autres. On ne peut pas aimer tout le temps de façon abstraite, à part Dieu. Mais les autres défendent leurs biens, et comme je déteste la violence et que j’ai peur des coups, je ne sais même plus m’accrocher à l’amour de l’argent des autres !
Enfin, je vous explique cela, sachant bien que cela ne sert à rien, puisque rien ne sert à rien.
Revenons aux prolégomènes. Nous en étions à « dérangé en plein plaisir ».
L’inspecteur consulté était perplexe. C’était une belle femme dont le ceinturon lui allait bien, serrant la taille qu’elle avait fine, la chemise réglementaire faisant saillie aux bons endroits. Sa matraque, de la taille d’un gode, lui battait la fesse gauche.
Elle déposa les armes sur la table de nuit. Elle mouilla de ses lèvres le crayon de mon procès-verbal. Je sus quelques instants plus tard, que j’aimais davantage la petite mort que la grande.

Commentaires

Bravo! C'est un de tes meilleurs articles!

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