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Les cumulards démasqués.

On fait grand cas d’un blog « Cumuleo.be » qui recense en Belgique les cumulards politiques, leurs mandats, fonctions et professions.
La taxinomie a séduit quelques blogueurs qui trouvent dans cette pratique à satisfaire leur besoin d’ordre. Cette pratique qui fait nombre, entre dans l’air du temps et devient une sorte de mode dont les internautes en communication électronique se sont emparés.
Cette mode succède aux fans blogueurs qui érigeaient des monuments à la gloire de leurs idoles.
C’est un progrès vers une maturité plus constructive. A mon sens, un pas de plus d’une information structurée d’amateurs qui, mine de rien, sont en train de bouleverser la presse, renvoyant à l’inquiétude de J.-F. Kahn (n° 660 de Marianne) « Vous voulez vraiment qu’on ne lise plus les journaux ».
Pour l’anecdote, un lecteur inconnu, s’est voulu comptable de clichés « à texte » du blog Richard III.com (1), il y a de cela quelques mois. Cette initiative – indépendamment de la « chatouille » agréable de l’ego de qui en est l’objet – peut aller jusqu’à une certaine utilité générale quand la recherche passe du particulier à un ensemble le plus vaste possible.
« Cumuleo-be » place son projet taxinomique dans le rappel des promesses formulées par l’ensemble des partis politiques qui réclamaient et qui réclament toujours le non-cumul des mandats.
Ce n’est pas une découverte, nous sommes dirigés par des cumulards ! Chose que nous savons depuis longtemps.
Ce qui est intéressant, c’est de confronter les promesses aux réalités. A ce point de vue, c’est gagné. La démonstration est édifiante.
Le blog de Christophe Van Gheluwe nous montre combien certaines situations de représentation des électeurs peuvent être lucratives, au point de susciter des envies et des jalousies au sein de la formation politique de celui qui en est bénéficiaire.
Le voile est définitivement levé sur la nouvelle classe moyenne succédant à celles du commerce et de l’artisanat, dans de grandes difficultés pour la plupart. La middle class constituée des mandataires rémunérés des partis traditionnels vient de naître !
Désormais, nous devrions faire le tri entre les professionnels et les amateurs du bien public, les premiers ne visent qu’à accroître leur pouvoir et, par delà, leurs revenus ; les seconds consacrent beaucoup de temps à titre gracieux et n’espèrent rien qu’être au service d’une société qu’ils souhaiteraient plus altruiste et démocratique (2). La volonté d’aboutir au non-cumul réel des mandats vient essentiellement de ces derniers.
La nouveauté dans le blog « Cumuleo-be » tient dans l’assemblage des différentes informations en un seul « bouquet », comme on dit sur les chaînes cryptées de télévision.
Et pour un bouquet, c’est un sacré bouquet !
Evidemment, la principale source d’informations reste le Moniteur, comme dans bien d’autres domaines, mais en étant attentif aux différentes rubriques artistiques, sociales et financières de la presse, à la lecture des répertoires des professions libérales et commerciales et à la composition des Conseils d’Administration, on peut faire des ajouts conséquents à l’information de base du Moniteur.

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Inutile de lire « la raison classificatoire » de Patrick Tort (3) pour imaginer le travail de fourmi qu’a fait Christophe Van Gheluwe pour qu’en profitent les assidus de la Toile, encore qu’il n’a sans doute pas tout collationné et que quelques prébendes à détection difficile, voire impossible, lui seront passées sous le nez..
L’impression qui ressort de ce travail, est un immense dégoût du double langage de la plupart de nos politiques.
On sait, à présent, presque tout du système « D » des 11.448 mandataires répertoriés qui arrondissent leur fin de mois, par ce moyen.
Cumuleo met en évidence les mandats réellement cumulés, c’est-à-dire exercés simultanément dans l’année, qui ne sont pas disponibles dans les publications officielles, les mandataires qui n’ont pas rendu de déclaration de patrimoine ou de liste de mandats aux autorités de la Cour des Comptes (46 en 2008).
Les champions hors catégorie épinglés sur le site sont bien connus des électeurs, ce qui ne les empêche pas d’être régulièrement réélus.
Le piquant, ce sont les personnalités des partis qui se sont fait « un devoir » d’appeler à la modération des mandats et qui n’emploient pas à eux-mêmes ce qu’ils recommandent aux autres.
C’est un dilemme, comment être reconnu et donc populaire en n’exerçant qu’un seul mandat ? Comme ils ont fait de leur mandat principal une profession (la plupart ne saurait rien faire d’autre) le risque de laisser à l’un des leurs – ou pire à un membre d’un parti concurrent - une parcelle de leur popularité, leur fait fouler l’éthique au pied.
En ces temps de crise, conserver son boulot passe souvent par des compromissions, des lâchetés, des hypocrisies, désormais la profession politique n’échappe pas à ce « déshonneur bénin » qu’exige la survie en temps de crise. La profession est ravalée au rang d’un quelconque moyen de gagner sa vie, plus lucratif – il est vrai – que la plupart des métiers. Elle donne à ceux qui l’exercent une vie plus agréable dans une condition supérieure. C’est la seule profession en Belgique dans laquelle, ceux qui l’exercent, fixent eux-mêmes leurs émoluments et les augmentations qu’ils jugent « nécessaires ».
On le voit bien à l’embourgeoisement de tous les élus de gauche ou de droite qui tirent un salaire de leur « mission », le métier d’homme public est celui qui « marche » encore.
Mais quelle déchéance !....
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1. http://users.be/fa034328/gags.htm
2. A ceux-là, il faut défalquer le nombre de ceux qui ont « des espérances ». Parmi lesquels, citons les fils de…, les pistonnés et quelques Rastignac venus de rien et prêts à tout.
3. Patrick Tort, les complexes discursifs, « La raison classificatoire », éd. Aubier.

Commentaires

C'est bizarre, mais le site www.cumuleo.be ressence en grosse majorité des mandataires flamands comme étant en défaut de déclaration de patrimoine. Je m'attendais à y trouver des wallons. Surement la pudeur nordique.

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