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Où sont les bons Belges ?

Oui, les bons Belges ! Que deviennent-ils dans la tourmente ?
On n’en parle plus !
A croire, qu’ils ne mettaient leur opinion à la fenêtre que pour remplir l’actu maigrichonne de la querelle linguistique.
Après Paulson, ils ont vite perdu l’espoir qu’un cameraman patriote d’RTL filmât leur façade arborant la fameuse loque tricolore.
La crise du pognon a refait l’union par le trou du bas de laine. La faillite de Lehman Brothers au secours de la Belgique ? Pour une fois, les Américains servent à quelque chose …
On ne s’engueule plus trop, bord à bord, comme devaient faire les marins de la Royale qui mouillaient dans un port neutre à côté de l’Union Jack !
C’est que chez les bons Belges, on ne rigole pas avec l’argent.
Ici, il s’agit d’un combat contre la pauvreté, pas la pauvreté des autres, ça, ils s’en foutent, mais la leur. C’est du sérieux. La réputation est à défendre. Ce n’est pas rien d’acheter un piano – celui de famille ayant rendu l’âme - et d’inscrire sa fille au bal des débutantes.
On croyait que le séparatisme était populaire en Flandre. Erreur. La bonne bourgeoisie donne toujours le « la », mais elle n’a plus le moral. Elle déserte les séances de mise en forme flamingantes. Le peuple flamand attend qu’on lui distribue son rôle. Les chantres ne sont plus aux rendez-vous du CD&V, mais devant les écrans des taux de la Bourse…
Bart de Wever et de Decker ont peut-être commis l’imprudence de faire confiance à Ethias ? Du côté francophone, c’est pareil. Se faire des bons salaires au service des gens ne suffit pas, il faut encore un sens du placement.
Qu’est-ce que les excités du Vlaams Belang dirait, s’ils apprenaient que Dewinter s’est fait lessiver par les subprimes ? Et à Mons, si le Conseil communal lisait dans les journaux que Di Rupo a perdu un million sur l’action Fortis ? Lui qui fut du Conseil de surveillance et le roi des jetons de présence, on pourrait lui demander ce qu’il y foutait ? Les gens sont si méchants !
On s’aperçoit que même les étoffes des drapeaux des bons Belges n’étaient pas identiques.
Ce n’est pas madame Houard qui coupe ses oriflammes dans du cachemire ! Les riches non plus, certes, mais eux on les reconnaît par l’ourlet au cordonnet trois fils !
Les façades aussi recélaient leur propre inégalité. Même si le bon Belge s’égarait dans les quartiers où les maisons se ressemblent toutes, en principe, la hampe se fichait et se fiche encore au-dessus des belles entrées. On ne dira jamais assez la noblesse d’un immeuble qui se mesure à la hauteur de sa porte de façade. Les plus touchés par la banque qui vacille, ce sont les habitants des maisons dont la porte d’entrée rejoint le premier étage dans la courbure de son fronton de pierre. La poignée de bronze sur le battant ouvrant de la porte dit bien son maître.
Là, le drame est permanent.
Plus c’est cossu, plus la perte risque d’être sévère.

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Reynders a beau réconforter les foyers chics, la bourgeoisie n’a plus confiance, depuis que Lippens s’est couché sur son lit de douleur à ressasser ses pertes. Le banquier déchu aurait fermé sa porte à l’affichiste Davignon. Il pense que, puisque les banques ne prêtent plus, Davignon non plus ! Il n’a pas tort.
Il ne s’agit pas comme chez les pauvres de quelques ronds patiemment disputés au fisc et qui ont fini dans les hypothétiques titres américains. Il est question de l’économie de deux ou trois générations de BCBG, avec, au moins, un grand père illustre.
Les journalistes ne s’y sont pas trompés. Eux reconnaissent le bon Belge qui l’est plus qu’un autre. Les gens comme il faut ont toujours les chaussures cirées. Ils ont un trousseau de clés impressionnant dans leur pantalon doublé soie. Ils connaissent l’histoire de la famille et peuvent citer jusqu’aux petits cousins. C’est à ces petits détails que l’on reconnaît le bon Belge bien supérieur au patriote par oui-dire, en ce qu’ils sont propriétaire de leur immeuble ou de leur appart.
Le retraité y pullule. D’armée ou de Robe, ces bons Belges sont l’épine dorsale de la Belgique et s’il arrivait malheur à leur argent, c’en serait fini de l’Etat belge, pire que si le Vlaams Belang saccageait Bruxelles et intimait au roi de chanter le Vlaams Leeuw au théâtre des Galeries.
A la limite, ils veulent bien à des fins patriotes laisser leur BMW au garage, ne la sortir que pour les grandes occasions et rouler en Smart le reste du temps, à condition que cela se sache et qu’on en fasse un article dans la Libre.
Ce qui les inquiète, c’est leurs combines pour transmettre à l’avenir les immeubles qu’ils ont passés à la génération suivante par dessous la table des notaires, les patrimoines aux îles Caïman, et les lingots conservés dans les coffres depuis la crise de 29.
Ils redoutent qu’il faille établir des inventaires après faillite de leur homme de confiance.
Ils se souviennent d’un grand oncle enrichi pendant la guerre 40-45 et qui faisait du porte à porte pour proposer des biftons à ceux qui n’avaient pas le quota qu’avait plafonné Paul Gutt, le ministre des finances de l’après guerre. Par contre, ils vantaient à chaque fête de famille le flair de leur grand-père qui dès 43 avait converti ses rapports commerciaux « avec une puissance étrangère » en bons lingots d’or.
C’est un monde qui s’écroule. Une joie de vivre qui meurt.
Rien qu’à passer dans les beaux quartiers, on voit bien la vieillesse nidoreuse à la courbure des dos ! Dans cinq, six ans, tout aura disparu. Les juniors ne sont pas mal non plus. Mais rouleront-ils en Mercedes et BMW jusqu’au bout ?
Alors que ceux-ci, avant le drame dont ils ne se relèveront pas, guillerets vieillards en chemise Arrow, cravate de club et veste en tweed multi usage, toujours en partance, pour un golf ou pour rendre visite à Constance dans sa maison de campagne, c’était du bon Belge !

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