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Libération en conditionnelle.

Les salariés du journal " Libération " ont approuvé, à 56 % des suffrages exprimés, le plan d’Edouard de Rothschild. La question posée était : "Acceptez-vous le schéma de relance du journal proposé par l'actionnaire de référence ?"
Le schéma prévoit une recapitalisation de 15 millions d'euros, un changement des règles de gouvernance et du statut de l'entreprise, et un plan social à négocier.
Voilà dans toute sa sécheresse la réalité d’un grand journal qui va disparaître ; car, ne nous faisons pas d’illusion, si ce n’est pas lui, ce sera un autre, quelque soit le cas de figure. Ces disparitions de la presse – on a vu cela à Liège – sont tout simplement dues à la raréfaction des lecteurs.
Combien de lecteurs perdus depuis plus de vingt ans et de façon constante, par la presse quotidienne ?
La question est de savoir pourquoi les gens ne lisent plus les journaux ?
L’effort de lire n’est-il plus assorti de la récompense de comprendre mieux un événement en le lisant que de le percevoir par l’image et le commentaire ?
La raréfaction des journalistes dans des salles de rédaction de plus en plus réduites, n’est-elle pas aussi due à un manque de diversité dans la présentation de l’information ?
La presse d’opinion défunte, l’apparente « neutralité » donnant à tort une impression d’objectivité fait-elle plus de tort que de bien aux journaux ?
Les lois sociales et le coût exorbitant du papier et des machines ont-ils tué la liberté d’expression en ne permettant plus qu’aux grosses fortunes de gérer un journal ?
Internet, plus que la télévision, sera-t-il le lieu de l’estocade finale de la presse écrite ?
Autant de questions et autant de réponses.
La lecture de l’écrit d’information permet le recul, la réflexion et l’analyse sur les grands thèmes d’actualités internationales et locales. Une lecture que l’on prend, abandonne et reprend encore, est bien plus profitable et d’un plus grand intérêt que n’importe quel support télévisuel. Mais Internet semble changer la donne et perturber le lecteur.
Un autre et insidieux poison est celui que décrivait déjà Honoré de Balzac en son temps.
Il s’agit d’un archétype : Andoche Finot, un journaliste qui apparaît dans « La Maison Nucingen » et dans les « Illusions perdues ».
C’est un journaliste qui n’écrit pas, qui fait écrire les autres, le directeur de journal, l’exploiteur de la pensée d’autrui, celui qui lance, qui anime, qui flaire le vent. Le métier a du bon. Mais suivant la manière dont on le prend, on est créateur ou maquereau. Finot appartient à l’espèce des maquereaux.
Balzac en donne une description qui fait mouche «…à plat ventre devant ceux qui pouvaient le servir… insolent avec ceux dont il n’avait plus besoin. » Reconnaissant parfois, mais par calcul, dénué de scrupules comme d’orthographe, il a un pied partout dans le monde, comme dans le demi, dans les ministères, comme dans les théâtres.
Andoche Finot aujourd’hui serait publiciste, rédacteur en chef ou chargé d’assainir aux noms des actionnaires une trésorerie malmenée. Et que ferait-il ? Sinon ce que l’on fait dans nos journaux au moment capital : appauvrir davantage les rédactions, comme si cela était une solution ! Comme si cela n’allait pas condamner définitivement un journal ?
Les gouvernements ont senti la nécessité d’aider la presse.
En Belgique des conventions ont permis d’éviter le pire ; sauf que ces conventions profitent plus aux actionnaires qu’aux journaux proprement dits.

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Mais la situation n’est pas meilleure qu’en France.
On pourrait même dire, sauf une ou deux exceptions, que c’est la débâcle.
On arrive à ce paradoxe que ce sont les amateurs des blogs qui perpétuent aujourd’hui la grande tradition de la polémique et de la liberté d’expression.
Sans eux, le dernier résistant « Le Canard enchaîné » aurait bien été le seul à manier le pamphlet.
Ah ! j’oubliais, dans la liste des causes et des questions du plongeon de la presse, on pourrait ajouter la fusion des partis politiques dans un « mélangeur » débitant l’eau tiède des programmes.
Je souhaite bien du plaisir aux journalistes de Libération.
Les premiers débarqués ont encore une chance de se recaser dans le monde de la presse ; quant à ceux repêchés par Rothschild, ce sera plus difficile, sinon impossible l’année prochaine, quand Joffrin aura jeté l’éponge.

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