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Des champs d’oseille au Delaware.

Si l’on en croit l’indice de FSI (Financial Secrecy Index) chargé de déterminer le degré d’opacité financière des pays, nos hommes politiques sont d’affreux menteurs qui en pleine crise juraient leurs grands dieux qu’on allait rayer de la carte les paradis fiscaux, ces endroits du diable où les détenteurs d’argent noir ont la belle vie.
Depuis, on est toujours à la lampe de poche à percer l’opacité des lois et des méandres de la finance. Certains « justiciers » se sont volatilisés dans les brouillards des Commissions et des règlements tordus.
Non seulement les bons lavoirs où mûrit l’argent des combines font toujours recette, mais en plus, des concours se font entre banksters, histoire d’appâter le client. Le FSI a pu dresser une liste des pays dont les banques lavent le fric plus blanc qu’OMO.
La palme de platine revient au Delaware, minuscule Etat américain à une heure d’avion de Wall Street.
Cet Etat de la fédération que dirige Obama n’a guère d’industrie, quelques ports et des villes de moins de cent mille habitants. Le gens du Delaware pataugent dans la boue des marais. Ils vivent au ras des flots. N’importe qui aurait fichu le camp. Chose curieuse, l’autochtone est plutôt un joyeux vivant, patriote comme le sont les Américains heureux.
La cause ? La nature accueillante des lois et la prolifération des banques ont fait du Delaware un paradis fiscal. En effet, à condition de n'avoir que des activités off-shore, c'est-à-dire hors des limites de l'État (le Delaware est de la taille d'un département français, c’est dire comme on est vite dans l’Etat voisin), on peut y faire son beurre fastoche. Les sociétés ne subissent qu'une taxation forfaitaire et minime (environ 300 €). Aussi de nombreux gros poissons, y compris d'importantes multinationales, les maffias et les « paysans » de la drogue, y ont leur siège, bien entendu sous de respectables activités, cela va de soi.
Les résidents sont peu taxés : l'impôt sur le revenu a six tranches, de 2,2 % à 5,95 %, il n'y a pas de TVA ni de taxes sur la consommation. La taxe sur le chiffre d'affaires (et non sur le bénéfice) varie de 0,096 % à 1,92 %. Chaque comté et chaque ville lève ses propres taxes foncières, en vue de financer le système éducatif.

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On y apprécie beaucoup les discours musclés d’Obama sur la disparition des niches fiscales, cela élimine de la concurrence. Lors de sa prestation de président de l’Union européenne, Nicolas Sarkozy y a beaucoup fait rire par ses discours engagés, ses mesures hardies préconisées mais jamais appliquées. Pour y nettoyer les banques, il faudrait changer les lois fédérales et supprimer les avantages proposés par l’industrie bancaire. Ce serait la révolution chez les 900.000 habitants de cet Etat lilliputien qui ne vivent plus de la pêche depuis longtemps.
A cette situation, le Luxembourg proteste. Deuxième au palmarès, il doit lutter pour conserver sa deuxième place des pays à lessiver l’argent des riches. C’est en somme une concurrence déloyale que le Delaware lui fait. Le Luxembourg est au cœur de l’Europe et tous les regards sont tournés vers lui. Son premier ministre Juncker est tellement vertueux qu’il se pourrait bien qu’il devienne le premier président de l’Europe, quoique, en dernière nouvelle, Hermann van Rompuy n’est pas mal placé.
Si Juncker décrochait la timbale, ce serait un comble, puisque ce pays, contre vents et marées, poursuit une politique « engageante » à l’attention des détenteurs de masses d’argent folâtres, tout en bénéficiant de sa longue tradition européenne pour la confiance. N’est-il pas parmi les pays fondateurs de l’Union ?
Viennent ensuite la Suisse, dont la réputation n’est plus à faire et les Iles Caïmans en quatrième position.
Quant au sérieux du FSI s’il est à la mesure des don Quichotte qui s’étaient retroussé les manches pour nous donner le spectacle de leur conviction et qui dès le rideau tombé sablent le champagne avec les banquiers, on pourrait douter de l’utilité de son tiercé gagnant. Reste que ce classement en vaut bien un autre et surtout nous met au parfum des pratiques d’avant la crise qui sont encore en vigueur en 2009.
On aurait juste « crié un peu » pour que le contribuable n’ait pas l’air d’avoir été cocu quand il a fallu sauver des banques en 2008.
On nous dit que pour établir cet indice, on a examiné 60 juridictions. Une équipe de chercheurs « sérieux » a travaillé sur "le degré de secret atteint par chaque juridiction et sa résistance à coopérer avec des autorités administratives ou judiciaires étrangères". Enfin, le programme s'inscrit dans le cadre d'une campagne internationale visant à une plus grande transparence des places financières et centres offshore.
On est bien avancé.
Ce n’est pas demain en Belgique, classée dans le brouillard financier au n° 9 de l’échelle des maquilleurs de brèmes, que son score d'opacité de 73 pc sera revu à la baisse, quand on voit nos cadors au gouvernement, on a compris.
En raison du "secret bancaire fiscal" et du fait qu'elle a refusé l'échange automatique d'informations bancaires prévu par la Direction européenne sur l'épargne, on ne pourra pas de sitôt regarder les pauvres en face. Sauf peut-être Reynders, le ministre des finances, qui n’a jamais eu peur de mentir les yeux dans les yeux…

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