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Fichus et contents !

Sarkozy ou Hollande, mieux vaut le second que le premier. Du point de vue qualitatif, on est d’accord.
Mais le socialiste français réussira-t-il à sortir la démocratie du mauvais chemin dans lequel son système économique l’égare ?
Je suis pessimiste et j’ai tendance à croire que non.
Sous prétexte que nous sommes dans « une guerre économique » avec le reste du monde, le gratin officiel ne cesse de vanter les vertus de la croissance et de l’hyperflexibilité, alors que ces deux objectifs sont avant tout les instruments d’une autre forme de domination, succédant au « tout baigne » des Trente Glorieuses.
En réalité, la « guerre économique » n’est rien d’autre qu’une mystification qui cache la construction d’un imaginaire social afin que le management soit une technique de pouvoir incontournable.
« La société s’organise désormais selon des modèles managériaux (1).
L’idéologie gestionnaire met en place un projet de domination et de surveillance. Ce que Bourdieu appelle « un monstre anthropologique habité par une supposée rationalité qui ramène tous les problèmes de l’existence à un calcul. » (2)
La société se laisse entraîner par l’obsession de la rentabilité.
La politique qui aurait dû mettre en garde les citoyens contre cette dérive qui va contre l’esprit d’une démocratie au service du plus grand nombre, s’est au contraire convertie à la vision de la gestion capitaliste, au point de faire sienne les recommandations des managers.
Cette gestion détruit ce qu’elle produit par le besoin de produire autre chose, dans de telles conditions que le stress et la souffrance au travail se banalisent.
Nous faisons notre métier plaident les managers. C’est ainsi que "n’ayant pas le choix", ils légitiment la régression sociale, comme l’outil nécessaire d’un redressement, dont on se demande ce qu’il redresse, et s’il y a lieu de décrire comme tel, la course au rendement.
L’idée du travail, fait place à celle de la rentabilité.
Quoique les syndicats dénoncent le procédé, chacun joue néanmoins le jeu de la « guerre économique ».
« La valeur du travail s’étant effacée devant l’impératif de rentabilité, l’idée même d’émancipation par le travail n’a plus de sens » (3)
Afin de ne pas être ostracisé par une « résistance », le travailleur pris au piège, ne réfléchit plus, ne se réforme plus, par crainte de perturber la productivité.
Devant l’injonction managériale, il ne peut recevoir l’aide de la démocratie qui prend le parti du management, ni des syndicats, trop enclins à jouer le rôle de conciliateur.
Le déséquilibre entre la logique du profit d’une part et, d’autre part, le respect des personnes dans les garanties d’un contrat à durée indéterminée, favorise l’abstraction et défavorise l’humain.

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Les logiques financières deviennent les logiques dominantes. Elles imposent leur point de vue aux travailleurs, parce que les partis politiques de pouvoir se sont rangés derrière ces logiques au détriment des intérêts de leurs électeurs.
L’articulation entre les forces en présence s’est pervertie et le travail est devenu l’impact néfaste qui perturbe désormais le travailleur dans son identité.
Le travail n’est plus indissociable de la construction d’un âge adulte réfléchi. Il en est même le facteur le plus hostile. Comment travailler à son épanouissement quand on est constamment bousculé par les méthodes employées pour le rendement maximum ? Quand l’apprentissage d’un métier a une plus grande durée, que l’exercice de ce métier lui-même ?
On a oublié qu’il faut autant de temps pour former un ajusteur ou un maçon, qu’un ingénieur !
L’inflation de la pression a des effets pervers multiples. Nous sommes entrés dans l’ère de l’hyperfonctionnement. (4)
L’effacement du rôle de la démocratie dans ce processus, fait craindre qu’il soit impossible de sortir d’une paupérisation qu’une telle politique économique installe.
Le plus accablant est encore de voir les citoyens majoritairement convaincus de la prédominance managériale de l’économie sur tout autre pouvoir. La situation est trop dégradée pour qu’on puisse sortir autrement qu’accablés, du rôle néfaste joué par la social-démocratie dans l’asservissement général.
Quand le système économique aura vaincu les résistances, il n’y aura plus personne pour l’applaudir. L’émeute aura gagné les villes. Les asiles d’aliénés afficheront complet..
Les dispositions prises par Milquet pour assurer la sécurité des citoyens auront été inutiles et auront disparus depuis longtemps. Hollande ne sera plus qu’un souvenir.
Le temps au cours duquel on aurait pu réparer ou reconstruire démocratie et économie ne sera plus qu’un souvenir.
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1. Vincent de Gaulejac. La Société malade de la gestion. Paris, Le Seuil, 2005.
2. P. Bourdieu, Les Structures sociales de l’économie, Le Seuil.
3. Cynthia Fleury, Les pathologies de la démocratie, Livre de Poche, Fayard.
4. Nicole Aubert, « L’intensité de soi » Edit. Erès. 2004.

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