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Un homme dangereux…

Jugement fort discutable à Bruxelles de Léopold Storme condamné à 26 ans de réclusion.
Non pas dans le verdict du jury, de toute évidence Storme a bel et bien assassiné ses parents et sa sœur ; mais, dans les faits d’audience. Ce procès récuse les diagnostics d’une demi-douzaine de psychiatres qui concluaient à l’internement du prévenu.
Or, la négation de l’évidence par Storme, malgré l’accumulation de preuves lourdes tendant à démontrer qu’il a bel et bien prémédité ses crimes, et encore les avoir exécutés avec sang-froid et détermination, démontre non pas l’inconscience au moment des faits dans un égarement passager, mais de quelle manière aberrante il considère les enquêteurs, le juge d’instruction et la société en général, prenant en vrac l’ensemble de la société pour bien moins intelligent que lui, en niant avec aplomb ses crimes.
Ce type de comportement éclaire l’individu et l’identifie formellement parmi les aliénés mentaux dangereux à vie. Pour Storme, quoique conscient d’avoir assassiné ses parents, mieux le couteau acheté pour passer à l’acte, ses mains tenant le couteau, même le sang de ses victimes giclant sur ses vêtements, son esprit se refuse dans sa logique à reconnaître ses actes, pour la bonne raison que la position de l’innocent est bien plus confortable pour lui et le restera, ainsi il évite avec l’aveu, la repentance avec toute la difficulté de paraître affligé et plein d’horreur de lui-même. Spectacle qu’un homme de cette espèce aurait du mal à simuler.
Encore aujourd’hui, la psychiatrie n’a pas de critères suffisants pour distinguer les attaques d’hystérie, ainsi que les évaluations psychogènes à partir de l’anamnèse.
Le cas de Storme est de ceux-là. Pourtant, après avoir lu les comptes-rendus du procès, une indication aurait dû éclairer le tribunal au sujet du refoulement lié à l’énigme qui subsiste, puisque Storme, en parfaire logique avec lui-même, a nié son crime jusqu’au bout : « ce sont les fortes pulsions décrites de cruauté qui se sont manifestées très tôt ».
Malgré le courant Michel Onfray, Freud peut encore nous être utile afin de comprendre le cas Storme, lorsqu’il dit « L’homme ne souffre que d’un seul complexe qui se situe toujours dans le domaine père-mère (1) ».
Pour un esprit froid et calculateur à fortes dispositions paranoïaques, il était inéluctable qu’un jour surviendrait la fusion des pulsions de cruauté et du complexe unique.
Avec les remises de peine en cas de bonne conduite, et les trois ans et demi qu’il a effectués en préventive, Storme sortirait de prison dans moins de six ans (2)
C’est-à-dire qu’il aura moins de trente ans. Il sera probablement titulaire d’un master passé en prison et lâché dans la nature, ayant purgé sa peine en homme libre, il sera à nouveau confronté à ses pulsions, à son passif, à son problème de fonds, tandis que professionnellement il intégrera le monde du travail, prendra un logement, aura des relations avec des femmes, etc.
La présidente , dans son speech de clôture, lui a fait comprendre qu’il y aurait, pour lui, s’il se comporte bien, une vie après la prison, et qu’il devait, dès à présent, la préparer.
Peut-être entrera-t-il dans une grande société, aura-t-il un poste à responsabilités et sera-t-il considéré par tout qui il approchera comme ayant été victime d’une monstrueuse erreur judiciaire, ce qu’il ne manquera pas de faire accréditer par un discours qu’il aura eu le temps de bien roder à l’ombre des murs de justice.
Il ne viendra à l’esprit de personne que s’il avait été innocent, il aurait été comme enragé et aurait remué ciel et terre pour exiger de ses avocats qu’ils trouvent un vice de procédure afin d’être rejugé. Ce qu’il ne fera certainement pas.
Eh bien ! c’est cette vie après la prison qui pourrait inquiéter celles et ceux qui croiseront son chemin.
La gravité des événements, la multitude des coups de couteaux, le fait d’avoir dénudé à moitié sa sœur pour faire croire à un viol, tout enfin fait penser que cet homme est dangereux et le restera même après avoir purgé sa peine.
L’opinion est quand même étrange. Tout le monde s’accorderait à dire que Dutroux est inamendable et qu’il serait impensable de le voir recouvrer la liberté, même sa compagne – qui est pourtant libérable – ne le sera pas et tirera le maximum, parce que dans l’opinion il y a une échelle de l’horreur dans le crime et que ces deux là sont au sommet.
Or Dutroux est amoral, dangereux, certes, mais moins que Storme, puisque la criminalité du premier est liée à sa sexualité et que cela se soigne. Si l’on considère Storme sur le même plan que Dutroux, la différence est de taille. Sorme est inamendable et inguérissable. Il n’a ni pulsion sexuelle, ni besoin de l’exprimer. C’est un assassin froid et calculateur, glorieux de son « ça » et niant son « surmoi ».

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La justice ne s’est pas contentée de ridiculiser les psychiatres, elle est tombée dans le panneau de la jeunesse qui pète un plomb, et d’une vie toujours possible après par l’expiation.
C’est une erreur. La sauvegarde de la société exigeait l’internement de Storme et qu’on n’entende plus jamais parler de lui.
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1. Minutes de la Société psychologique de Vienne, T. II, p. 26, in connaissance de l’inconscient, Editions Gallimard, 1978.
2.Condamné à 312 mois de prison. Libérable au tiers de la peine, cela fait 104 mois. Il en a fait 40 de préventive; restent, donc, 64 mois.

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