« Le binôme | Accueil | Panique place Saint-Lambert… »

L’Etat procédurier.

C’est bizarre, mais j’ai eu la sensation en écrivant l’article précédent, que je touchais à quelque chose dont personne ne parle et qui, pourtant, a une importance considérable dans la gestion du pays.
C’est l’exceptionnelle densité d’avocats, de docteurs en droit et diverses autres spécialités, constitutionnalistes, sciences politiques et autres élucubrant, dans les sphères dirigeantes politiques.
J’entends certains s’écrier « Qu’est-ce qu’il a contre les avocats ? Il aurait raté sa deuxième année de droit comme Flaubert, que ça ne m’étonnerait pas ! ».
Non, mille fois non, je n’ai rien contre ces professions nécessaires à l’appareil de la justice. Certains avocats traînent la savate, finissent par entrer dans un bureau comme conseiller juridique, comme d’autres vivent de peu nourris par le pro deo. Certains sont même de très braves types, avec lesquels on aimerait plaisanter et faire un bout de chemin.
Cependant, le fait est là. Des travées de la chambre des représentants et du sénat, aux sièges des ministres, la représentation du citoyen est quasiment complète par cette seule corporation et ses annexes.
Cela ne pourra qu’empirer à l’avenir, tant les réserves sont pleines de postulants dans les partis, dans les Loges et dans les hauts emplois des ministères de cette catégorie professionnelle bien particulière.
Comme cette corporation est chicanière et que par principe, elle veut toujours avoir raison (ce qui colle bien avec la fonction de député ou de ministre), nous ne sommes pas sortis des discussions « par principe » qui s’éternisent et desquelles rien de concret ne sort. On se demande même si les 541 jours qu’il a fallu pour sortir de la crise politique ne sont pas en partie imputables à l’art de couper les cheveux en quatre des Chicaneau modernes, attablés comme à la cour d’appel, dans une avalanche de plaidoyers, devant un formateur atterré, puisqu’il était presque le seul à ne pas en être.
Outre qu’il était indécent de faire de l’humour autour du poids de Maggie DE BLOCK Secrétaire d'Etat à l'Asile, à l'Immigration et à l'Intégration sociale, adjointe à la Ministre de la Justice, on a oublié qu’elle n’était pas avocate, mais médecin, ce qui va donner à la ministre de la justice l’atout considérable de l’avis d’une personne qui n’est pas de la maison de Thémis et qui, pour lors, sait ce qui se passe ailleurs.
C’est qu’on étouffe dans ce vaste prétoire qu’est devenu le siège du gouvernement. Les débats s’y déroulent comme sur les estrades de l’actualité.
La carrure de tous ces avocats qui coupent sans cesse leurs interlocuteurs, qui méprisent visiblement ceux qui n’ont pas leur dialectique, ni la maîtrise de la langue (encore que chez certains – ne parlons pas des avocats flamands – on se demande…), trop exposée aux étranges lucarnes devient surfaite, abusive, incommodante.
A chaque fois que l’un d’entre eux s’exprime, on croirait qu’il répond à la question qui n’a pas encore été posée, pour éviter justement de répondre à la question qui l’est !
On est presque certain qu’il ne sortira pas grand-chose des 185 pages du programme de gouvernement applicables sur les deux années et demie de législature qui restent.
On ne peut pas dire que le pays va mal par la faute des avocats. Cependant, ils sont aux commandes en si grand nombre, qu’ils doivent bien avoir une large part de responsabilités dans la dégradation du social, dans les dettes considérables de l’Etat, dans les erreurs qui ont été commises.
Avant, le vote censitaire tenait en respect le peuple dont « l’élite » se méfiait. Le suffrage universel étant la nouvelle donne, ces messieurs ont trouvé la barrière des diplômes pour en faire office.
Préférant un avocat à un plombier-zingueur, un typographe ou un bon architecte, l’Etat se prive de jugements aussi, sinon plus judicieux, que la classe de mirliflores qu’il affectionne. Et surtout la Nation n’est plus réellement représentée par un ensemble varié de citoyens.
Comme les choses vont, bientôt le public médusé ne pourra même plus être l’arbitre des gens qui prennent des décisions à sa place. Les avocats pressés de troquer des arrhes problématiques contre un traitement de député y pourvoiront. Ils seront partie civile et défenseurs du prévenu, en même temps.

77cc00.jpg

A en juger par les résultats peu avouables, l’intelligence de la plupart n’est pas leur fort. Ce qui ne veut pas dire que la Faculté de droit ne sert à rien, mais elle ne peut servir à tout.
La façon dont André Flahaut a répondu à une pauvre femme ce dimanche sur RTL à Controverse est le signe d’un départ du genre « la croisière s’amuse » de ces messieurs-dames du barreau, faisant des petits signes d’au-revoir ironiques, aux pauvres innocents restés sur le wharf. Il était bien peu question de la fibre socialiste du licencié en science politique et administrative du camarade Flahaut, à ce moment-là. C’était au contraire le défenseur d’une coterie tout parti.
C’est ainsi que les choses vont aujourd’hui. Il n’en sera pas toujours de la sorte. On ne maîtrise plus grand-chose quand tout bascule. Qui ne voit que ça oscille déjà ?

Poster un commentaire