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Inter faeces et urinas (1)

L’excellent hebdomadaire Marianne, dans son numéro 696, publie un article sur les hyper riches. Je le citerais bien in extenso, tant il sonne juste sur cette nouvelle boursouflure du capitalisme.
Des passages drôles d’un film que tout le monde a vu, « La folie des grandeurs » doivent beaucoup au dialogue. Outré à l’époque, afin que De Funès fasse son numéro, Joseph Macé-Scaron, le journaliste de l’article, nous le restitue « …quand la réalité sociale finit par épouser sa propre caricature », et nous n’avons plus envie de rire.
Rappelez-vous « Les riches c’est fait pour être très riches et les pauvres très pauvres » dit Don Sallustre à son valet, interprété par Yves Montand.
Que cela sonne juste aujourd’hui au point qu’Aymeric Mantoux le signale dans son enquête sur les riches !
Et le reste du dialogue est à l’avenant « Ne vous excusez pas, ce sont les pauvres qui s’excusent, quand on est riche on est désagréable »; et cet autre trait « Mais, qu’est-ce que je vais devenir ? Je suis ministre, je ne sais rien faire... ». Beau sujet d’actualité chez les élus de nos démocraties regorgeant de tout, d’argent, de facondes, de facilités, et qui, s’ils devaient retourner à leur administration ou enseigner la chimie - comme Di Rupo sans son engagement politique - à des « bourriques de seize ans », auraient la mine allongée, trouvant le métier peu intéressant et surtout mal rémunéré.
Encore faut-il distinguer l’aimable aisance des milieux de la politique - cette nouvelle bourgeoisie montante reléguant la vieille un étage en-dessous - avec les hyper riches qui comme madame Bettencourt ne connaissent pas leur fortune exacte. Beaumarchais, dans « le mariage de Figaro » fait dire au barbier un des plus longs monologues du théâtre français, dont cet extrait est tiré « Parce que vous êtes un grand Seigneur, vous vous croyez un grand génie !... Noblesse, fortune, un rang, des places : tout cela rend si fier ! Qu’avez-vous fait pour tant de biens ? Vous vous êtes donné la peine de naître, et rien de plus... ».
Il est vrai que la plupart des grandes fortunes actuelles ont été héritées. Le seul génie des successeurs a été dans la réception des biens familiaux, en ne reversant que très peu à l’Etat au titre de la succession. Quand on sait l’implacable voracité de celui-ci dans le cas des petites successions, on se prend à rêver…

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Comment font les hyper riches pour ne presque rien payer ?
N’importe quel expert fiscal vous le dira très bien, le Ministère des Finances encore mieux qui n’a garde d’interrompre le flux à ce haut niveau et qui se rattrape sur le reste de la population.
Les inégalités ne cessent de se multiplier dans le monde capitaliste. Après la peur de la grande crise de 2008, ce sont les Etats qui d’un même élan, ont rendu du souffle aux banques et permis aux hyper riches de repartir de plus belle, sous le prétexte de sauver l’emploi du guichetier qui finira par le perdre quand même au nom de la rationalisation par la « self bank ».
J’entends bien le raisonnement que pour faire prospérer l’artisanat de luxe, il faille des acheteurs fortunés, encore que l’on puisse employer les bons ouvriers de cette industrie à des tâches plus utiles, mais les hyper riches sont au-dessus du lot des acheteurs fortunés. Ils deviennent par l’accumulation de patrimoine des sujets d’étonnement parfaitement inutiles et même potentiellement dangereux par leur pouvoir et leur parcours, la possibilité qu’ils ont d’accomplir leurs lubies et d’exécuter leurs fantasmes, au même titre qu’un dictateur d’une république sous contrôle de la CIA.
Ne prenons pas Léon Bloy comme exemple qui se réclamait de la sainte mendicité pour s’arroger le droit de critiquer les riches. Posons-nous la question « quelle est l’utilité des hyper riches ? ». Si vous avez une réponse ?
Comme a écrit Jean Anouilh dans le film « Monsieur Vincent " la réplique d’une dame de qualité à monsieur de Paul : « Le pauvre…c'est comme avec mon petit chien. S'il veut du sucre, il donne la patte ! ». C’est toute la différence avec l’hyper riche, s’il veut du sucre, il le prend. Il le prend même de la bouche d’un pauvre – ce qu’il fait à longueur d’année au figuré – sans que le monde officiel qui nous représente y trouve à redire.
Et c’est ça qui est véritablement scandaleux.
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1. « entre l’excrément et l’urine ».

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