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Le syndrome de Peter Pan

La jeunesse, la belle jeunesse, celle qui étudie, qui s’inquiète de son avenir, qui n’est pas accroc à l’herbe, bref, la jeunesse, de laquelle tout le monde a besoin afin d’assurer la relève, n’est pas rassurée du tout quant à son avenir à elle.
Elle s’interroge et cela étant, ne tente point l’aventure de la vie sans avoir au préalable répondu aux questions qu’elle se pose.
Alors, elle campe là où elle est. S’arrête à l’âge où le questionnement l’a prise.
Une fraction de cette belle jeunesse se résigne, parce que souvent elle ne peut faire autrement, s’engage dans la vie sans avoir trouvé la réponse, vote Sarkozy et devient notaire, ou sombre dans le travail à la chaîne et rejoint Besancenot.
Une autre partie résiste, parce que la famille en a les moyens, et s’accroche à la chambre du temps du collège, où gisent encore le nounours qui aidait à trouver le sommeil, la maquette du stuka abandonnée dans un coin et qu’on s’était juré de finir un jour, la cassette Nintendo aux deux parties retenues par des élastiques, jusqu’au slip comprimé dans le double fond de la boîte de scrabble du premier flirt.
On ne sait pas si cette jeunesse-là repliée sur elle-même aime les tonitruantes musiques de Michael Jackson, mais elle développe comme lui le syndrome de Peter pan.
Elle ne veut pas vieillir parce qu’elle a peur du monde violent des adultes.
Pour un peu, elle comprendrait le Michael de 40 ans qui s’était barricadé dans son Disneyland intime, et qui croyait rendre des services aux autres garçons de huit ans – son âge mental – en chaperonnant des branlettes collectives, au grand scandale des adultes qui ne comprennent rien. On retrouve en filigrane dans le syndrome la fuite des responsabilités, l’angoisse face à la barbarie du monde extérieur, la nostalgie d’une enfance magnifiée des bons souvenirs et expurgée des mauvais, la quête d’un paradis disparu mais artificiellement renaissant dans les livres pour la jeunesse, qui restent à portée et que l’on feuillette quand la vie est trop moche.
Que faire lorsqu’on devient adulte et que l’on a de l’aversion pour eux, c’est-à-dire pour « soi » devenu tel ?
Penser que la littérature enchantée, épique ou fleur bleue préparerait le prime lecteur à faire carrière en moustaches et prétention dix ans plus tard dans le monde des adultes, donner dans l’heure supplémentaire et préférer le porte-jarretelle à la nudité complète chez l’amante, est une grossière erreur fort répandue dans les manuels de la fine éducation des élites.
Pinocchio et Tintin, quel âge ont-ils à jamais ces deux-là ? Dans les années 20, Hergé donne 14 ans à Tintin, un demi-siècle plus tard, il en a à peine deux de plus ! Qui dit mieux dans le bain de jouvence de la bande dessinée ? Prendre 2 ans en 50 ans, cela signifie que dans 1000 ans Tintin aura 56 ans ! En mille ans, il aura eu le temps de réfléchir au complexe de Peter Pan.
Avant d’être transformé en petit garçon après son séjour dans le ventre d’un requin, certains cinéastes malveillants ont donné vie à la marionnette de Pinocchio en la faisant interpréter par Roberto Benigni, acteur de 50 ans ! Ce fut un beau scandale pour tous les pinocchiotistes, alors que Carlo Collodi, un siècle auparavant, donnait à sa créature tout juste 8 ans !
Descendre en âge paraît malaisé. Par exemple, le Petit Prince est si désincarné qu’il ne s’accorde en rien à la morosité et la solitude d’une planète. Voilà quelqu’un qui est seul, sans eau, sans nourriture et qui s’intéresse d’abord à tout ce qu’il ne voit, ni n’entend ! Saint-Exupéry nous pousse à la faute d’aimer un conte philosophique qui n’en est pas un, parce que le héros embrasse le monde dans un paysage lunaire, pose des questions d’une voix faussement surprise et se plaçant aux antipodes des préoccupations des adultes, n’est ni jeune, ni vieux. Il devient intemporel ! Quel âge a le Petit Prince ? Dans ses interrogations simulant la naïveté, mais drôlement faux derge, pour moi, il a l’âge d’Aristote.
Je ne sais plus qui a dit que le Petit Prince est le petit frère de Tintin ! Voilà bien un rapprochement qui ne me serait jamais venu à l’esprit. Qu’il soit le petit frère de Bernard Kouchner ou de Nicolas Hulot, je le conçois aisément, mais de Tintin !...
Reste deux portraits à accrocher dans la galerie : celui de Charles d’un Bon petit Diable de la Comtesse de Ségur, bon cœur et pleins d’astuces pour échapper aux foudres de madame Mac’ Miche. C’est le type même de l’enfant malheureux qui se défend contre l’adversité. Avec la complicité de quelques bonnes amies de son âge, il joue quelques bons tours à sa tourmenteuse. Au moment du récit, il a une douzaine d’années, mais contrairement aux autres héros du complexe de Peter Pan, Charles vieillit et finira pas épouser Juliette une jeune aveugle, de deux ans son aînée. C’est la trahison de l’auteure qui fera que Charles n’entrera pas dans le Royaume des à jamais immatures. Mais, il mérite au moins d’être cité.

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Enfin, le dernier des personnages et sans doute le plus célèbre, c’est Alice au Pays des merveilles.
La petite Alice Liddell de qui Lewis Carroll s’est inspiré était une fillette de 10 ans. De graves philosophes ont écrit de forts bouquins sur la conjonction entre la fillette et le photographe-mathématicien devenu conteur après un voyage en barque avec la fillette.
Dans le conte et la suite, elle ne vieillit pas et ses aventures s’inscrivent encore aujourd’hui dans tous les parcs d’attraction pour enfants du monde, ce qui en fait avec Mickey, souveraine et souverain du monde enchanté où ceux qui ont la peur de vivre devant le miroir, se réfugient, parfois à tout jamais, derrière.

Commentaires

Désolé, mais Pinocchio n'a pas été avalé par un requin, mais par une baleine, en réalité un cachalot, donc un mammifère...
Amitiés

Désolé, mais Pinocchio n'a pas été avalé par un requin...c'était un cachalot, un mamminfère...

Amitiés

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