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Quand on aide les chiffres à nous mentir.

S’il y a bien un songe creux de plus à l’actif des statisticiens, c’est le calcul du revenu moyen par habitant. Et s’il a progressé sur 5 ans de 27 % en Wallonie et 23 % en Flandre, il faut en attribuer une large part aux gros revenus. Autrement dit, plus les hauts revenus augmentent, plus l’écart avec les bas salaires s’agrandit et plus les statistiques enregistrent une progression du revenu moyen.
Les salaires de nos mandataires ne sont pas étrangers à la hausse statistique.
Le contribuable wallon qui s’est enrichi de 3 % 64 en 2005 n’était ni un pensionné, ni une caissière de supermarché.
Pour l’anecdote, quoique la chose se soit passée dans un magasin Carrefour de Marseille, les personnels ont débrayé parce qu’on y gagne moins de 1000 euros par mois. La direction a proposé une augmentation de… 45 centimes. C’est pareil en Wallonie. On ne peut pas dire que le plus clair de la population tire les statistiques vers le haut.
En période de vaches maigres, il convient de se méfier d’une information qui tendrait à relever le moral des troupes, plutôt que de décrire une situation qui s’améliorerait de façon générale.
Les journaux qui reprennent les informations chiffrées le font en général de manière tronquée et sans ouvrir la porte à la polémique.
Les chiffres sont là, débrouillez-vous avec.
La semaine précédente, il est vrai, il avait été question de l’augmentation de la pauvreté en Belgique. Les deux informations rassemblées, c’est donc les hauts revenus qui bénéficient de la progression en la matière. Qui des journalistes l’a fait remarquer ?
N’entre pas dans ce calcul la régression accélérée du pouvoir d’achat par l’augmentation rapide des prix de l'immobilier, des produits alimentaires et de l'énergie.
Si l’on cherche le revenu moyen par commune, ce sont les communes les plus riches qui ont le plus haut niveau de revenu par habitant, or les caissières de supermarché ne sont pas mieux payées à Laethem, commune la plus riche, qu’à Saint-Josse, la plus pauvre.
La statistique est une chose à la fois sérieuse et ennuyeuse, assez pédante au point d’en rebuter plus d’un. Pourtant, les discours et les publications savantes en sont pleins !
Le pouvoir masqué qui s'avance derrière tout cela est celui du dominant manipulant le dominé.
Les spécialistes qui jonglent avec les tableaux pourraient tout aussi bien exprimer des raisons inverses des chiffres produits, afin d’alimenter la contradiction.
Faut-il que le lecteur devienne le sceptique refusant à tout coup l'adhésion enthousiaste ?
Ne serait-ce pas le moment de trouver un juste rapport entre l’argument et la statistique ?
Quelle est la valeur d’un nombre jeté en pâture à l’opinion ?
Il faut prendre conscience que la statistique ne donne pas une exacte représentation du monde réel. Son usage doit être critique. Il n’est pas nécessairement faux. Encore convient-il d’y introduire les renseignements de tous ordres et préciser sa portée.
Ce qu’en général personne ne fait.
L’algèbre des concepts, exclut trop souvent la confrontation avec l'observation. Elle aboutit souvent à des impasses.
Dans un monde d’affairistes, la statistique s’exprime en valeurs de caste ou de classe. Elle sert à masquer les privilèges. C'est récemment que se publient les salaires et les revenus les plus importants ; alors que les revenus des patrimoines avec le secret bancaire restent encore confidentiels.
Les moyens d’étudier certaines statistiques ne sont pas réunis en raison de blocages culturels et politiques. Qu’est devenu le recensement linguistique qui était pourtant une source d’informations capitales pour des financements appropriés des Communautés ?
On ignore même souvent comment sont réparties les primes des hauts fonctionnaires ! Les aides de l'Etat aux entreprises sont moins bien publiées que les crédits accordés par les banques. Le fonctionnement des groupes d'entreprise, et notamment les échanges entre la partie nationale et la partie étrangère des multinationales, sont ignorés.
Le ministère des finances est un lieu où l’opacité est la règle et la lumière, l’exception.

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La vie interne des entreprises est mal cernée par la statistique faute d’éléments.
Les Conseil d’entreprise qui se battent contre des licenciements ignorent tout des moyens et des prévisions industrielles des grands groupes dont ils font parties, parfois à leur insu.
Les indices des prix, le niveau du chômage, sont journellement contournés et faussés.
En Europe, on ne sait pas décrypter dans l’avalanche des statistiques résultant de la situation économique en Amérique si ce pays est en simple récession ou en crise économique grave.
L’utilisateur naïf de la statistique est victime du technicien borné, du maniaque numérique, du scientisme naïf et du manipulateur professionnel qui polluent le milieu.
En servant de pur relais, l’information se rend coupable de collaborationnisme avec le pouvoir en place. Cela ne se fait pas toujours sciemment ; mais, intention ou pas, les dégâts sont évidents.
Les manipulations de la statistique par les différents pouvoirs, sont un hommage que le vice rend à la vertu.

Commentaires

Très juste, Richard III!
Et bien observé!
"Usque tandem, Catilina, abutere patientia nostra?"
A quand la révolte?

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