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Les chemins de fer en prévente.

Parfois, le pouvoir use de méthodes sadiques pour arriver à un résultat dont les gens ne veulent pas et qu’ils acceptent finalement parce qu’ils sont trompés par la nouvelle apparence avec laquelle on leur présente la même chose.
Exemple les chemins de fer, mais on pourrait aussi parler de la poste et de toutes les entreprises jusqu’à présent dans le domaine de l’Etat et dont on veut « faire profiter » les riches en les vendant au domaine privé sous prétexte que la concurrence va faire baisser les prix, défaire les citoyens d’une charge et donc d’un impôt.
L’Europe est l’occasion d’un formidable alibi dans lequel s’épanouissent les partis de gauche et de droite qui nous font croire qu’à cause d’elle, ils sont obligés de passer tous les joyaux de la couronne sur le marché du plus offrant. Ainsi, si par malheur la braderie tourne mal, ils pourront toujours nous dire qu’ils l’avaient prévu et qu’ils n’étaient pas responsables. Ce qu’ils oublient de nous dire, c’est qu’ils ont des parlementaires européens qui approuvent Pascal Lamy, commissaire au commerce, qui est le chantre de la mondialisation au sein de la Commission.
Revenons aux chemins de fer.
Avant de dépecer la bête, les chemins de fer étaient une entité qui fonctionnait tant bien que mal, - plutôt bien que mal - malgré les calamiteux directeurs politiques les Reynders et les Schuppe. Les trains arrivaient à l’heure, enfin à quelques minutes près. Les petites bourgades étaient desservies par des trains, certes à moitié vides ou trop pleins par période, mais il aurait suffi à un bon chef de gare de moduler les horaires et les capacités pour satisfaire la banlieue, plutôt que les plans des suffisants personnages parachutés par des partis, avocats de renom certes, mais douteux organisateurs.
Mais il fallait à ces impavides, ces pieuvres du conformisme européen, il fallait des morts, des catastrophes, des responsabilités diluées entre trois au lieu d’une, afin de pouvoir dire le progrès que ce serait de fourguer au privé les embrouilles que ces pontes ont créées volontairement.
D’où l’idée socialo-libérale de couper la chose en trois. Un va s’occuper des gares et du matériel, l’autre des voies et de l’électricité, le troisième du fret en même temps la coordination de l’ensemble, à moins que cela ne soit le contraire, bref le citoyen ne sait plus !
Résultat, dix-neuf morts il y a quinze jours, apothéose de l’expérience, une collision nouvelle à Glons, heureusement sans perte de vie humaine. Mais avant, les usagers ont pu vivre le glissement de la SNCB vers la société anonyme par des trains toujours en retard, des gares qui se ferment sur le temps que l’argent est dilapidé dans des gares pharaoniques, des horaires de la plus haute fantaisie, des accompagnateurs esseulés pour des rames pleines à craquer, des conducteurs avec des temps de travail de dingue, etc. etc.
Les dépeceurs se frottent les mains. Di Rupo et Reynders exultent. La grande vente au plus offrant pointe le bout de son nez. Les riches vont se disputer les trois morceaux du cadavre. Les finances de l’Etat à court terme vont recevoir quelques centaines de millions d’euros.
Sous prétexte de la liberté d’entreprendre offerte à tous, ce ne sont que les margoulins qui vont s’en donner à cœur joie ! Vous sauriez exercer votre liberté d’entreprendre en achetant un bout de rail, ami lecteur ?

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Excédé de ce qui arrive aux pauvres martyrs, écrabouillés des voies, le public va finir par se réjouir de la liquidation de la SNCB selon les ukases de l’Europe. Les trois cons qui ont été entendus par la commission parlementaire chargée de faire la lumière sur le drame récent, bien sûr tous irresponsables, vont se transformer bientôt en dix, quinze vingt autres cons prétentieux de plus en plus avides, délégués des sociétés anonymes au salaire lui aussi dix, quinze fois, supérieur, aux cheminots moyens. Il y aura toujours autant d’accidents – sinon plus - de morts, de trains en retard, de confusion de qui fait quoi, mais ce sera au privé à s’expliquer devant des commissions ou devant les tribunaux.
Nos vicieux de la chose publique s’en laveront les mains. Cela ne sera plus de leur compétence.
L’Europe se discréditera un peu plus aux yeux du citoyen. Ceux-ci seront consternés, navrés et ne comprendront plus rien. Personne et surtout pas les socialistes ne leur expliquera que les sacro-saintes règles de la concurrence n’existent plus que dans la formule qui fait plaisir au monde libéral mais qu’en réalité elle n’exerce aucune influence sur les prix. Au contraire, la liberté des prix ne va jamais vers la baisse, mais vers la hausse, comme l’histoire de la baguette de pain, la diminution de la TVA à la restauration qui voit les prix poursuivre leur ascension, etc. etc.
Ce qui veut dire que l’avenir est sombre pour les usagers des chemins de fer qui en plus de devoir craindre pour leur vie, verront le prix du billet grimper allègrement et il sera toujours de plus en plus difficile d’emprunter un train depuis les petites gares, le tout prestige étant le seul rentable. Il arrivera même un jour où il faudra plus de temps pour aller de Mons à Bruxelles que pour aller de Bruxelles à Paris.
Le journal Le Soir, le fait-il exprès ou non (1), affiche à la une un articulet qui en lui-même nous prépare à l’étape suivante, il nous fait lire « Le médiateur de la SNCB a ouvert pour les mois de janvier et février 1.206 dossiers après plainte de voyageurs, un record absolu. Un tiers de ces plaintes concerne des retards ou des trains annulés. »
Il est vrai que la dégradation s’accélère suivant le processus établi. Personne ne se demande si ce n’est pas déjà la coupure en trois de la SNCB qui, en préparant la suite, est le principal responsable ?
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1.C’est ce même journal qui affichait des statistiques tendant à montrer la reprise dans la grande distribution, et en bas de page montrait le personnel de Carrefour choqué par les mesures de licenciement.

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