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En jupon et en armure.

Il est assez réconfortant aujourd’hui que les femmes osent revendiquer des emplois de premier plan, comblant en partie le fossé entre les sexes, sans oublier de saluer la mémoire de celles qui vécurent à l’ombre des grands personnages et qui, ayant la capacité d’être au premier rang, se contentèrent des seconds.
Parmi une des dernières à ronger son frein et n’être rien hors le contexte d’un parti, d’un homme politique ou d’un courant, on peut citer Marie-France Garaud dépeinte comme une figure emblématique de la Vème République.
De la droite, quasi extrême, adversaire déclarée de l’Europe à plusieurs reprises, elle n’a pas adhéré au Front national parce qu’elle pensait que ce parti était sans avenir, ou, tout au moins, un avenir confinant à l’anecdote. Ce en quoi elle ne se trompait pas. Elle avait en horreur l'ultralibéralisme anglo-saxon, ce qui put la rendre sympathique, à certains égards.
Parmi ses trophées, trois scalps accrochés à sa ceinture : Chaban-Delmas et Giscard, au service de Chirac dont elle fut, mais rien n’est certain, tout un temps amoureuse, on peut considérer qu’il fut le troisième, par Sarkozy interposé.
Tout à tour surnommée Cruella, Rastignac en jupons, traitée de "diabolique", d'"éminence grise" du président Pompidou, d'"Anaconda", « l'homme qui gouverne la France », etc. Conseillère à l'Elysée, le seul bruit de ses talons dans les couloirs faisait frémir les ministres... Elle dut sa retraite anticipée des affaires à Bernadette Chirac, dans un match où la rivalité entre les deux femmes finit par voir le triomphe de l’épouse.
Des femmes puissantes, sachant y faire avec les hommes et l’opinion, ne manquant pas de talent, il en existe d’aussi remarquables à gauche.
Pourquoi je me suis attaché à celle-ci ? Par l’amour du mot juste, de la répartie appropriée, en un mot par la raison de la rhétorique. Voilà une femme qui a le talent de Chamfort pour la litote, l’œil de Talleyrand pour la faille où déverser l’acide et l’esprit de Machiavel pour la « combinazione ».
Cette admiration s’arrête là. Pour un homme de gauche, la politique de Marie-France Garaud est détestable et sa présentation du monde n’est pas la mienne. Ce qui n’empêche nullement d’applaudir l’artiste.
Trop souvent entraînés vers des politiques « irréconciliables » avec les autres formations, ne serait-ce que pas le souci de se démarquer vis-à-vis de l’électeur, les gens de parti ont tendance à penser que tout est bon chez eux et mauvais chez les autres. Entre cette position et celle qui condamne à la stupidité des adversaires parce qu’ils ne partagent pas les concepts de la gauche, il n’y a qu’un pas, que je ne franchirai pas pour cette femme âgée aujourd’hui de 75 ans et dont les dernières interviews prouvent qu’elle a non seulement conservé une excellente mémoire, mais encore, que sa verve a gardé toute son acidité. .

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Avec des convictions gaullistes et son estime à Georges Pompidou qui lança cette avocate alors à la trentaine dans les arcanes de la politique, madame Garaud voyait poindre Giscard d’Estaing et Jacques Chirac à l’horizon politique immédiat, puisqu’on n’avait plus aucun doute sur l’issue fatale de la maladie du président en exercice.
On retiendra d’elle ses reparties et ses jugements dignes d’un Saint-Simon à la cour de Louis XIV.
"Quand j'écoute Chirac, je pense toujours à cette phrase d'un humoriste anglais: il ment tellement que l'on ne peut pas croire le contraire de ce qu'il dit."
"Nous pensions que Chirac était du marbre dont on fait les statues, il est de la faïence dont on fait les bidets."
"Jacques Chirac est un trop beau cheval. Nous lui avons appris à courir, il le fait; nous lui avons appris à sauter les haies, il le fait; le problème c'est que quand il court sur le plat, il continue à sauter".
A Valéry Giscard d'Estaing: "Monsieur, le centre, en géométrie, ça n'est qu'un seul point; un seul point, comme programme politique, vous avouerez que ça fait un peu court"...
S'agissant de la fidélité supposée de Jacques Chirac aux idéaux gaullistes: "Le cardinal de Retz disait: Les grands hommes sont souvent des grandes raisons pour les petits génies. C'est tout". "Les institutions c'est comme le poisson, ça pourrit par la tête", à propos des affaires sous la présidence Chirac.
"Depuis 2002, la présidence est vacante".
"Vous savez ce qu'on a dit des programmes. Les programmes ne sont jamais que les cimetières futurs des espérances déçues."
A propos de la possibilité pour Chirac de se représenter en 2007, ce fut, sur France Inter, le 11 mars 2007: "Après tout, on a déjà vu des parachutistes sauter sans parachute"...
"Je ne sais pas si les hommes et les femmes demain en charge de la France dans des temps difficiles auront assez de lucidité et de courage pour faire leur propre révolution et assumer les responsabilités abandonnées par eux sur le chemin, mais je suis certaine que le peuple lui, l'exigera un jour."
"Mitterrand a détruit la Ve République par orgueil, Valéry Giscard d'Estaing par vanité et Jacques Chirac par inadvertance" !
Cette manière de faire de la politique m’enchante. Madame Garaud, quoique avocate, ne fait pas dans la langue de bois.
Le phénomène est assez rare et méritait d’être signalé.

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