« Un postulant mal aimé. | Accueil | Soral et Finkielkraut… »

Un chiffon de papier de plus ?

Un important traité interdisant en toutes circonstances la pratique des disparitions forcées vient d’être signé à Paris.
Il a trait aux enlèvements de personnes et à leur détention dans des lieux secrets, quels que soient les auteurs de ces forfaits, agents d'un Etat (police, armée), groupe non étatique, milices ou guérillas.
On se souvient des disparitions en Argentine sous le régime des militaires du sinistre Pinochet. Les sources de ce traité viennent de la réflexion collective à la suite de ces forfaits.
Pour ceux qui rêvent d’une Justice universelle égale pour tous et donc implicitement adversaire des dictatures, et des exactions, tortures, disparitions au nom d’un ordre, fût-il venu d’une Nation réputée démocratique, c’est un grand progrès.
Ce traité qualifie de crime contre l'humanité "la pratique généralisée ou systématique de la disparition forcée". Elle instaure un régime important de prévention et de protection, reconnaissant notamment aux proches des victimes de disparitions forcées et à leurs défenseurs un droit à l'information, à la vérité, et à des réparations. Ces éléments reprennent certaines dispositions figurant dans les statuts de la Cour pénale internationale (CPI) siégeant à La Haye. (Le Monde 8 février)

focus400-4.jpg

L’intéressant, c’est que ces crimes sont imprescriptibles, sinon que la prescription ne commence qu’à partir du moment où le crime a été élucidé. Autrement dit, à la désignation des criminels, ce qui laisse aux parents des victimes et aux Associations un long délai de poursuite devant une juridiction qui peut être internationale, comme le Tribunal de La Haye.
Mais, ce qui constitue une grande nouveauté, c’est que la juridiction saisie peut remonter aux sources. Ce n’est plus seulement l’exécutant, mais le donneur d’ordre qui serait poursuivi.
Prenons en exemple l’affaire Ben Barka, cet opposant marocain « disparu » à Paris en 1965.
Pendant une bonne dizaine d’années des bribes et des morceaux de cette affaire vinrent aux oreilles de l’opinion publique. Aujourd’hui, on sait que deux policiers français ont aidé les services secrets marocains à cette disparition. C’est donc un crime politique qui entre parfaitement dans le traité nouveau. Des rapports d'écoutes ont été rédigés pour le ministère de l'Intérieur quelques jours avant l'enlèvement de l'opposant marocain, à Paris, le 29 octobre 1965. Publié par l'ancien commissaire Lucien Aimé-Blanc, ce document prouve que les services de police ne pouvaient ignorer que quelque chose se tramait. Cette pièce inédite s'ajoute à ce dossier qui, à ce jour, n'a toujours pas été refermé. Ce n’est donc plus la complicité crapuleuse de deux ripoux, mais les Services de police qui seraient à la base de cette machination ayant entraîné la disparition de l’opposant marocain. On pourrait ainsi remonter aux responsables du ministère de l’intérieur de l’époque, et ainsi de suite, jusqu’au chef de l’Etat de ce temps-là (De Gaulle !).
Les FARC qui séquestrent en Colombie des centaines, voire des milliers de personnes, dont notamment Ingrid Betancourt, tombent dans le collimateur du traité
Un Comité des disparitions forcées, composé de dix experts indépendants, est également prévu pour une durée de quatre ans, dans le but de porter à l’attention du secrétaire des Nations Unies des cas de violations massives et systématiques des Droits de l’Homme, avec séquestration et disparition de groupes de personnes.
Les geôles dans certains pays sont davantage peuplées de prisonniers politiques sans droit que de délinquants ordinaires. La plupart du temps, les familles ne sont pas informées. Elles sont même inquiétées lorsqu’elles réclament des comptes à l’Administration.
Dorénavant, elles courront moins de risques que ceux de tourner place de Mai, en brandissant les photos de leurs disparus pendant le règne d’Augusto.
On pourrait croire, depuis la fin du régime des militaires en Argentine que le monde s’est assagi et que ce Traité n’a plus de raison d’être. Ce serait une erreur. Les disparitions forcées n’ont jamais connu de répit. Mieux, elles connaissent un regain dans l’actualité.
La Colombie, la Tchétchénie et le Népal sont des endroits parmi d’autres où disparaissent des gens qui ne sont jamais retrouvés.
Les Etats-Unis d’Amérique ne sont pas en reste. En 2005, éclata le scandale des prisons secrètes de la CIA. La base de Guantanamo retient toujours des prisonniers intégristes dont les noms n’ont jamais été publiés.
Israël pourrait faire l’objet d’une enquête du Comité des disparitions forcées.
Voilà un traité de plus, qui ne vaut que par le respect des Etats preneurs de leurs signatures.
Attendons la suite…

Poster un commentaire