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Longue vie aux chômeurs !

Du bistrot où l’on cause, au salon dans lequel Sabine Laruelle reçoit, il y a quasiment unanimité : le chômeur, c’est la plaie des temps modernes.
Sauf dans les familles touchées, l’opinion condamne celui qui ne travaille pas. Entendons par là, qui émarge au budget de l’Etat, modestement, en indemnités de remplacement d’un travail qu’il a perdu. Parce que, s’il fallait ostraciser tous les oisifs, il y aurait du monde !
Il n’est pas rare de rencontrer dans les milieux réactionnaires les plus en pointes, au MR de Charles et Didier à la FEB, des – appelons-les par l’épithète qu’ils méritent – énergumènes qui disent sérieusement que si nous ne sortons pas de la crise, c’est à cause des chômeurs !
La meilleure profession, disait Socrate, est le désœuvrement.
Ce n’est plus le cas de notre Société qui, sous la pression d’une « morale » anglo-saxonne, a fait du travail la pierre angulaire du destin des hommes.
Le procès que l’on fait aux « paresseux » subventionnés par l’Etat, est un faux procès, pour une multitude de raisons qu’il est impossible de classer par ordre d’importance, comme nous le fait comprendre Patrick Tort, dans son essai « La raison classificatoire ».
Pour ma part, j’en retiendrai quelques-unes qui ne sont, certes pas, parmi les essentielles, mais qui tiennent à l’incroyable naïveté populaire à avaler toutes les couleuvres lancées par de plus grands oisifs encore, qui nous font croire qu’eux travaillent dur pour la gloire de la Belgique, et je ne sais quoi encore…
Je veux parler du chômeur systématique, qui perçoit ses faibles allocations dans la ferme intention de ne plus jamais remettre un pied dans une usine. Tout autre confrère de misère n’est qu’un laissé pour compte de la société de consommation et qui risque une dépression nerveuse, tant il vit dans la honte d’être sans travail.
Je ne suis pas loin de penser que cette fronde du chômeur systématique réunit les derniers héros des temps modernes.
Certes il faut retrancher de ces héros, l’infâme catégorie des profiteurs égoïstes et qui, à défaut d’être rentier, fils de riche ou ministre, ont fait de l’ennui, un culte chéri et qu’à part une bière et une cigarette, ne demandent rien de plus à la vie, ou plus ignobles encore, ceux qui ont un boulot et qui cumulent avec l’allocation.
Cette passivité ou cette roublardise n’est pas une philosophie : c’est un délitement de riches qui n’ont pas réussi.

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Ils ne sont pas loin de penser, ce que Michel et Reynders pensent de leur état de chômeur.
Quant aux autres, je dis chapeau ! J’en salue même plus particulièrement ceux qui ont à leur actif vingt, voire trente années d’inactivité constructive.
Ils ont résisté aux bobards, à la tentation de rentrer dans le troupeau. Ils ont surtout fait preuve d’intelligence et ont répondu par la ruse, à la ruse des autorités.
Ils ont compris qu’on ne pouvait pas se réaliser à travailler de la manière dont on travaille aujourd’hui. Et qu’il valait mieux souffrir un peu de la faim et raser les murs sous les quolibets de la bêtise humaine, plutôt que de glander toute une vie à un travail imbécile qui nourrit de moins en moins son homme, tout en l’abrutissant.
Ils sont les seuls vrais résistants de cette société méprisable. Le ragout est dans le fait qu’ils se savent mépriser par ceux qu’ils méprisent et qu’ils contribuent par leur non activité, à opposer une sorte de passivité constructive à ce qu’ils veulent déconstruire.
Un chômeur conscient pose un geste hostile. Il accable l’Etat de son refus d’adhérer à la masse servile. Il pose sa pierre au bord du chemin et dit : Portez-là vous-même ! Il en paie le prix. Et il accepte d’autant de le payer, qu’il sent les coups qu’il porte au système.
Il y a plus de vertu dans le petit doigt d’un chômeur de cette trempe, que dans l’ensemble des planqués qui jouent à se faire peur, en faisant peur aux autres.
Oui, le chômeur est un danger pour eux.
La seule manière qu’ils ont de le combattre, c’est de lui supprimer le droit à ne rien faire.
Mais comment ? Un homme qui a faim peut devenir une bête fauve. L’excès de sévérité à l’encontre des chômeurs peut se retourner contre ceux qui excitent la population dans ce sens !
Les autres, les grands oisifs, en plus de ne rien faire, ont la facilité d’accomplir leur destin à l’aide de moyens matériels, c’est d’autant plus curieux que les foules admirent ces grands spoliateurs, les jalousent sans établir un lien, entre eux et les chômeurs.
Pourtant, comme dirait Beaumarchais, il faut beaucoup plus d’industrie à un petit oisif pour exister cinq minutes, qu’un grand oisif en dix ans !
Je croyais que le progrès dans cette société consistait à travailler de moins en moins et à s’occuper, de plus en plus, de choses sérieuses comme les arts, les lectures, les siestes, les connaissances, même celles qui le sont moins, comme les sports et la pétanque. Il faut croire que je me trompais.
C’est pourtant ce qu’on nous a dit en 1945, quand les grands oisifs avaient la trouille de Staline. Restez avec nous, voyons, nous assurerons votre bonheur ! Tu parles !...
Aussi suis-je entre deux idées, celle de m’insurger quand les grands oisifs retirent le pain de la bouche des petits oisifs, et une autre, qu’ainsi en poussant les chômeurs à leur dernière extrémité, les grands oisifs n’aient à le regretter amèrement.
A ce stade ultime de ma chronique, vous seriez en droit de me demander, cher lecteur, si je ne défends pas un état dans lequel je me prélasse, avec la satisfaction du non-devoir accompli ?
Hélas ! je n’ai ni le courage du chômeur conscient d’accomplir une démarche révolutionnaire, ni l’impudeur du riche oisif.
Je suis, parmi des millions d’autres, l’observateur passif du drame d’une société sans valeur morale et qui se permet d’en faire !

Commentaires

Le cher lecteur reste sur sa faim, il ne sait toujours pas qui se cache derrière Richard, un chômeur, sûrement pas, un riche oisif, non plus, mais un "parvenu" par son intelligence, par sa lucidité,par sa capacité a "sonder" la société dans laquelle il évolue tant bien que mal....

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