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Dieu, l’affaire du jour.

L’homme a toujours adoré ce qu’il ne connaissait pas. Veulerie qui date des cavernes ou précaution supplémentaire pour rester en vie, qui sait ? Il fabrique des petites choses en bois, en métal ou en pierre à quoi il attribue des pouvoirs, puis bientôt qui paraissent être des manifestations divines, quand ce n’est pas une transsubstantiation du dieu lui-même.
Pour s’entendre avec Dieu, l’homme doit en ignorer tout, les origines, les mœurs, s’il est marié, s’il aime le jeu. La promiscuité du voisinage avec l’homme a mis Zeus à bas de son piédestal. Il est devenu trop connu, trop commun, trop humain, en somme. Sa légèreté, sa jalousie, ses colères, ses transformations, les Grecs en ont trop dit, trop écrit. Un Dieu qui trompe sa femme, vous voyez le genre !
Si au départ, les premiers chrétiens avaient présenté Dieu fumant sa pipe assis devant sa porte et flattant la croupe de sa femme au passage, c’était foutu !...
Tandis que mystérieux, nanti de tous les pouvoirs, juste mais terrible, ayant connaissance de toute chose, sans visage, sans forme, sans rien enfin qui l’humanise, celui-là a des chances de durer, sous toutes les latitudes, sous tous les noms, en courant d’air, en tsunami, en tout ce que l’homme pensera qu’il peut être, tout en sachant qu’il est, sans être.
Les chrétiens ont risqué gros en le représentant dans une civilisation de l’image, comme un homme ordinaire. L’erreur c’est « salut, c’est moi Dieu ». Du coup on peut dire « T’as vu Dieu ?... Ouais, on dirait l’épicier du coin ! ».
C’est un peu le défaut des cathos de l’avoir fait revenir sous la forme d’un chic type, mais un type quand même, depuis les nuages, où il était barbu un jour, glabre le lendemain, devisant, adroit, pour le clouer à la croix des esclaves romains, même transcendant, coup de génie ou risque de naufrage, coup de dés certainement. On y a songé quand les soldats romains ont joué la Tunique.
Et puis les mystères. Celui d’en bas est mince, bel homme, pourtant c’est le même que celui d’en haut. Va comprendre ! Circulez y a rien à voir.
D’abord, on a été surpris, attendris. Faut dire qu’il n’y avait pas beaucoup d’écoles à l’époque, qu’on ne savait même pas qu’on tournait autour du soleil. Alors, l’Homme qui disait être Lui, ne le savait pas non plus. Après, on a eu de la science à revendre, on a mesuré l’univers. Ceux qui y croyaient il y a deux mille ans, y croient encore aujourd’hui. Et s’il y a bien un miracle, un seul, c’est bien celui-là. Comment peut-on encore croire en Dieu aujourd’hui de la même manière que l’on y croyait au temps où la terre était plate et reposait au centre de l’univers sur sept cônes de cristal ?
Car on y croit toujours.
Plus c’est ragada, abracadabrantesque et délirant, plus on s’y accroche !

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Rien n’est plus saugrenu que la divagation des pontifes qui nous parlent sérieusement du « retour du sacré ».
Quand on voit la liturgie dont s’entoure le président à la Maison Blanche, la précaution que les autres candidats ont eue de clamer aux foules extasiées leur croyance, on peut dire qu’ils ont été suivis. De l’Etat laïc à l’Etat théologique, il n’y a plus qu’un pas des foules de fidèles, scandant les simplissimes slogans de l’impossible indicible.
C’est le raz de marée, succès assuré, des sagesses orientales, zen, taoïsme, bouddhisme, foisonnement des ésotérismes locaux, kabbale, pythagorisme, alchimie, études accélérées du coran, de la bible, du talmud, nouvelles dévotions pour la torah, multiplication des sectes, des saints des derniers jours comme des premiers, mormone, scientologique, et mooniste.
Le modernisme prend un sacré coup de vieux de déjà vu, très décalé par rapport à d’Alembert, le culte de la Raison de ce cher Maximilien de Robespierre (quoique encore un culte) et du rétrécissement du globe par l’effet des sciences elles aussi « modernes ».
Les mécréants au trou !
Voilà venir ceux qui s’inspirent en dernier lieu de Dieu, les plus branchés, les plus aptes à nous le faire adorer, à la bombe, à l’arme de combat s’il le faut…
Et de fait, nous sommes incapables de résoudre les problèmes aussi bêtes que l’intendance, ceux fondamentaux de l’existence, incapable de respecter la nature, les cultures des autres et de vivre dans la justice, l’égalité et la paix… sinon la fraternité.
Serait-ce que revenir aux images d’Epinal soit une solution ?
On a cru que l’individualisme contemporain avait détruit les fondements du divin. C’est mal connaître l’homme qui est un vrai trouillard dès qu’il est seul, livré à lui-même, incapable de résoudre dans le silence et l’esseulement le moindre problème métaphysique.
L’attraction du religieux, sa force actuelle est là, dans la solitude de l’homme.
Nous vivons à une époque qui pousse l’égoïsme tellement loin que l’homme finit par avoir peur de lui-même. La désubstantialisation narcissique arrivée à son point extrême a fait perdre à l’humain toute mesure.
Il est donc inutile de croire que la laïcité triomphera un jour de l’irrationnel et que les temps post-modernes iront vers une plénitude de la raison et de la vérité.
L’homme en est sans doute arrivé là parce qu’il sait que sa vie est brève et que dans le peu de temps qu’il passe en compagnie des autres hommes, il s’ingénie à leur tourner le dos en espérant récolter les fruits de la sueur de ceux qu’il délaisse. On dirait qu’il essaie d’oublier par l’accaparement des richesses collectives l’éphémère de son existence.
Alors, comment voulez-vous qu’il ne croie pas en Dieu pour se racheter ?
« Et si ça marchait ? » pense le concupiscent. Si en échange d’un peu d’or, je sauvais ma « peau » d’une deuxième vie ?
On a toujours cité de Marx « La religion est l’opium du peuple » en oubliant le paragraphe dont est tirée cette citation : « La religion est le soupir de la créature accablée, le cœur d’un monde sans cœur, comme elle est l’esprit d’une existence sans esprit. Elle est l’opium du peuple. »
Feuerbach considérait la religion comme un faux idéal sans prise avec le réel. Avec infiniment plus de grandeur d’âme, Marx vit dans l’espérance religieuse la suprême consolation, le bonheur illusoire du peuple (1).
Le bougre, 150 ans avant nos prurits religieux actuels, avait vu juste.
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1. Odon Vallet, « Petit lexique des idées fausses sur les religions », in « Livre de Poche », Albin Michel, p. 134.

Commentaires

Les employés du gaz et moi, on pense la même chose

C'est drôle, chère Dorebul.
J'ai bien ri. Et Merci pour votre franchise.

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