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Le poids de son cul.

Pas que les salariés de PSA qui se suicident. Si on en parle davantage dans la boîte à autos, c’est qu’il s’agit du sixième suicide chez le constructeur automobile depuis le début de l’année. Du coup la meute des psy, le patron lui-même, la Sécu, tout le monde en parle avec un étonnement « feint » ? comme si ce désespoir collectif était incompréhensible.
Outre Peugeot-Citroën, EDF et Renault ont aussi récemment connu le traumatisme de suicides en série. La Belgique ne devrait pas être en reste avec la collection de négriers que nous avons, tous au plus productivistes et nos ingénieurs béhavioristes rompus au taylorisme. Les statistiques sont difficiles à établir, s’agit-il d’un acte de désespoir produit par le stress au travail, l’accélération des normes de productivité ou par une neurasthénie classique ?
En cherchant les causes, on est frappé par la passivité ouvrière quand on apprend que des accords d’entreprise font travailler une heure ou deux de plus au même salaire ! On se demande quel autre motif invoqué par le patron autre que la menace d’une fermeture, c’est-à-dire un chantage à l’emploi, a contraint le personnel d’accepter cette régression, inimaginable il y a seulement dix ans !
Comment une organisation syndicale peut-elle consentir à un tel retour à la case départ sans avoir honte ? Le personnel ne se sent-il pas abandonné ? N’est-ce pas parce qu’il est confronté seul et sans défense aux normes d’exécution du travail, sans appui solidaire et en concurrence avec son voisin, que brusquement le travailleur est pris d’un dégoût profond ? De là à glisser dans le désespoir, il n’y a qu’un pas. Quand bien même cède-t-il à l’envie patronale qu’il en fasse plus au même tarif ou même au moindre salaire, est-ce pour autant que cessera la hantise de perdre l’emploi dont on l’a menacé une première fois ? A quand la seconde, se dit-il ? Et il tremble pour sa famille.
Les salauds qui nous occupent ont compris la tactique pour régner. Ils divisent. Plus seulement sur le salaire comme avant, mais sur le rôle de chacun à l’emploi qu’il occupe, mettant ainsi les personnels en concurrence.
La mentalité patronale n’a pas changé. Elle s’est seulement mieux entendue avec l’ingénierie pour accélérer les choses afin d’améliorer encore et toujours ses profits.
Au point de vue économique, les résultats sont exigés à court terme. Comme nous n’avons plus de syndicat contestataire, le parti socialiste n’étant pas capable d’inverser la folie productiviste qui s’est emparée des hommes, le centre-gauche a partie liée avec les économistes. Le système est bien connu : ramasser le maximum de fric en un minimum de temps. Ce cash-flow extrait d’une matière vivante qu’est le travailleur ne lui est pas destiné. Au contraire, il va engraisser des circuits d’argent complètement déconnectés de toute responsabilité et de déontologie.
Résultat, on pousse les travailleurs au mental atteint, à mourir littéralement à la tâche.
C’est inacceptable et il n’y a aucune situation économique même catastrophique qui permette délibérément ces crimes, car ces suicides sont des crimes déguisés, dont les coupables sont reçus avec force courbettes à la Région wallonne dans le monde des officiels de ce Royaume, comme en France et partout ailleurs. Or, ces officiels, c’est nous qui les payons. Et ils devraient un minimum de décence à ceux qui meurent au boulot.

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La violence dont sont victimes aujourd’hui les travailleurs a un coût pour la collectivité, sous forme de congés de maladie, de traumatisme divers et de dépression chronique. Nous devons donc en finalité assumer les frais de cette brutalité accrue dans les entreprises.
On ne peut pas constamment solliciter le travailleur en aspirant à fond sa capacité musculaire et cérébrale sans toucher à des limites.
Ce serait le rôle des politiques d’en mesurer les conséquences. Hélas ! ils établissent des plans Marshall pour attirer les investisseurs. Ils ne se préoccupent guère de la moralité de ceux qu’ils invitent à s’installer quasiment gratuitement dans nos zonings.
Quand il n’y aura plus rien à pomper, quand nous serons arrivés au stade ultime où les hommes seront redevenus des esclaves, la société sera invivable et l’économie ne sera plus qu’un amoncellement de ruines.
Le désespoir conduit parfois l’être humain à d’étonnantes choses.
Dans des temps pas si lointains, mon petit doigt me dit que les premiers à rejoindre les pendus des usines infernales seront les « élus du peuple » qui auront failli à la mission la plus élémentaire : la défense des petits.
Alors, les services « spéciaux », les dogues du royaume, les polices d’Etat ne pourront plus rien.
On a eu un échantillon de ce que cela pouvait donner lors des grèves de l’Hiver 60-61 et à l’affaire royale. Ce n’était rien qu’un timide ras-le-bol des populations poussées à bout, d’autant que les Wallons étaient déjà déconnectés des Flamands, plus passifs.
Que tous les bassins industriels se retrouvent un jour acculés en même temps, et vous verrez autre chose. Vous vous rendrez à l’évidence qu’un pendu branché par le peuple, s’aperçoit toujours trop tard du poids de son cul.

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