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Une affaire entendue

Soixante ans, une vie d’homme, c’est à peu près le temps qu’il a fallu au capitalisme pour débuter et terminer deux périodes bien distinctes de son évolution.
De 1950 à 1980, (les économistes ne se sont pas accordés sur les dates), les Trente glorieuses ainsi appelées, le monde occidental vécut une montée en pouvoir et en puissance du système économique. L’euphorie des résultats financiers, des améliorations sociales et le niveau de vie satisfirent les masses. Le PS belge se moqua des sceptiques et fut sans pitié avec les résistants, tandis qu’il plaçait ses hommes parmi les cadres de la FGTB, afin de mieux veiller à sanctionner ceux qui ne voulaient pas rentrer dans les rangs. Partout, en Europe, les partis de gauche se proclamèrent libéraux, répudièrent ce qui avait fait leur succès : la lutte des classes. L’antagonisme datant du XIXme siècle entre les travailleurs et les détenteurs des capitaux, disparut des thèmes des meetings et de la propagande des syndicats et des partis. La gauche collaborera aux réformes, s’adjugera avec les syndicats un pouvoir modérateur entre les exigences ouvrières et les atermoiements patronaux.
1980 jusqu’à 2010, les mêmes protagonistes réconciliés vivent un drame, une lente et inéluctable régression des travailleurs et une prospérité sans égale des riches, tandis que la classe moyenne classique disparaît et rejoint les salaires planchers, une classe moyenne politique émerge.
Le capitalisme se transforme, se mondialise. La gauche ne comprend pas ce qu’il lui arrive et, toujours collaborant, fait mine de combattre une perte constante de substance, chômage, salaire, pension, en même temps que se détricote l’Etat providence. Cela en connaissance de cause du PS, dans l’espoir fol de voir un redémarrage de l’économie, avec un discours où perce la nostalgie des Trente glorieuses.
C’est comme un ballon libre qui perd de l’altitude, on a beau le délester des sacs de sable qui l’alourdissent, il ne remonte pas, le gaz de l’enveloppe semble s’évaporer.
Entretemps et bien avant 2010, la gauche a délaissé ce dont elle pouvait se prévaloir trente ans auparavant : défense de l’emploi et justice sociale, pour avoir toutes les chances d’un redressement en se soumettant aux nécessités capitalistes de l’heure, et en obéissant au diktat des marchés.
Avec un peu plus de lucidité, les PS européens et parmi ceux-ci le PS belge aux premières loges (sic), il était possible de rompre les ponts avec un libéralisme qui prenait déjà la forme qu’il a à présent… dès 2005 ! Il aurait fallu s’opposer au Traité européen trop libéral. C’était facile, il n’y avait qu’à faire le bilan social de l’Europe et prévoir ce qui en découlerait. Au lieu de quoi, hanté par l’idée qu’il ne peut plus reculer, le PS s’est tellement imbriqué dans la collaboration avec la droite capitaliste, qu’il faut y regarder à deux fois avant de l’en distinguer. La crise de 2008 n’a rien arrangé, au contraire. C’est à la vie à la mort que le PS s’est engagé dans le libéralisme. Il y a de forte chance qu’on s’aventure du côté de la mort, plutôt que du côté de la vie.
Comme le dit Jacques Généreux, cofondateur en France du Parti de gauche avec Mélenchon , « Pour moi, comme pour tous ceux qui se refusent à confondre fatalisme et réalisme, la politique ne consiste pas à s’adapter au monde, mais à le transformer. »
C’est cette volonté de transformation qui n’existe plus dans le PS sclérosé et vieilli que Di Rupo lèguera à son successeur.

