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Les adieux de la diva.

Ce soir, on a vu un Chirac tellement dans son rôle, qu’il a fini par y croire !
C’est ce qui s’appelle une persuasion par incarnation involontaire. Seuls quelques grands acteurs y parviennent. Le plus dur, c’est de retrouver la réalité. Dans le cas de Chirac, cela sera difficile. Giscard, par exemple, n’y est jamais parvenu.
L’ultime sincérité quand tombe le rideau et que la salle s’inquiète déjà à quelle heure passe le dernier bus, est terrible ! Dès les premiers mots du monologue, l’émotion fut à son comble. Il y avait tout, la contraction de la gorge, la moue chagrine. C’était du grand Al Pacino.
Le Président rappellerait plutôt l’acteur Albert Dieudonné (né le 26 novembre 1889 et décédé le 19 mars 1976). Dieudonné est né à Paris et commence sa vie d'acteur dans un film muet de 1908. En 1924, il dirige un drame, Catherine. Il sera l'assistant à la réalisation de Renoir, tous deux acteurs sur le film également. En 1927, il sera l'acteur principal de Napoléon, un film d'Abel Gance. Il aurait été si marqué par son rôle de Bonaparte qu'il en serait arrivé avec les années à se prendre pour l'empereur lui-même. Il donna plus tard des conférences sur Napoléon. En 1929 Dieudonné écrit un roman adapté en comédie musicale, La Douceur d'Aimer.
Chirac lui, se prend pour Chirac. C’est encore plus fort. Son interprétation du personnage est en tous points d’une rare intensité.
Chirac, père des Français, donc de la Nation, au sommet de son art rejoint l’illustre cabot Dieudonné. Pour être tout à fait juste, il y a aussi un peu de Depardieu du « Quand j’étais chanteur », par l’obligation française de citer par contrat Gérard dès que l’on parle de génie.
L’incarnation même du héros de la Nation qui s’en va, on sent pour cet homme que c’est dur de partir. Il y a du Jeanne d’Arc dans son sacrifice.
Si c’était encore les Anglais, les ennemis de toujours, qui l’éloigneraient de la mère patrie, il agiterait son mouchoir à la poupe du navire ennemi en sortant du Havre et tout le ponde pleurerait en voyant disparaître celui qu’on avait toujours vu, avec Chancel, à la proue…
Mais attention, il n’a pas dit son dernier mot. Un métier qu’il possède à fond, il ne l’abandonnera pas de sitôt. Il peut encore servir. Même troufion de deuxième classe, loin des stucs et des lambris, un homme de sa trempe n’abandonne jamais.
Les Français qui pensaient avoir assez donné, depuis les emplois de la mairie de Paris, en passant par les frais énormes de l’Elysée, les voyages dispendieux dans les meilleurs hôtels du monde, jusqu’aux dernières péripéties des affaires en tandem avec Villepin, les Français qui en avaient assez des effets de propagande du genre fracture sociale, n’en ont pas terminé. Les fins de mandat annoncent des débuts de mandat. On a un bel exemple avec Giscard. Ces gens-là n’abandonnent jamais. Ils sont faits pour ça, pour dire aux autres, tracer la voie, montrer le chemin. C’est une profession d’éclaireur, de soldat en quelque sorte. Sauf que leur service militaire est éternel. Il ne finit qu’avec la mort, d’où le réalisme pratique des dictatures dans lesquelles on ne descend du trône qu’abattu par la mitraillette du successeur.
Contre celui qui concrétise le mal français en lui prenant la vedette au nom de l’Union pour la Majorité Présidentielle, Sarkozy en personne, le Président n’a pas dit son dernier mot. Va-t-il l’adouber, le reconnaître pour son fils spirituel, au mépris des dernières promesses à Villepin ?

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Le Président se tâte, tergiverse, donnera son avis sincère et loyal comme toujours sur ce qu’il y a de mieux pour la France. « Qui ? » lui demande-t-on des suppliques plein la voix.
Son camp redoute que saisi par l’esprit de vengeance, le vieux ne lâche du bout des lèvres le nom abominé de Bayrou !
Mais non, ce n’est pas possible !
Ce serait la dernière la meilleure. Qui sait, Bayrou lui a peut-être promis une ambassade exceptionnelle, une suite à vie dans plus bel hôtel des Emirats ? Chirac l’a dit. Il y a des emplois faits pour lui, des représentations de prestige. Personne ne peut baiser les mains des dames comme lui. Que penserait Condoleezza Rice, Angela Merkel, sans l’incarnation du Vert galant ? Allons, la galanterie française serait perdue !
Et puis, qui sait mieux que lui aux Comices agricoles flatter le cul des vaches, lever le godet, écouter l’accordéon du Périgord
Son propre parti construit contre Balladur, cet ami de 30 ans, s’est aligné sur Sarko. Le petit reprend à son compte le lourd passif de haine et d’entourloupettes que portait seul Balladur. Le mois à venir sera particulièrement dangereux avec les chiraquiens ses redoutables et nouveaux amis.
Enfin, salut l’artiste.
Si c’est comme dans le sketch de Coluche des adieux à la scène, il reviendra. On revient toujours, sauf si on passe sous un camion.

Commentaires

Du tout grand Richard III !
Au fond, n'y a-t-il pas un peu de Chirac dans Richard III ? Cela expliquerait la fluidité naturelle de l'analyse: "ce qui se conçoit bien s'énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément", disait Boileau.
Nous sommes tous un peu prisonniers de notre personnage mais certains le sont plus que d'autres!

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