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Au plaisir des familles.

La télévision a pris un méchant pli ces dernières années, qu’il sera difficile de rattraper. Les jeux, les concours, les affrontements des concurrents pour des récompenses diverses, d’argent surtout, ont littéralement envahi cette redoutable machine « à plaisir ».
La compétition, moteur capital de la société de consommation, a fini par atteindre les mœurs. L’homme moderne est devenu une bête à concours. Ceux qui n’ont pas la baraka auraient mieux fait de ne pas être nés !
Un îlot d’excentriques persiste. Ils se demandent l’intérêt de courir plus vite que son voisin, d’afficher qu’on est descendu en solo et les yeux bandés, les rapides d’un fleuve impétueux, qu’on a cassé la jambe d’un équipier d’en face, pour un ballon, ou donné les bonnes réponses, sauf la dernière, au jeu des mille euros, si bien qu’on est gros-jean ?
Dans ce système, pas que les banques qui jouent au casino. C’est le règne de la compétition par le jeu. Il a pour but de faire émerger des champions capables de conduire les perdants au travail de Sisyphe.
On y établit le triomphe de la reconnaissance des fausses valeurs. Ce ne sont pas les meilleurs qui réussissent, mais les pires !
Qu’importe, on voit bien que le but de la télévision n’est pas le progrès, mais d’amuser le bon peuple, pendant qu’on lui fait les poches.
Et si encore ce n’était que la télévision qui refléterait une « sale » manie, comme pour en dénoncer les travers ; mais c’est l’ensemble des Arts qui en est saisi : théâtre, chanson, écriture. On en est à la consécration d’une peinture enduite des excréments de l’artiste ! Des gens qui s’arrogent le droit de désigner, grâce à on ne sait quelle notoriété, les petits mérites des autres, distribuent César, Oscar, Nobel, Premier Prix et Second, comme si ce qu’ils sont dans le paraître justifiait tout.
Les cuisiniers, comme jadis Vatel, se passeraient une épée à travers le corps, s’ils perdaient une étoile au guide Michelin. On classe les universités, et les prix Nobel comme des lépidoptères. Le triomphe, c’est la taxinomie qui fait plier les Etats devant les agences de notation.
La télévision n’est pas responsable du déplacement des lignes de cette société à elle seule, mais en collant à la tendance, elle contribue à la rapidité de la propagation de l’épidémie.
C’est elle qui a rendez-vous tous les soirs dans les chaumières avec un public, dont c’est la principale source de plaisir et de culture.

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C’est comme si l’homme moderne désormais né pressé, n’avait plus le temps de juger des choses et des gens et s’en remettait aux étranges lucarnes afin qu’elles réfléchissent pour lui.
Rien n’est pire à l’esprit des temps, que l’homme contemplatif, volontiers rôdeur, musardant, réfléchissant, et critiquant ce qui est critiquable. La compétition n’est pas pour lui. Il partage cette dernière liberté avec le riche. Le riche est autonome. Il est hors catégorie. Il plane. Il est au-dessus. C’est lui l’examinateur, tant pis s’il ne sait pas lire, le comptable du temps des autres, même s’il ne sait pas compter, le critique de la plus belle chute de rein, même s’il ne bande plus, le plus fin amateur et dégustateur qualifié des meilleurs vins, même s’il a un ulcère à l’estomac. Il reçoit les confidences des Grands comme celle des Petits. Les chefs viennent faire rapport. Il joue avec le destin des autres. Il place ses amis et ses catins, là où la compétition est la plus vive, si telle est son intention. Par le fait du prince et la puissance du possédant, il organise sa vie et celle des autres.
Rien ne pourra diminuer la grandeur du déni de cet athlète particulier de la société moderne.
Au bout du compte, l’imposture de l’argent se voit comme un chancre au milieu de la figure.
Elle est hors compétition.
C’est celle qu’on applaudit le plus.

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