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Avec cette circonstance aggravante que nous manquons en Belgique d’une autre gauche, capable de réfléchir à la transformation qui s’opère sous nos yeux, dans un monde qui nous conduit de degré en degré – si nous n’y prenons garde - à une régression générale, dont on n’a pas encore pris la mesure.
L’individualisation est le mot clé dans le discours dominant. Son chant des sirènes a permis de réduire les acquis des travailleurs, depuis la fin d’une forme pragmatique de holisme, abandonnée comme relevant d’une vie communautaire chargée des besoins, trop proche du système communiste.
La politique contractuelle devient un marché de dupes, attendu qu’il faut être au moins deux pour mettre sur pied un contrat, ce qui n’est plus le cas, avec un capitalisme fantôme et mondialisé. Alors apparaît en filigrane tout ce qui a été détricoté de l’Etat, et ce qui pourrait l’être encore en suivant un programme du genre de celui de la N-VA ! .
On a déjà une idée pour la décennie suivante de la manière dont le PS évoluera.
Ce sera une sorte d’aquoibonisme politique, comme on suit un corbillard et que l’on se dit qu’il n’y a plus rien à faire pour que l’homme qui est dans la caisse n’y soit pas. Toute la science des dirigeants consistera à ralentir le pas du cheval pour qu’on descende le corps dans le trou le plus tard possible.
C’est ainsi que l’on voit le PS prêt à collaborer avec une droite flamingante, profitant de la pause d’entre deux crises pour essayer de faire croire qu’il a encore une politique ; mais, finalement donnant son aval à toute aventure droitière classique.

Commentaires

Je partage votre synthèse sur le PS, parti dont j'ai fait partie pendant de nombreuses années et que j'ai résolument abandonné pour les raisons que vous évoqués.En Belgique il n'y a pas Melenchon ni Besancenot, mais il y le PTB+ et des radicaux de gauche que certains syndicalistes de la FGTB soutiennent et y adhèrent même(Chez INBEV).Les travailleurs commencent seulement à comprendre que c'est ceux-là qui peuvent encore les soutenir, mais est-il trop tard?? Espérons que non..

La gauche est aphone devant les nouveaux défis sociétaux, environnementaux et autres. Elle est toujours "productiviste" (et donc suiviste) en ce sens qu'elle est favorable à la croissance dont elle espère que les miettes retomberont sur les "travailleurs". Elle est donc le commensal du capitalisme comme le poisson remora est le commensal du requin. Bref, elle est ringarde et en retard d'une guerre. Mais c'est aussi la rançon de la "démocratie" (mot tabou qu'il est obligatoire d'adorer) en vertu de laquelle il faut,pour accéder au pouvoir, séduire une masse d'ignorants en leur faisant croire qu'ils ont le pouvoir d'orienter la marche de la société.

Voilà sans doute un excellent point de vue belgo-belge, à la limite européano-occidental, c'est à dire impérialiste, capitaliste sur le déclin.
Que pensez-vous de la Chine, de l'Inde et du Brésil ?
Il y avait là un retard et un chômage énorme. Mais nous nous en foutons royalement (car nous étions les rois , nous les 3 millions de petits wallons) qu'il y ait maintenant 20 millions de pauvres en moins au Brésil et que dire de la Chine ? Ce qui compte pour nous qui étions les plus riches (sans savoir pouruoi?) c'est que nous devions accepter le risque de ne plus l'être et de perdre quelques plumes. Ce qui nous inquiète, c'est de devoir changer quelque peu notre mode de vie et de mettre de côté certains de nos "droits acquis"..

Que je sache, la nouvelle pauvreté du travailleur belge n'est pas à l'origine du décollage de l'économie brésilienne et des progrès économiques de sa population. Nous régressons parce qu'il n'y a plus de solidarité de classe entre les travailleurs, ce qu'ont bien compris les riches qui forment en Europe une classe sociale homogène et agissante en pesant sur tous les leviers de la vie sociale, gangrenant la politique, corrompant la justice et maîtrisant l'opinion par les médias, s'adjugeant au passage tous les leviers de commande de la démocratie par le maquereautage du suiffrage universel et de la démocratie !

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