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Frédéric Mitterrand

Une chose est certaine, le livre « Une mauvaise vie » de Frédéric Mitterrand, publié il y a quatre ans et qui n’avait jusqu’ici connu qu’un succès mitigé en librairie, va voir sa vente exploser à la suite de la redécouverte de quelques pages estimées biographiques dans lesquelles l’auteur situe son héros en Thaïlande pour un tourisme sexuel avec de très jeunes gens.
C’est Marine Le Pen qui a lancé la polémique au cours d’une émission sur France 2, réclamant la démission du ministre de la culture, aussitôt relayée par quelques membres du PS exprimant leur opinion en ce sens.
La polémique rattrape l’auteur devenu ministre. L'embarras plonge la classe politique dominante dans une sorte de temps de l’attente d’une réaction de l’intéressé.
C’est évidemment sur l’âge des victimes de FM que Marine argumente. Etaient-ils majeurs ?
Je relève dans l’extrait ci-dessous le terme de « gosse » pour désigner les jeunes prostitués. Je m’étonne que les contradicteurs de FM ne l’ont pas relevé, sachant comme l’intéressé à le sens de l’emploi exact des mots.
Voici avec quelques coupures l’extrait du livre controversé :
»J’ai pris le pli de payer pour des garçons [...] Évidemment, j’ai lu ce qu’on a pu écrire sur le commerce des garçons d’ici .[...] Je sais ce qu’il y a de vrai. La misère ambiante, le maquereautage généralisé, les montagnes de dollars que ça rapporte quand les gosses n’en retirent que des miettes, la drogue qui fait des ravages, les maladies, les détails sordides de tout ce trafic. Mais cela ne m’empêche pas d’y retourner. Tous ces rituels de foire aux éphèbes, de marché aux esclaves m’excitent énormément […] On ne pourrait juger qu’un tel spectacle abominable d’un point de vue moral, mais il me plaît au-delà du raisonnable […] La profusion de jeunes garçons très attrayants et immédiatement disponibles me met dans un état de désir que je n’ai plus besoin de réfréner ou d’occulter. L’argent et le sexe, je suis au cœur de mon système, celui qui fonctionne enfin car je sais qu’on ne me refusera pas ».
Je n’aime pas Frédéric Mitterrand, enfin le personnage qu’on nous présente à la télé. La culture, ce n’est pas l’afficher, c’est introduire dans des questions qui touchent tout le monde l’insolite d’un regard particulier, d’une poésie personnelle. De sa voix à la cadence de métronome, avec la préférence qu’il a de déposer l’accent tonique sur certaines syllabes qui ne le nécessitent pas, il semble ânonner plus qu’il ne parle normalement. Cela a fait son succès. Moi, cette façon sucrée de dire m’exaspère.

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FM, c’est cela. L’ostentation du savoir, le cas que l’on fait – sans ou avec sa complicité – de ses moindres mots, me l’ont rendu parfaitement antipathique, BCBG parfait d’un parisianisme béat du XVIme arrondissement son homosexualité affichée ne porterait pas plus à conséquence aujourd’hui que celle d’un hétéro, s’il n’était pas dans son cas la suite logique de cette pose affichée de dandysme qu’est l’homosexualité dans certains milieux de salonnards.
Né bûcheron savoyard, il en aurait été autrement sans doute.
Sa dernière sortie en faveur de Polanski, quoique courageuse, était pour le moins inopportune et intempestive.
Ceci dit, « Une mauvaise vie » est un bon livre et Frédéric Mitterrand, un bon écrivain.
Et pour moi, c’est l’essentiel.
Fiction, exagération ou récit réel, depuis quand s’empare-t-on d’une œuvre pour en critiquer son auteur ?
Il aura fallu 150 ans pour sortir le marquis de Sade de l’enfer des bibliothèques et un demi-siècle de plus pour s’apercevoir que l’auteur n’a jamais été à la hauteur de ses personnages ! Et même à l’heure où j’écris ces lignes, des pseudo érudits réciteraient comme paroles d’évangile la virée avec son valet à Marseille, la poudre de cantharide donnée à une prostituée et toutes les « énormités » que l’on a colportées et qui ne sont si énormes que parce qu’en leur temps on a voulu qu’elles le fussent.
Et le public trouve encore normal en 2009 que Donatien-Alphonse-François ait passé 30 ans de sa vie en prison pour des faits anodins et soit relégué aux Petites-Maisons (l’asile d’aliénés) par un Napoléon surtout soucieux de privé de liberté un homme qui toute sa vie en fut le chantre.
Les mœurs évolues, mais pas toujours dans le sens de la mesure et de la permissivité.
On fait un monstre aujourd’hui d’un citoyen ordinaire d’hier, sans s’apercevoir que les deux sont indissociables et que nous en sommes tous là.
Je l’ai toujours écrit ici. J’écris afin d’exercer ma liberté d’expression que je ne peux exercer nulle part ailleurs, étant entendu que je ne partage pas l’opinion passe-partout et que, par conséquent, les médias et la grande diffusion me sont interdits. Cette liberté que je revendique, je la défendrai aussi, quoiqu’il arrive pour des créatifs ou des créateurs – si l’on veut – même si je ne partage pas leurs opinions.
Pour moi, Frédéric Mitterrand est un bon écrivain. Cela me suffit. Et quand bien même en serait-il un mauvais, cela suffirait encore.
Pour le reste, sa vie privée, c’est une affaire entre sa conscience et lui. Que je sache, la justice n’y a pas encore fourré le nez. Alors, de quel droit y mettrions-nous le nôtre ?

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