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2010 et alors ?

Lorsque Karl Jaspers retrouva sa chaire en 45 après la chute de Hitler qui l’en avait exclu, il intitula son premier cours « Le Problème de la culpabilité (Die Schuldfrage) », bien entendu, il s’agissait de la culpabilité du citoyen allemand et du peuple allemand.
Les hommes sont-ils coupables de l’action de quelques-uns ?
Les minorités sont-elles coupables au même titre que les majorités ?
Jaspers dissocie l’homme du sujet. Le sujet est à jamais enfermé à l’intérieur de la tension sujet-objet (Kant). La totalité homme/sujet/objet est hors d’atteinte. Et donc n’existe que de manière théorique comme Dieu, puisqu’on ne peut en faire l’expérience.
Cela signifie que, sans nous abstraire de la responsabilité des événements dont nous serions les acteurs passifs, nous ne saurions en porter la faute originelle.
L’homme est donc libéré de son devoir d’obéissance. Il peut à tout moment décliner l’offre de collaborer à un système politique, et par conviction personnelle désobéir au diktat d’une majorité.
Mais, « ô tempora ! ô mores !» notre survie dépend souvent de la manière dont nous nous insérons dans une organisation sociale.
Le jour de l’an est, paraît-il, celui des bonnes résolutions. Comment les considérer à la lumière de ce qui précède ?
Il faudrait d’abord s’entendre sur ce qu’est une bonne résolution ?
Est-ce, par exemple, entrer dans un conformisme social qui fait de nous des Belges ? C’est-à-dire abandonner toute prétention à un rêve supérieur pour une étiquette ? Ou, l’âme patriote ayant en elle les vices du nationalisme, s’en distraire par l’abstraction d’une Cité idéale ?
Est-ce se résigner à tenir au mieux sa place dans le modeste rang que le hasard d’être né ici, plutôt qu’ailleurs, nous a imparti ? Ou franchir le Rubicon et comptabiliser les dégâts d’une mondialisation libérale débridée ?
La pratique de la philosophie rend l’impétrant irrésolu.
C’est donc du côté intime, notre part d’ombre, entre les fatras accumulés de ce que nous sommes, que nous pourrions offrir aux autres et que nous appellerions nos bonnes résolutions.
Doté d’un caractère éminemment protestataire, je suis probablement né comme ça.
L’intérêt que quelques lecteurs me témoignent doit probablement beaucoup à cela.
Dois-je ou non, poursuivre dans la vindicte le rapport que j’ai en ma qualité de citoyen avec ceux qui régissent ma vie, alors que je ne leur demandais rien ?
Ces questions sont les incipit des chapitres de mes bonnes résolutions.
La maïeutique, que Socrate exerce sur les autres, il serait légitime de l’exercer d’abord sur soi-même. Dominé par ce caractère éminemment protestataire, je cherche toujours à prouver que les autres ont tort. Critique par prédilection, j’use mes heures à décocher des flèches sur qui dépasse de la tête la tranchée adverse, tout en prétendant passer pour l’objectivité en personne.
Là, je touche à l’universel, car ce qui est protestation pour les uns, peut être considéré comme ambition légitime pour les autres.
De ma vie, je n’ai eu une quelconque ambition, en-dehors de celle que j’ai acquise par l’étude et la lecture.
Mendier au pouvoir un passe-avant ne m’est jamais venu à l’esprit..
Cette résolution ne me coûte rien. Je déteste la fausse gloire de l’ambition satisfaite, le mérite, la compétition, « se faire valoir » en politique pour la gloire d’être connu et donc reconnu au suffrage des autres. La consécration signifie avoir trimé pour qu’on vous reconnaisse et consacré, le parvenu n’a jamais l’âme tranquille.
C’est pourquoi nos hommes politiques sont des inquiets.
Les ordres m’insupportent, ceux que l’on reçoit et ceux que l’on donne. Cette raison m’empêche d’adhérer. Entrer dans un patronage comme Jean-Mi Javaux suppose que, très jeune, l’écolo aimait avoir un patron, sans doute dans l’espoir de l’être à son tour.
Est-ce assez de malheur de perdre un patron en le devenant ?
Bien entendu, ceux de ma sorte ont le don d’agacer les ambitieux qui naturellement espèrent toute leur vie à prendre du galon et passer de sous-chef à chef. Ils exaspèrent aussi de façon plus générale les pontes du système économique qui n’ont fondé leur industrie que sur l’émulation en économie. C’est le chemin de la réussite et par-delà, de la fortune, pensent ceux dont l’existence, a été définitivement gâchée par l’obligation d’un travail sans joie et sans espoir.
On ne saura jamais le nombre de vies tronquées, escamotées, réduites par ce fléau.
Evidemment, qui prétend « s’en foutre » fiche les belles théories par terre et cause des dégâts à la sainte vertu supposée du travail, si bien prêchée par les gens qui se dépensent peu pour gagner beaucoup.
Certes, j’ai cherché souvent la particularité et le défaut dans l’argument des autres, préférant à une discussion constructive, les points faibles de mes modèles.
Mais comment faire autrement, quand il n’y a pas de dialogue possible entre ceux que nous déléguons « par défaut » à notre conduite et nous, hormis des dialogues convenus et sans intérêt.
Suis-je méchant de nature ? De cette méchanceté que craignent les parvenus, les voleurs et les honnêtes gens ?

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Mon ressort semble procéder d’une finalité inconsciente, celle d’être guidé par le sens du juste, contre l’injuste.
Mais le juste et l’injuste sont des vues de l’esprit, comme la vérité. Socrate avoue qu'il ne sait qu'une chose, c'est... qu'il ne sait rien ! moi qui en suis là depuis longtemps, comment voulez-vous que je me connaisse moi-même ?
L’esprit des Lois que je conteste vise à m’acculer à un rôle héroïque.
Se prendre pour un héros, mille milliards de sabords, à quoi suis-je arrivé !
Le premier janvier, je renverserai la statue du Commandeur de son piédestal.

Commentaires

BONNE ANNEE CHER RICHARD

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