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Une nuit à Bagdad avec Isabelle Durant

Avec la gesticulation de Kim Jong-il, le dictateur nord-Coréen, on avait un peu oublié la guerre civile en Irak.
L’actualité a difficile de maintenir le public en haleine sur plusieurs sujets à la fois.
Sans qu’il y ait la moindre proportionnalité entre les événements, le sujet de la semaine dernière en Belgique, à savoir les élections et la « trahison » d’Isabelle Durant, avait remis sous les feux de la rampe un parti Ecolo mal en point partout sauf à Amay, et dégoûté l’électeur de gauche de voter pour un parti qui ne l’est plus. Quand soudain, Kim Jong-il appuyait sur un bouton et, de son bureau de Pyongyang, faisait péter sa bombe, depuis contestée.
C’est en s’apercevant que Bush, empêtré dans sa guerre d’Irak, ne pouvait s’équiper ni pour l’Iran, ni pour la Corée du Nord, qu’on s’aperçut que ce tigre en papier n’avait toujours pas résolu la quadrature entre Sunnites et Chiites et que Saddam Hussein ricanait de plus belle à son procès interminable. Pour un peu, ce sinistre coquin se mettrait à signer des autographes !
Kim Jong-il, à peine renvoyé devant le Conseil de Sécurité des Nations Unies pour y être symboliquement fessé, l’attention retombait sur le fait-divers quotidien, au moment où des violences entre chiites et sunnites à Balad, au nord de Bagdad, entraînaient des dizaines de morts.
On est un peu blasé, mais c’est ainsi tous les jours, l’actualité y foisonne. Le tout venant journalistique qui veut faire un papier saignant… faut qu’il aille à Bagdad...
On descend du Boeing et de l’aéroport jusqu’à la ville, si vous n’avez pas une bonne escorte militaire, vous êtes mort avant d’arriver.
Votre hôtel au centre ville est protégé par une montagne de sacs de sable et quelques tanks. Vous entrez là-dedans comme dans un bunker et vous n’en sortez qu’à vos risques et périls, ce que la plupart des envoyés spéciaux ne font plus depuis qu’on tombe comme des mouches dans les rues de Bagdad.
Et vous repartez quelques jours plus tard avec une autre escorte, replonger dans le Boeing et la civilisation, avec l’auréole « d’y être allé », sans avoir quitté le bar de l’hôtel !
Retour au pays, vous êtes baptisé correspondant de guerre et vous voilà en compagnie des vrais qui y ont laissé leur peau et d’autres qui y ont risqué gros.
L’omerta est ouverte entre les deux factions confessionnelles. 14 ouvriers sont exécutés par Al-Qaïda, maintenant solidement implanté dans le coin grâce à Bush, aussitôt le camp d’en face enlève 70 sunnites, dont 40 d’entre eux ont été retrouvés morts, aussi vite qu’il est permis aux égorgeurs de jongler avec la coutellerie sacrificatoire.
Comme on n’a pas le temps d’entrer dans les détails, certains d’entre les 70 ont même été kidnappés dans un hôpital local.
La ville est quadrillée comme jamais. Les Américains graticulent, les périmètres sont trop vastes pour qu’un semblant d’ordre s’installe. Ces jeunes gens venus de toutes les parties des Etats-Unis se demandent ce qu’ils font là, à part attendre leur solde et espérer qu’on ne les enverra pas trop souvent au contact.

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Ce n’est pas drôle d’avoir gagné la guerre contre l’armée irakienne, si c’est pour mourir dans une rue aussi bêtement qu’un pigeon dans un champ de tir.
Les partis ont beau dénoncer les crimes, les religieux jurer sur la barbe du prophète qu’ils n’y sont pour rien, bref, la population d’enfants de chœur s’étripe et étripe les étrangers avec un plaisir rare.
Voilà qu’ils affirment que des membres des forces de sécurité ont participé aux enlèvements, aux côtés des milices chiites ! C’est dire si, comme à Schaerbeek, on ne sait plus se fier à personne !
Voilà deux ans que cela dure. L’opinion internationale se lasse. Bush touche le fond à Washington ; mais, les Américains devront attendre le président suivant pour quitter l’Irak sur la pointe des pieds…
Alors vous pensez, de ce gâchis se précipiter tête baissée dans un autre qui est la charte du club des cinq nations – ce n’est pas un tournoi de rugby – qui s’étend d’année en année aux nouveaux pays qui détiennent la bombe pour faire tout sauter un jour, ce n’est pas drôle.
Alors, rabattons-nous sur nos petites histoires, les 2 milliards introuvables mais qu’on va trouver, l’installation du Conseil communal de Schaerbeek, le triomphe amaytois du divin Javaux et toute cette actualité bien belge dont le monde entier se fout et qui paraît si rassurante, qu’on a presque envie de remercier Madame Durant d’avoir prolongé de quelques jours des élections qui sans elles, eussent été bien ternes.

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