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La presse des temps ignobles.

Les directeurs de journaux sont aussi irréalistes que les propriétaires des dits, lorsqu’ils déclarent qu’Internet en rendant l’information gratuite et universelle tue à petit feu la presse.
C’est une constante, quand dans une démarche intellectuelle dont on a fait son métier, il devient impossible d’y gagner sa vie, c’est la faute de quelqu’un d’autre, sans jamais remettre le système économique en cause. En l’occurrence l’empêcheur de gagner des ronds, c’est l’internaute interprète de l’info, le blogueur éditorialiste et le témoin des faits qui les décrypte et les communique via son site au monde entier. Le spéculateur boursier et l’acquéreur de biens culturels alors qu’ils se fichent complètement du métier, ne sont jamais mis en cause.
Eh bien ! on devrait commencer par eux.
La fin des gazettes locales et la fin des débats d’idée en Wallonie se situent dans les années 80, un peu avant l’essor de l’ordinateur et la propagation d’Internet dans les familles, soit une petite dizaine d’années avant l’expansion de l’ordinateur et l’avènement des cybercafés.
Si l’on suit pas à pas le dépérissement du Journal « La Meuse » à Liège – et ne parlons pas de la Gazette de Liège et de la Wallonie – plusieurs facteurs sont intervenus à commencer par la prolifération des journaux gratuits ; mais, il y en a d’autres : le dépérissement des rédactions avec la disparition de correspondants à l’étranger rendant le journal tributaire de l’information standard des agences de presse et coïncidant avec la confirmation du désintérêt du lecteur ; les mœurs politiques tendant à répercuter la volonté de toucher un centre idéologique, justement sans idéologie ; les difficultés d’une opinion originale des journalistes plus inquiets de la prolongation de leur contrat, que l’exercice de la liberté d’expression.
La seule bouffée d’air frais qui reste dans la presse, n’est-elle pas, justement, la place accordée aux internautes dans les colonnes des journaux d’aujourd’hui ? Encore que, cette semi-liberté est déjà menacée par les rédactions qui font le choix d’internautes « gentils » ou « convenables », bref aseptisés.
Etonnons-nous, dès lors, de la disparition progressive – même si certains journaux se portent bien – de ce moyen d’expression qui vit le jour en 1629 par une publication « le Bureau d'adresse » et surtout par « la Gazette », hebdomadaire paru la première fois en mai1631, l’éditeur et le rédacteur : Théophraste Renaudot, bien connu des débutants en 1re année de l’ULB, au même titre que Citizen-Cane d’Orson Welles et les deux fameux journalistes du Washington Post qui ont déclenché l’affaire du Watergate et la démission de Nixxon.
Le professeur français Picard, sur la lancée du malaise de la presse devant la poussée d’Internet, enfonce le clou en déclarant que les journalistes ne méritent pas le SMIC !
Les intéressés piqués au vif répliquent qu’ils se sentent dépossédés de leur travail par des amateurs qui jouent avec l’information sans déontologie et – crime suprême – qui ne sont même pas payés !

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La controverse n’est pas prête d’être close. Il n’y a plus guère d’Albert Londres, de Woodward, ni des écrivains se lançant occasionnellement dans le journalisme comme Hemingway. Sinon qu’il reste quelques éditorialistes dont il semblerait que les journaux où ils s’affichent ne sont plus là que pour eux.
Afin de faire rendre une ultime fois un genre qui ne vaut plus grand chose au point de vue financier, ne serait-ce pas plutôt les marchands de papier noirci de n’importe quoi pourvu que cela se vende, les racoleurs des graveleux faits-divers, et des plumes people sur des bureaux en forme de fesses, qui ont remplacé ceux qui avaient pour métier d’informer ?
Quelle valeur accorder à l’enseignement d’une profession qui envoie la majeure partie des diplômés faire autre chose, quand il n’y a d’autres alternatives que le chômage ?
A part la « magie » du sésame, cette fameuse carte de presse, que n’importe qui avec de l’entregent ou des relations peut se procurer, comment comprendre que l’on veuille encore en être ?
Subissant la loi des annonceurs, des agences de pub, des patrons de presse acoquinés à des partis politiques ou à des lobbys, dans la ligne de mire des spécialistes des tribunaux, ce qui reste de ce grand corps professionnel s’est réfugié dans deux, voire trois, salles de rédaction encore assez fournies pour en conserver le titre.
Ne serait-ce pas plutôt la marchandisation à outrance qui a tué cette profession, jadis dénommée quatrième pouvoir et qui en est réduite à mendier la publicité de deuxième catégorie, la première étant vendue pour des fortunes à la télé et à la radio ?
On peut compter les victimes du système « tout commerce » qu’est l’Europe dans sa liberté de vendre de la culture et de l’information, ne donnant plus la parole à ceux qui ont des idées, mais à ceux qui ont ou qui peuvent faire du fric.
Les temps sont durs ? Pas vraiment. Ils sont ignobles, c’est pire !...

