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Y aller, tout est là !

On entend les grands couplets souvent venus des petites voix, hasard des rues, chantés pareils par des choristes descendus des cintres… ordre de Dieu… convergence d’individus gavés de dix siècles d’imposture.
Les grandes orgues par mille buffets, toccata, fugue, comme douteuse chansonnette à la même baguette des maestros unanimes, accompagnés par ceux à qui on ne l’a fait plus, tous au refrain, c’est la morale qui donne le la.
Sous les étiquettes, les gens respirent pareils, jobardise universelle…
C’est le défilé, l’avalanche, c’est à qui criera le plus fort : patrie, dieu, liberté.
Et pourtant…
Il y a beaucoup plus fort.
Plus fort que le statut social… la poursuite des rêves consommant, de l’héros vertueux à la crapule accomplie… plus fort que la famille, la raison de vivre, les enfants… plus fort que l’amour surtout, l’amour des êtres chers… je te présente ma fille, je me suis marié avec sa mère par amour… nous avons travaillé dur et amassé sou par sou de quoi ne plus s’inquiéter pour les vieux jours et donner à nos chers petits, ce que nous n’aurons pas consommé…
Plus fort que les grands thèmes, la patrie, les drapeaux, la défense du territoire, le sentiment d’être né quelque part…
Plus fort que les lois universelles qui régissent les attractions, les courants, les physiques célestes…
-Quoi , mais c’est quoi qu’est le plus fort ?
Une règle essentielle, indispensable, incomparable pour la survie, le bon fonctionnement de tout, pourquoi nous sommes sept milliards, bientôt huit, douze… quatorze !...
-Quoi baiser ?
Une ou deux fonctions pas plus qui fait que l’on se lève joyeux et dans les moments propices se persuader que la journée sera bonne…
-Ah ! Tu fais chier…
On y est. Pipi caca plus fort que tout, l’essentiel en deux temps… Du puissant au vieillard cacochyme une seule idée toute matinale pisser, chier !...

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L’humanité réduite au fonctionnement du ventre… que le conduit produise… que le jet soit franc, sans détour… dans cette double satisfaction la pensée s’envole, le monde se refait… Les horizons s’éclaircissent, les noirs projets, le pessimisme redoutable, les craintes, tout change… Dès qu’on se relève, ah ! dis donc, on se sent un autre homme.
Beaucoup restent humbles par ces seules fonctions.
Les plus belles pages d’amour, les illusions les plus folles et les aventures les plus grandes ont commencé par l’endroit… Napoléon au pont d’Arcole, vous pensez s’il avait traîné sur la lunette pour nous sortir une crotte de lapin, comment il aurait pu se lever gaillard, saisir le drapeau, puis d’une défécation l’autre poser pour David au soir du sacre ?…
Voilà le destin de nos grands hommes débutant tôt matin par ressembler à l’un quelconque animal de la création !
Cela donne le vertige. Sa majesté en personne ? Bien sûr. Il pourrait pas faire autrement.
Mais alors, cela fout tout par terre, l’autorité, la majesté, la magistrature d’Assises, les grands de ce monde, tous se ruant au lieu et en ressortant la gueule en coin, l’air maussade, ou ragaillardis convaincu qu’il faut envahir la Pologne ou écrire des mémoires qui seront lus par des milliers de personnes, juste après les fonctions majeures, pipi caca.
Devant l’inéluctabilité des choses, on est tous d’accord. C’est dans la projection curieuse de la manière de procéder que cela diffère.
On serait bien surpris.
Seule énigme, un saint homme, peut-il arriver à faire l’abstraction de ses fonctions tout en les faisant ? Peut-on penser à la rédemption de l’humanité chemise bas ? S’apprête-t-on déjà à faire des miracles à partir de ces endroits discrets où la grand messe des organes confine à l’apothéose.
Lazare est-il ressuscité ce jour-là parce que Jésus y était bien allé ?
Vaste question, qui mériterait bien qu’on s’y attarde, si la génuflexion prolongée n’était en l’occurrence un signe de constipation et donc de mauvaise santé ?

Commentaires

"Si haut que l'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul" (Montaigne).
Mais pourquoi cela nous chagrine-t-il tant de n'être que des êtres biologiques parmi d'autres, soumis à la satisfaction de nos besoins essentiels?
"La langue est la meilleure et la pire des choses", disait Esope! Cet outil merveilleux qui nous permet de communiquer avec notre environnement est aussi à l'origine de notre détresse.
Les mots sont des symboles, comme des pièces de Lego. On peut les assembler comme on veut; tout se laisse écrire et penser. Il ne faut pas plus d'effort pour dire: "je suis fatigué, j'ai envie de chier, ..." que de dire: "Je suis Dieu, je suis immortel..."!
Et, au lieu de savourer la vie à chaque instant, nous ne faisons que comparer nos vains songes de grandeur à ce que nous prenons à tort pour "la triste réalité".
Le malheur est dans nos têtes...!

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