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Franck Lepage.

Voilà longtemps que Ruquier ne me fait plus rire.
Y-a-t-il eu même un jour ? Sans doute, dans certaines occasions, quand on n’a pas envie de se prendre la tête, entraîné par un public facile et les circonstances qui s’y prêtent ? Oui, peut-être !
Philippe Bouvard avait déjà vidé les salles avec la vache suisse qui rit quand on la retourne, du temps de la boîte à coucou de Johnny Hallyday sur canal +, encore que parmi ceux qui jouaient à faire l’imbécile sur RTL, on relevait un Jean Dutourd fort érudit et quelques comiques à la pointe acérée, comme Jean Yanne, Jacques Martin et parfois, Olivier de Kersauson.
Reparti pour une nouvelle saison, Laurent Ruquier bat le rappel des clowns médiatisés et adjoint à sa fine équipe des petits nouveaux, afin de remplacer Zemmour et Naulleau, marqués à la culotte par les Ligues, n’ont pas qu’ils aient la dent dure, mais parce que leur « comique » pouvait passer pour appuyer trop lourdement un certain racisme.
On remarquera que dans une salle, il y a des rires de toutes sortes qui partent plus ou moins en même temps. La forme pathologique : le fou rire annonciateur d’un prodrome, associé à des syndromes neuropsychiatriques, après des lésions de l'hypothalamus, peut se déclencher à la même vanne qu’un rire jaune de complaisance, histoire de ne pas se faire remarquer quand tout le monde se fend la poire, qu’on a plutôt envie de faire la gueule.
Le rire enregistré utilisé, pour déclencher le rire en salle, m’a toujours agacé, parce qu’il est l’illustration d’une manipulation.
Laurent Ruquier passé maître dans l’art de remplacer le rire enregistré par le sien, a un gloussement qui fait office de déclencheur, que les chroniqueurs se le tiennent pour dit.
Plus responsable est le comique seul en scène. Ça passe ou ça craque. Ruquier peut toujours se replier derrière la connerie d’un de ses chroniqueurs, ce dont il ne se prive pas quand le pétard est mouillé, quand, au contraire, le trait est de bonne qualité, Ruquier fait en sorte de tirer à lui la couverture, en y ajoutant un petit commentaire, sommant le public de croire que c’est grâce à lui qu’on rit.
Le comique seul en scène est un genre qui eut son heure de gloire avec les Devos, Bedos et Desproges. Les quelques petits derniers ont cru renouveler le genre en y apportant une grossièreté qui n’existait pas trop auparavant, si l’on excepte Coluche, mais qui lui, génie absolu, pouvait tout dire.
J’ai vu un show man qui vaut ceux du passé et est certainement supérieur à tout ce que l’on voit à Paris et en province : c’est Franck Lepage.

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Lui ne gâche pas le métier, il le prolonge en partant des plus grands.
La différence avec les artistes d’aujourd’hui, c’est qu’il ose faire rire et en même temps faire réfléchir sur des problèmes aussi sérieux que les pensions, le capitalisme, sans s’attaquer aux personnes en recueillant des rires faciles sur leurs travers en écho à des faits-divers. Il reprend les copies de journalistes, ridiculise les prophéties des économistes, démonte la langue de bois de la propagande officielle.
C’est bien fait. On rit et on s’instruit.
C’est trop drôle, trop bien fait ; deux raison pour lesquelles Franck Lepage n’ira jamais à la télévision et restera longtemps incompatible avec les émissions de Ruquier.
Comme quoi, ceux qui décident pour nous, ont estimé que cet humoriste constituait un danger pour la société. C’est tout à son honneur.
Il fera donc son travail dans les Maisons de la culture qui voudront bien de lui et dans quelques salles moins scotchées au pouvoir. C’est un bon public, peut-être le meilleur.
J’aurais peut-être mieux fait de le laisser se présenter lui-même.
« Avant, j’étais prophète... Prophète salarié. Mon travail consistait à dire la vérité. (La vérité officielle). Et puis un jour, je me suis mis à mentir, et ils ont adoré. On me faisait venir de plus en plus souvent. On me disait que cela mettait de l’animation et de la démocratie. Quand ils ont trouvé que j’allais trop loin, ils m’ont viré. Depuis, je suis clown... Clown-consultant ».
S’il passe à proximité de chez vous, allez donc le voir.

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