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Attali au rapport !

On l’avait oublié, mais quand Attali fait son Jacques, il convient aux populations d’applaudir.
C’est ce que je fais avec un petit retard, mais le génie profond de ce rapport ne m’était pas apparu dès sa parution. Il en a toujours été ainsi des vastes entreprises, l’esprit des foules n’y est pas prompt !
Le soufflé étant retombé à la suite des menaces de grève des chauffeurs de taxi indignés des mesures préconisées, le rapport Attali pourrait enfin être vu sans passion et jugé pour ce qu’il est : à savoir un prétentieux à planer au-dessus de la pensée occidentale, sans vraiment offrir de garantie sur le sérieux des 45 personnalités qui ont co-signé avec le nouveau génie, les 245 pages élucubrant l’avenir du progrès social, scientifique et économique.
On sait ce qu’il en advient presque toujours des réflexions métaphysiques quand elles sont traduites dans les faits confrontés aux projets.
C’est bien là une vanité supplémentaire du Pic de la Mirandole français d’accepter de pondre une fresque des illusions de l‘Etat parfait, sous la forme d’un rapport « des améliorations de la vie des Français par un certains nombres de mesures dont beaucoup devraient faire force de lois ».
Ce rapport fut remis dans les mains du chef de l’Etat à un moment solennel où il était encore populaire, d’où l’euphorie de celui-ci et assurer le grand homme qu’il sera suivi en tous points.
Les Taxis en auront jugé autrement.
On ne peut augurer du reste.
Pour s’en convaincre, s’il faut en croire les lecteurs, le rapport Attali n’est pas un succès de librairie. Mais on peut le lire sur la Toile.
La première chose qui saute aux yeux réside dans l’absence complète du sens des réalités d’un monde qui se situe quand même aussi ailleurs qu’en France et qui pèse sur les paramètres à considérer. Le PIB du futur n’intègre pas les désordres de la mondialisation, les injustices et les gaspillages, l’évolution la plus certaine comme la rareté prochaine des huiles minérales, le réchauffement climatique, les destructions irréversibles de l’industrie conduisant à des désastres écologiques, etc.
C’est une carte du Tendre où Attali se promène avec Madeleine de Scudéry tendrement enlacés sur des vertes prairies placées là, grâce aux plus de 300 mesures du conte de Charlie et la chocolaterie. Il foule du pied un gazon idyllique sans se rendre à l’évidence qu’il écrase au passage les insectes que nous sommes. Ce n’est pas un meurtrier, non, mais un inconscient !

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Certes, elle est belle, ainsi décrite, la croissance française. Le malheur, comme tous les contes de fée, elle n’est pas réaliste.
Il est vrai que le grand homme nous a prévenu : « Ceci n’est ni un rapport, ni une étude, mais un mode d’emploi pour des réformes urgentes et fondatrices. Il n’est ni partisan, ni bipartisan : il est non partisan ».
Voilà bien une entrée en matière burlesque, puisqu’il remet solennellement un rapport au président de la république qui n’en est pas un !
Le savant est donc non partisan… comment va-t-il préconiser des mesures s’il n’est pas partisan ? Est-il concevable de « libérer la croissance » tout en affirmant ne prendre aucun parti ?
On devine que pour rendre l’image attalienne de l’économie acceptable pour tous, il faudra l’idéaliser comme un but humaniste et universel.
C’est une idée de la gauche molle que défend Attali qui consiste à vouloir rendre un sens humain et moral à ce qui n’en a pas, mieux qui n’en a jamais eu et ne peut en avoir sous peine de ne plus s’appeler le capitalisme !
Du coup, cet homme de gauche qui vient de passer à droite mais « avec une idéologie socialiste intacte » veut « libérer la croissance » ! Seulement pour la libérer, il a oublié que le seul moyen est de libérer l’économie des hommes qui la compose. C’est ce que l’économie mondialisée fait en détruisant les emplois, en émigrant dans les pays sans système social et en méprisant les travailleurs qui font sa fortune et qui sont moins rémunérés les bras plongés dans l’huile que les simples paperassiers qui les diligentent.
Il feint de l’oublier ; car, bien entendu, le rapport « qui n’en est pas un » n’est là que pour ajouter un rayon à sa gloire.
Le rapport parle de la croissance comme un joujou indispensable, sans se préoccuper des effets pervers à longs termes d’icelle, mieux, de son impossibilité dans un avenir pas trop éloigné :
« La croissance de la production, cependant, est la seule mesure opérationnelle de la richesse et du niveau de vie disponible, permettant de comparer les performances des différents pays. Par ailleurs, cette mesure est fortement corrélée avec l’innovation technologique, indispensable au développement durable et à la réalisation d’autres objectifs de développement (santé, éducation, services publics, etc.). »
A ce niveau, le rapport est proprement un outil qui va accélérer la dévastation du monde, une arme parfaitement libérale et imbécile, celle qui mène les peuples par le bout du nez et qui est synonyme de désastres futurs !
Cette objection écartée d’un revers de main, Attali et ses compères retombent dans les cogitations les plus sottes de nos économistes contemporains révérés des Autorités : plus de concurrence, plus de compétition, plus d’innovation technologique, plus de libéralisation, plus de marchandisation, moins de règles pour plus de tout…
Franchement, si Attali représente l’intelligence en mouvement et la partie la plus brillante de cette intelligentsia française qui ne donne pas ses leçons à moins de 10.000 euros par mois (et encore c’est pas cher), on se demande dans quel pays on est ? Il suffirait au reste de la population d’une moelle épinière pour obéir aux ordres, le cerveau n’étant plus nécessaire au plus grand nombre, quand l’élite en a autant !

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