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Un beau principe !

Le principe anthropique est à la fois une Lapalissade et une réflexion philosophique très sérieuse.
D’abord le mot anthropique, d’anthropos (homme), le suffixe « ique » marque une simple identification à un type sans valeur appréciative. Exemple : homérique, qui a trait à Homère.
Donc c’est un principe qui concerne l’homme.
Avec ça on n’est pas couché…
Passons à la réflexion philosophique.
Si nous observons l’univers tel que nous le voyons en levant le nez par un ciel sans nuage, ce que nous en observons est de telle nature, uniquement parce que nous nous y trouvons ! Comme dirait Lapalisse « Si nous n’étions pas là, nous ne pourrions le constater ».
Notez que Schopenhauer le plus grand broyeur de noir du XIXme siècle l’avait trouvé avant Brandon Carter de l’observatoire de Meudon.
Permettez que j’y ajoute modestement une réflexion : si j’analyse un cachet d’aspirine, je suis en-dehors d’icelui et mes observations concerne un objet dont j’ai la parfaite maîtrise et qui ne m’est rien en-dehors du fait que je passe au crible ses propriétés.
Il n’en va pas de même de l’univers dont je fais partie.
Dès lors, il se pourrait bien que tout ce que l’on en a déduit depuis Copernic soit partiellement faux dans la mesure où nous sommes parties prenantes des observations. En observant l’univers, nous nous observons aussi, en quelque sorte !
Cela démontre bien l’impossibilité pour toute science d’atteindre une réalité en soi et devrait incliner les hommes à la modestie, puisque aussi bien, le monde tel que nous le concevons doit nécessairement être cohérent avec notre existence.
En économie bancaire, il n’y a qu’une théorie: celle du tiroir-caisse ; en science, il y en a au moins deux : celle des croyants et l’autre des non-croyants.
Les non-croyants postulent un principe anthropique faible dans le raisonnement que notre présence est le fruit du hasard. Il signifie que si l’univers avait évolué autrement – et il s’en est fallu d’un chtouïa - on n’aurait pas été là pour la ramener sur tout et sur rien. Il n’y aurait pas de connaissance de ce blog, ni de rien. Autrement dit, sans nous, un tel univers n’existerait pas, puisque nous mêmes nous ne nous en serions pas aperçu, attendu que nous n’existerions pas !
Les esprits religieux pensent le contraire de Malebranche : « un doute supérieur plane sur toute spéculation ». Ils pensent : « un plan supérieur plane sur toute spéculation ». Il y aurait pour certains individus, une volonté qui serait intervenue dans l’évolution de notre univers. Il aurait donc été tout spécialement conçu pour que nous y fussions placés. C’est le système anthropique fort. On cherche au Vatican et à la Mecque un canevas scientifique établissant le principe d’une finalité universelle. A l’heure actuelle, ça patauge toujours dans la baliverne pseudo.

anthropique 1.JPG

Si l’on écarte les élucubrations des visionnaires, l’équation imparable n’est pas pour demain.
Comme on n’a pas encore trouvé la martingale des cinq placés gagnants à Vincennes.
En somme, nous sommes les spectateurs du film d’un nouveau Méliès. Bien malin qui pourrait déceler le faux du vrai, quand on voit l’archer planter sa flèche au centre d’une cible. Rien ne nous dit que la cible n’a pas été dessinée autour de la flèche !
Nous ne savons qu’une chose, fruit du hasard ou pas, c’est la seule réalité : notre existence ! Ptolémée et son univers plat le savait aussi.
Pour le reste, qui nous dit que nous n’avons pas peint la cible autour de la flèche ?
Nous avons trop souvent étudié le monde en donnant l’impression que nous l’étudiions de l’extérieur, alors qu’en réalité nous sommes dedans et de ce seul fait nous n’observons qu’une seule hypothèse de l’existence de l’univers : la nôtre.
Je laisse aux savants le soin de démontrer qu’en géométrie de l’univers, en physique subatomique, l’espace en trois dimensions et en n’importe quelle mécanique qu’elle soit cantique ou celle de mon garagiste, nous ne devrions pas être là, sauf que nous y sommes !
Alors, résignons-nous à la pensée que, vous et moi, nous n’en avons plus pour très longtemps !

Commentaires

Pour moi, Schopenhauer n'était pas du tout le plus grand broyeur de noir du XIXe siècle! On fait une réputation exagérée de pessimiste à cet homme qui était d'abord un réaliste qui essayait de voir les passions humaines en face comme La Rochefoucauld.
Pour le reste, tu as tout à fait raison. Lors d'une conférence à Liège il y a 5 ou 6 ans, François Perin disait à juste titre que nous ne pouvons rien connaître du monde par notre raison...mais que nous sommes pourtant ce monde dont nous avons une perception intuitive ! Schopenhauer disait la même chose (et plusieurs autres comme Bergson): le monde de la Représentation n'est qu'un reflet artificiel de la Réalité que nous pouvons partiellement appréhender par la musique, la poésie, les arts,..!
A la dernière Université d’été du Bouddhisme (Université Libre de Bruxelles, août 2004), un orateur de formation scientifique a mis en évidence le fait que si l’on peut par le langage et la raison mettre en évidence certaines caractéristiques des « choses comme elles sont », on ne peut en éprouver la vraie nature que dans un autre plan. Vouloir agir en même temps sur les deux tableaux revient à tenter d’éprouver la vraie nature de l’obscurité en craquant une allumette.
L’excellent Pierre HADOT, dans un ouvrage consacré à PLOTIN ,le néo-platonicien du IIe siècle, commentait les expériences de ce dernier : « Mais cet état (la perception mystique) ne peut se prolonger : nous sommes , irrémédiablement des êtres conscients et dédoublés. Nous voulons saisir ces moments d’unité, les fixer, les conserver, mais ils nous échappent au moment même où nous croyons les retenir : nous retombons de la présence au souvenir. Nous ne pouvons donc nous élever à la vie spirituelle que par une sorte de va-et-vient continuel entre les niveaux discontinus de notre tension intérieure ».

Arthur Schopenhauer est un de mes philosophes préférés. Nietzsche, G. Bataille et les surréalistes s'en sont inspirés.
"Le monde comme volonté et comme représentation" est une oeuvre tonique... à force de noirceur. Pour lui tout est, rien ne devient : même la mort est un non-événement. De cette lecture, on sort transformé, désabusé... mais libre. c'est à la fois jubilatoire et tragique.

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