Commentaires

Mon cher Marcel, je suis tellement habitué de tes diatribes et de ton déversement de fiel contre la presse que je ne m'émeus plus outre-mesure. Par contre, lorsque tu écris : "A part la « magie » du sésame, cette fameuse carte de presse, que n’importe qui avec de l’entregent ou des relations peut se procurer, comment comprendre que l’on veuille encore en être ?", je me dois de réagir avec la plus ferme énergie. En effet, cette phrase est tout simplement une insulte gratuite (une de plus) que tu lances à la face d'une profession que tu décries tellement et dont tu ignores tout, même si par le passé tu as été délégué syndical au syndicat du livre. En effet, suite à la loi de septembre 1963, le titre et la profession de "journaliste professionnel" est protégé. C'est la Commission de première instance relative à la reconnaissance et à la protection du titre de journaliste professionnel qui, se basant et appliquant le texte de la loi de 1963, décide, après examen minutieux d'un dossier transmis par le candidat, s'il peut ou non se prévaloir du titre et de la qualité de "journaliste professionnel". Après en avoir délibéré les 12 membres de la commission (6 journalistes et 6 éditeurs) nommés par le Roi, transmettent le dossier au Ministère de l'Intérieur qui seulement délivre la "fameuse" et unique "carte de presse". Etant moi-même membre de cette commission (qui travaille bénévolement, il n'y existe aucun jeton de présence) depuis plus de 16 ans, j'affirme ici que personne n'a jamais obtenu le titre et la fameuse carte de presse par simple copinage ou relations. Dire le contraire relève de la mauvaise foi, pire de la diffamation. Mais évidemment lorsque l'on écrit tout et n'importe quoi anonymement, c'est plus facile. C'est pour cette raison que je signe mon intervention.

Je n'ai jamais supprimé aucune réflexion de lecteur et je ne vais pas commencer par la tienne qui recèle pourtant quelques inexactitudes et par endroits certains côtés injurieux. Dire que la presse ne va pas bien, je ne suis pas le seul. Ce n'est pas un scoop ! Justement cette semaine deux intéressantes réactions dans Marianne : "Internet tue la presse ? Elle est assez grande pour le faire toute seule" et toujours au 30 mai "La presse people a la gueule de bois".
Première rectification : je n'ai jamais été délégué syndical, mais secrétaire général, puis président du syndicat du Livre.
Je ne vais pas entrer dans ta diatribe concernant la fameuse carte de presse en te citant des noms. Tu sais très bien, par ton expérience personnelle comme il est assez facile de s'en prévaloir, sans en être. Je pourrais te citer des noms, mais je ne suis pas un corbeau.
Ceci dit, je regrette comme toi que ce quatrième pouvoir n'est plus que l'ombre de lui-même. Je plains ceux qui se battent encore dans des rédactions.
L'opinion est chloroformée dans une situation économique explosive et la presse a dans cet endormissement, dans cet aveuglement majeur, une lourde responsabilité.
Ceci étant, je t'exprime le souhait sincère d'un prompt rétablissement, afin que tu reprennes tes activités de blogueur dans ton intéressante revue des activités liégeoises : Proxi Liège. Avec mes amitiés.

Merci pour tes voeux de rétablissement, mais permet moi quand même de réagir quand tu écris:
"Tu sais très bien, par ton expérience personnelle comme il est assez facile de s'en prévaloir, sans en être. Je pourrais te citer des noms, mais je ne suis pas un corbeau"
Ici tu parles d'une situation qui existe évidemment, mais qui n'a rien à voir avec la délivrance d'une carte de presse. Ceux qui se prévalent du titre de journaliste professionnel sans avoir été reconnus, sont d'ailleurs passibles de poursuites pénales. Tu sais en plus que j'ai toujours défendu la profession (dans laquelle il y a des bons et des moins bons comme partout) et tu ne dois donc pas t'étonner si j'ai réagi aussi violemment. Désolé pour ton titre de président, mais tout le monde est faillible. Par contre, je ne vois pas en quoi j'ai été injurieux, ce n'est pas dans mon caractère. Enfin, "Marianne" que je lis de temps à autre, n'est pas vraiment ma référence, même si parfois on y trouve de bons articles...a découvert la lune, deux ans après le "colloque international sur la presse" qui s'était tenu à Liège et où le même constat avait été tiré...Bien à toi.

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