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Euro Tunnel : abysses et profondeur.

Les pointures, pas qu’à Charleroi qu’on les trouve. Les grandes n’y pourraient survivre. Il leur faut des eaux plus profondes, là où la justice ne descend pas en bathyscaphe.
Exemple :
Le petit actionnariat n’est pas nécessairement le lot d’une catégorie de spéculateurs honteux, sorte de maquereaux de la finance, ne produisant rien par eux-mêmes, souvent propriétaires d’inqualifiables taudis, médecins gros producteurs de vignettes ou fils dévoyés de notaire. Il est parfois le signe du désir de croire à la prospérité par le financement spéculatif du travail honnête et l’artisanat vertueux, pour lesquels placer le fruit de son travail dans la « petite » action est un acte de foi.
Le grand projet napoléonien de joindre la France à l’Angleterre, repris sous Mitterrand par Euro Tunnel avait emporté l’adhésion de la multitude de gens simples qui croient en l’avenir de l’Europe et en la solidité du capitalisme lorsqu’il s’appuie sur les démocraties.
Bref, ce terreau magnifique de naïveté et de lieux communs s’était rué sur cette occasion patriotique de placer son capital, d’autant qu’on lui avait promis de solides bénéfices.
Las, quelques temps après l’inauguration, il fallut déchanter. Euro Tunnel ne pouvait dégager de bénéfices quoique très rentable par ses activités, de par son gigantesque endettement. Cette nouvelle fit le tour des bourses. Quelques années plus tard, l’action ne valait plus que 44 cents et avait ruiné les naïfs, qui passaient derechef du camp des malchanceux à celui des gogos.
Avec 9 milliards d’euros à rembourser, l’affaire était entendue et le bilan bientôt déposé, avec les risques d’une liquidation. Comme on le sait, la cupidité des liquidateurs n’a pas de limite. Les tribunaux de commerce sont de véritables mines pour chercheurs d’or appliquant, en théorie, la loi à la lettre, donc classés dans la catégorie des aventuriers honnêtes. Les financiers français ont eu peur de l’aventure, des fois qu’ils seraient tombés sur la fine fleur de l’entourloupe, la pratique douteuse, succédant à la théorie.
Les banques prêteuses firent le calcul qu’en transformant leurs crédits en action, elles reprenaient à leur compte une bonne affaire, en dépouillant les petits actionnaires des milliards qu’ils y avaient investis.
Cinquante-trois établissements de crédit représentant 6,13 milliards de créances se sont prononcés. Un vote positif ouvre la voie à une validation du plan de refinancement par le tribunal et à sa mise en oeuvre par l'entreprise. Le tribunal a lancé cet été une procédure de sauvegarde du groupe.
L'assureur-crédit américain MBIA et la Banque européenne d'investissement (BEI) ont apporté leur soutien.
Certes les petits actionnaires ne perdront pas tout, l’action, ne valant plus rien, pourrait s’échanger contre une autre de quelques dizaines de cents. On ne serait pas surpris qu’il serait encore fait appel à eux pour l’augmentation de capital.
Ceux qui seraient de nature à répondre favorablement à cette nouvelle offre pourraient entrer dans le Guinness Book des records en qualité de débiles profonds surdoués.
Le plus drôle c’est que certains accepteront.
Comme quoi le goût de l’argent est un mal profond qui, comme l’alcoolisme ou la drogue, est curable fort difficilement.

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En réalité, cette affaire n’est pas si compliquée que cela. Il s’agit d’un jeu d’écriture. Avant les bénéfices (100 millions d’euros par an, mais davantage sans dettes) étaient aspirés par les banques en paiement des intérêts des prêts consentis. Aujourd’hui, le fric passera directement dans les caisses des banques. C’est en somme un jeu d’écriture en moins. Les gogos, qui ont financé de moitié cette gigantesque entreprise, n’ont aucun moyen de présenter leur créance et faire part égale avec les banques. Heureux qu’ils n’aient pas tout perdu.
La morale de cette histoire, si tant est qu’avec ce qui se rattache au fric il y ait une morale, les banques ont perçu les intérêts versés de leurs fonds avancés. Ils récupèrent presque tous leurs capitaux en devenant propriétaire et pourront se servir tout de suite dans la caisse, en empochant au passage les fonds versés par les gogos.
Voilà comment on devient propriétaire d’une bonne affaire.
Aux dernières nouvelles, on pourrait signaler aux admirables patriotes d’Euro Tunnel qu’ils investiraient dans l’usine de VW à Forrest, que ce serait bien vu par tout le monde.
C’est grand, c’est propre, c’est vide… et ça peut rapporter gros.
Il paraît que la nouvelle Audi est une véritable affaire en or ! Elle aurait la possibilité d’emprunter l’Euro Tunnel sans monter sur le train !
Les banques se chargeraient éventuellement de trouver des sponsors…

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