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Embauche.

-T’es là pourquoi ?
-Des bricoles.
-T’en a pris pour combien ?
-Huit ans !
-C’est déjà des grosses bricoles…
-Au départ je voulais pas. Je l’ai secoué un peu…
-Il est mort ?
-Non. Autrement j’y coupais pas… Juste en fauteuil à vie…
-T’as planqué le magot ?
-Quinze euros ! Tu parles d’un paquet. Le fumier avait deux caisses, celle bien en vue et l’autre sous le comptoir…
-T’es parti avec celle en vue !
-J’aurais dû le savoir…
-C’est con !
-La procureure m’a pas lâché. Entre deux couplets signalant que j’étais une belle ordure, elle avait de ces ramponneaux… j’excitais son ulcère… Le juge en a tenu compte. Avec un Alka-Seltzer, j’en sortais à moins de cinq !
-Qu’est-ce que tu foutais jusque là ?
-Je suis pas un violent. Je voulais juste la gourmette, la belle qui fait son poids avec mon nom dessus, puis une voiture pour aller en disco fumer un joint à l’occasion…
-T’as pas pensé à travailler ?
-Qu’est-ce que tu crois ? J’ai bossé jusqu’à l’année dernière comme un malade. Quand j’ai vu que j’en sortais pas, mieux quand l’Etat m’a réclamé un petit supplément à ses hold-up de fin de mois, je me suis dit que bosser honnête, c’est pas la bonne formule.
-T’as des métiers qui rapportent.
-Y en a plein. T’en vois défiler de ces gavés à la télé que tu te dis, c’est pas possible, je passe à côté d’un truc… Comment ils font ?
-Tel que tu me vois, j’en ai croqué vite fait bien fait. Je te dis ça, parce que moi j’étais dans la politique… Si tu me remets pas, c’est pas grave. Je suis bien placé pour le savoir, si tu te tiens à carreau, tu ramasses sans faire grand chose. Mais c’est l’appétit qui te vient à force. Tu te crois tout permis et tu finis par plonger. Tu tombes dans l’excès, mais pas le grand excès, le petit… C’est le plus dangereux. Le grand, t’es intouchable quand ça dépasse l’entendement des ploucs. T’es sauvé par les zéros qui courent derrière. Tu deviens un secret d’Etat. Et même si tu tombes quand même, tu fais même pas de la préventive. T’es condamné pour l’exemple à un symbole… Inéligible, certes, en tôle, jamais !... Tu vois mon cas est différent, c’était pas rien que pour moi, j’aidais les sportifs, les sociétés, l’environnement… J’avais bon cœur avec l’argent des autres. En même temps, c’était de l’argent investi pour ma popularité…En un sens, je faisais ce qu’ils font tous, mais sans la règle, c’est ça qui m’a perdu…
-Attends, je te remets… T’es de Charleroi ?
-Tout juste mon salaud…

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-Comment t’es pas dans le quartier des VIP ?
-C’est complet. Le drame des engorgements…
-Tu crois qu’ils sont tous dans l’excès, ceux qu’on admire sur les affiches ?
-Je te dis pas. T’as des curés partout, encore que c’est un mauvais exemple. Beaucoup ont eu des parents qu’étaient déjà familiers avec les directeurs de banque. Les riches qu’ont été aidés parce qu’on a volé beaucoup avant eux dans la famille, n’ont plus à faire le sale travail.
-Les débutants sont les pires, alors ?
-En un sens. Ils sont affamés. Ils ont besoin de tout. Ils craignent d’être oubliés l’année suivante. C’est la notoriété qui apaise !...
-J’aurais pas dû serrer pour quinze euros !
-Les pauvres, c’est comme ça. Ils font dans le commerce de détail… T’as manqué d’ambition…
-T’en as pris pour combien, toi ?
-J’en ai pris pour rien. La préventive, ce sera suffisant. Mon avocat s’affaire partout. Peut-être demain que je serai dehors.
-Tu peux faire quelque chose pour moi ?
-Tu te tiens peinard. Avec les remises, l’encombrement et la bonne conduite, d’ici trois ans, tu sors. T’es jeune, t’as une belle gueule, t’es pas con… il t’a manqué un parti. Je te laisse mes coordonnées, on a toujours besoin d’hommes décidés. Tu feras comme tu le sens. N’oublie pas les quinze euros, plonger pour une aumône, c’est pas de veine, moi je le dis, c’est pas de veine.

Commentaires

Richard, ta chronique de ce jour est un baume sur mes nombreuses douleurs, mais c'est un peu de l'incitation au délit !
Rien qu'avoir envie de faire de la politique, devrait déjà être un délit.
En annexe : En ce qui concerne l'anarchie, dont je crois percevoir un subtil parfum, je ne me prononce pas,je respire profondément !

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