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La peur est en nous !

La mondialisation ressemble au bénitier, ce coquillage géant capable de briser un membre du nageur imprudent, elle s’est refermée sur elle-même. Le résultat ne s’est pas fait attendre. Vingt ans après la chute du mur de Berlin, le monde occidental n’a plus un concurrent capable de rivaliser avec lui. La peur qui entourait la rivalité capital/social a changé de nature. L’ennemi n’a plus de visage : il est à l’intérieur du coquillage !
Baudrillard l’explique très bien : l'expansion du capitalisme et du néolibéralisme avec comme corollaire l'extension croissante des biens financiers qui l'accompagne, sème le grain qui germe contre lui, en raison de l’incompréhension de l'aspect symbolique de l'existence sociale.
S’il y a bien une montée de quelque chose, c’est celle de l’adrénaline diffusée par la peur. A une époque qui pourrait paraître stabilisée après les deux grandes guerres du siècle précédent, la tendance d’une pétoche générale est à la hausse.
Les lois restrictives dont les démocraties ont le secret « pour notre bien » ou pour nous « protéger du terrorisme » agissent évidemment par effet de loupe sur notre comportement de désormais pétochards.
Voir à la télé des pans énormes des glaces du pôle sombrer dans la mer, alors qu’on ne dit pas quand ces images ont été filmées, peut-être l’ont-elles été à la fonte annuelle, la dernière crise bancaire et ses effets néfastes sur l’emploi, le spectre des pandémies – par la précaution des dirigeants assurant plus la tranquillité de leur réélection qu’une réelle inquiétude induite dans la publicité faite autour du vaccin AH1N1 - les guerres locales qui n’ont jamais cessé, les violences urbaines de l’assassinat aux vols des pickpockets dans les amas de foule, les OGM, les ondes électromagnétiques de la HIFI aux antennes de la téléphonie, on va droit dans le mur… vers une frousse intégrale, irrésistible ! Car ces craintes éparses s’additionnent et quand la peur devient « bleue », il est trop tard. Personne ne la contrôle plus !
Baudrillard, encore lui, a écrit Power Inferno en 2002, œuvre qui nous aide à expliquer ce qui se passe :
« …le système lui-même, par l’expansion spéculative de tous les échanges, la forme aléatoire et virtuelle qu’il impose partout, les flux tendus, les capitaux flottants, la mobilité et l’accélération forcée, fait régner désormais un principe général d’incertitude que le terrorisme ne fait que traduire en insécurité totale ».

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Dans le passé, Montaigne a opposé le pouvoir du raisonnement à la peur. D’un côté la détermination d’une puissance de raisonnement de sang-froid et de l‘autre les émotions qui se bousculent et instaurent un régime de panique devant lequel aucune intelligence ne résiste.
Epictète avait une formule plus directe et donc plus évidente : « Si tu aimes une marmite dis : j’aime une marmite ; ainsi si elle se casse, tu ne seras pas troublé ; si tu embrasses ton petit enfant ou ta femme, dis-toi que tu embrasses un être humain ; ainsi, s’il meurt, tu ne seras pas troublé. »
Rien n’y fait. Puisqu’on nous dit d’avoir peur, et que ceux qui nous le disent sont davantage crédibles que les philosophes, c’est notre identification au système et aux personnes auxquelles nous nous référons qui nous le commande, et non pas les discours d’Epictète et de Montaigne auxquels nous ne croyons plus.
Le rapport entre le coquillage géant et le terrorisme est évident.
Les deux systèmes se complètent, s’interpénètrent, en un mot, ils sont devenus indissociables.
Le terrorisme est lui aussi construit en cellules invisibles et redoutablement mobiles. Il menace d’attaquer la mondialisation pour la détruire, et c’est justement de cela dont celle-ci a besoin afin d’instaurer sa propre terreur, bien plus sanglante que le terrorisme.
Ainsi la mondialisation prive des millions d’hommes de liberté et de pain, ouvre des usines-bagnes dans des pays où il semble bien que l’homme y soit plus docile, puis sans autre forme de procès, de la même manière qu’une bombe explose au cœur d’un marché de Bagdad, délocalise l’usine-bagne pour plus de profit en laissant derrière elle des milliers de personnes condamnées à la souffrance et à la faim, pour ainsi dire déchiquetées par l’explosif.
Cette évolution inexorable vers un ordre mondial achevé, ce monde effrayant que nous voyons venir mais que notre peur empêche d’y opposer la moindre résistance, rejettera en final une grande partie d’entre nous vers un terrorisme d’instinct de conservation, que le coquillage bénitier broiera de la même manière que la jambe du nageur imprudent.

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