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Pour lecteurs bayroutisés

Il paraît qu’INTERNET fait de la démagogie sur l’information générée par les fournisseurs d’accès.
Enfin, c’est Hervé Bourges, président de l'Union internationale de la presse francophone, qui l’affirme. Il est furax aussi sur l'émission de TF1 "J'ai une question à vous poser", représentative de ces médias "qui dénient aux journalistes leur fonction propre, celle d'être les animateurs du débat public".
Ce qui chiffonne surtout Hervé, c’est la nouvelle génération, le Web 2.0, qui "met en avant des contenus offerts par les internautes". Il y voit une de "ces pratiques qui révèlent une volonté sourde, tacite, mais profonde, de développer de manière croissante des médias sans journalistes".
On en frissonne !
Ce n’est pas que j’aie une dent, à l’inverse d’Hervé, contre ceux qu’il représente, on rencontre souvent sur des sites de non-professionnels et malgré beaucoup de scories, bien des points de vue et même des informations qu’on ne trouverait nulle part ailleurs. Je le dis tout net, tout en respectant l’écriture de journalistes brillants qu’on ne peut lire que dans la presse de qualité.
Ce qui est gênant, c’est la manière dont ces journalistes découpent le tout venant des blogs d’amateurs, pour en extraire, ce qui leur paraît être le meilleur et qui n’est, le plus souvent, qu’une pâle copie de ce qu’ils représentent, comme le reflet, en moins bon, de leur appartenance politique et philosophique.
A croire que l’opinion aseptisée, préludant à celle du centre bayroutisé, est la seule qu’ils connaissent. S’ils se contentaient d’affirmer leur goût, qui n’est que le privilège de ceux dont la profession est de pouvoir communiquer à des lecteurs quotidiens leurs opinions politiques et leurs états d’âme ; mais, ils décernent des prix, font des remarques, comme s’ils étaient les pontifes écoutés des nouvelles techniques et qu’ils auraient la mission d’en remontrer aux maladroits et aux néophytes de la Toile. Et cela est proprement intolérable.
Certes, parmi les amateurs, il s’en trouve beaucoup qui le sont et qui le resteront, mais croire que de tout le reste, il n’est bon bec que ceux distingués par la presse, c’est s’imaginer qu’il n’est point de qualités informantes, point d’écriture journalistique, en dehors de ce qu’ils décrètent comme acceptable.
Le spectre d'un "monde sans journalistes" empêche Hervé Bourges de dormir. C’est inquiétant, en effet, de constater l’appauvrissement en lecteurs et en moyens de la presse écrite. Si tout n’est pas de la faute des patrons de presse, loin s’en faut que cette mort lente soit la faute de tout le monde sauf à eux et aux journalistes !
On ne tire pas sur une ambulance, j‘en conviens. Mais, voilà vingt ans que l’on prévoit ce qui arrive aujourd’hui. Voilà vingt ans que l’on épilogue sur la maladie et la capacité du malade à produire des anticorps !

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Les études montrent la montée d'un désappointement chez une majorité de journalistes. "Ils se disent favorables à l'accueil des avis du public citoyen, mais il leur reste à complètement intégrer les attentes de la société à leur égard", a observé le sociologue des médias Jean-Marie Charon, qui a noté "des inquiétudes et des critiques à l'égard des évolutions internes des médias, des structures, du système, des autres journalistes".
Une enquête réalisée par La Voix du Nord, France Bleu Nord et France 3 Nord - Pas-de-Calais - Picardie montre que le public souhaite davantage de reportages et de dossiers. Ils sont également 70 % à réclamer des développements de l'information régionale et locale sur Internet. Lors des débats et rencontres avec les journalistes, les participants ont réclamé d'abord une information rigoureuse et de qualité.
Eric Marquis, de L'Express, a insisté sur la nécessité de se recentrer sur les contenus. "Aujourd'hui, on incite les journalistes à aller davantage sur Internet que sur le terrain. En même temps, les effectifs s'amenuisent, a-t-il fait observer. Sur le plan social, le monde sans journalistes est en train de se dessiner. Il est vrai que, s'il s'agit de préférer la réécriture et le commentaire au reportage et à l'enquête, on n'a pas besoin de gros moyens." (Le Monde du 11 mars 07)
J’ajouterai à ce constat accablant qu’heureusement la vocation d’informer ne meurt pas, qu’elle s’entretient justement par les blogs que les journalistes dédaignent. Enfin, si la presse va mal en 2007, c’est parce qu’elle manque de polémistes, de plumes acides que l’on confond avec la presse bidet, people et les magazines tendances, et qu’enfin, la non-opinion, c’est-à-dire l’opinion centriste – bayroutisée - flatte tous les pouvoirs en place et que l’homme de la rue n’aime les putains que dans les chemins de traverse.

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