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Il n’en est pas moins homme !

Le ministre des Affaires étrangères français Bernard Kouchner a déclaré avoir brièvement évoqué avec le président Nicolas Sarkozy le livre écrit contre lui par Pierre Péan « Monde selon K. », et a indiqué qu'il pensait porter plainte.
C’était il y a quinze jours. Depuis RAS, sauf le soutien indéfectible du Premier ministre au French doctor entré dans la Sarkozye, comme sont parfois les danseurs de tango désolés de rester sur leur chaise, et qui sont prêts à danser avec n’importe qui.
La principale accusation de Pierre Péan concerne des activités de consultant dans le secteur de la santé en Afrique, entre 2002 et 2007, après la défaite électorale de la gauche à laquelle Bernard Kouchner appartenait et avant sa nomination dans un gouvernement de droite.
Selon Péan, Kouchner a mené ces activités pour deux sociétés privées, Africa Steps et Iméda, gérées par deux proches, alors qu'il présidait en même temps un groupement d'intérêt public, Esther, consacré à la coopération internationale hospitalière.
Le journaliste affirme que ces sociétés ont vendu pour près de 4,6 millions d'euros de contrats de conseil sur la réforme des systèmes de santé au Gabon du président Omar Bongo Odimba et au Congo de Denis Sassou Nguesso. Une partie de ces sommes n'a été recouvrée par les sociétés qu'après l'entrée en fonctions de Bernard Kouchner au Quai d'Orsay, le 18 mai 2007. (Informations reprises du Nouvel Obs.).
Avec l’affairisme de Kouchner dénoncé dans le livre de Péan, c’est toute la légende du bon médecin des pauvres qui en prend un coup. Bien entendu, on ne se nourrit pas de l’air du temps et il est nécessaire d’avoir des revenus pour vivre ; mais on se serait attendu à d’autres sources de revenu que celles des dictateurs africains, dont certains ont trempé dans des massacres.
On peut même se demander si les contacts de Kouchner au cours de ses périlleuses missions n’ont pas été exploités par Monsieur K, l’homme d’affaire que décrit Péan, qui est le double de l’homme public, dans sa forme privée et contradictoire.
Si cela ne constitue pas un délit, l’amalgame qui s’en suit n’en est pas moins assez malodorant.
Evidemment, M. Kouchner a démenti les accusations portées contre lui, qu'il a qualifiées de "mensonges qui vont disparaître". C’est toute l’ambiguïté de la lumière projetée dans la sphère privée par les médias, quand on est un homme connu.
Même si cela en principe ne regarde personne, et même si on n’a rien à reprocher au ministre dans ses fonctions, les médias portent atteinte à l’image que le public s’en fait.

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Et cela, c’est insupportable à ceux qui ont bâti « leur légende » en partie grâce à une ferveur populaire au vu de leur « dévouement » exemplaire à la cause humanitaire.
C’est un peu une situation ambiguë du même ordre qui oppose Jean-Denis Lejeune à la rédactrice en chef du Soir. Qu’est-ce qu’a mis en évidence Le Soir ? Rien qu’une vérité jusqu’alors laissée de côté, à savoir que Jean-Denis Lejeune ne vit pas que d’eau fraîche, même s’il vit aussi d’amour qu’il donne beaucoup aux enfants. L’information du Soir nous en donne une image qui rend l’homme moins sympathique, ce qui s’est répercuté sur son ASBL et lui a fait tort.
A la différence de Monsieur K, Lejeune n’a pas fait son beurre chez les despotes africains, il a bénéficié et bénéficie encore de certains privilèges de l’Administration grâce aux protections des amitiés politiques qu’il a nouées depuis les tragiques événements que l’on sait.
Le populo n’aime pas que les « personnalités hors du commun » portées aux nues, ressemblent aux autres hommes, soient affairistes, courtisans et intéressés, dans le domaine secret de leur personnalité profonde. Divulguée, la vie de tous les jours procure un formidable désenchantement. Elle réduit le héros à sa plus basse, mais plus naturelle fonction, celle de boucler ses fins de mois. Aussi, est-il vite reproché aux vedettes le moindre profit.
Et il est vrai aussi que si l’on compare les salaires, entre Monsieur K. et un lampiste, comme celui aussi, mais dans une moindre mesure, de Jean-Denis Lejeune, entre son traitement de haut fonctionnaire et celui de ses anciens condisciples, carrossiers à la Ville de Liège, on peut se demander si le premier avait vraiment besoin de vivre en grand en faisant des affaires avec des dictateurs et si le second, ne s’est pas un peu grisé de ses grosses voitures amorties par l’Administration ?
On pardonne moins aisément la « réussite » d’un égal qu’on a connu, que les frasques d’un baron banquier… alors que l’un s’élève par son industrie, l’autre par l’usure.
On en revient à des vies controversées comme celle de l’écrivain Louis-Ferdinand Céline, tour à tour écrivain de génie, et bêtement antisémite. On en pourra tirer les conclusions que l’on veut, sauf celle d’avoir bien vécu de son antisémitisme qui lui valut des années de prison et d’exil au Danemark, avant une amnistie qui lui permit de finir sa vie en France.
Eh bien ! ce Céline, cet écrivain honni par beaucoup et par Monsieur K, n’a jamais renoncé à tenir son petit cabinet médical des pauvres, jusqu’à sa fin à Meudon.
Que Kouchner n’en a-t-il tiré la leçon qui s’imposait et que n’a-t-il rouvert le sien !

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