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L’huile sur le feu.

Sénèque : « La véritable liberté consiste à ne pas craindre ni les hommes, ni les dieux ». Nous assistons avec l’affaire des caricatures au dégonflage de la presse belge. Elle donne l’impression de craindre aujourd’hui et les hommes et les dieux.
Quand on défend la liberté d’expression, on défend aussi la liberté de conscience. L’une ne va pas sans l’autre. Le plus étonnant dans l’affaire des caricatures de Charlie Hebdo, c’est la grande prudence de la presse.
Enfin, voilà un lieu où il faudrait - plus que tous les autres - parler haut et fort pour défendre le droit à publier, sans restriction aucune, le produit d’une réflexion par la plume ou le crayon, à condition que l’auteur assume la paternité de ses actes. Ce qui a été fait, assez crânement, chez le caricaturiste. Au lieu de quoi, on ergote, on feint de défendre le droit à la publication, tandis que l’on parsème le discours de beaucoup de « mais ».
Que la Libre, le Soir, la Dernière heure ne trouvent pas drôles des caricatures, un peu lourdingues et pas très réussies, c’est leur droit ; mais, s’ils sont conséquents avec eux-mêmes, ils n’ont pas le droit de « regretter » qu’elles aient été publiées à un moment délicat de tension entre les communautés, etc. donnant ainsi aux adversaires de la liberté d’expression, le sentiment que l’on peut intimider le monde occidental.
Au contraire, les journaux auraient dû démontrer par leur unanimité qu’en Belgique et partout en Europe, on peut faire bloc pour la défense d’un droit.
Et ça, ils ne l’ont pas compris. Dès lors, les intégristes auront beau jeu exercer dans la rue une pression de plus en plus exigeante pour que cesse une liberté qu’ils ne comprennent pas et qui n’entre pas dans leurs mœurs et coutumes religieuses !
Ce qui importe, c’est défendre un droit. La prudence des gazettes n’augure rien de bon pour l’avenir en soutenant mollement un confrère. Le jour où cela sera nécessaire, la presse-croupion risque de ne trouver personne..
François Mauriac qui n’est quand même pas suspecté de gauchisme a écrit « Je doute s’il existe pour la presse un crime d’indiscrétion. Mais il existe un crime de silence ».

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La liberté d'expression est une tradition laïque, républicaine et démocratique, qui a vu le jour vers la fin du 18ème siècle, en Europe occidentale principalement. Auparavant, une telle liberté était réservée aux autorités royales, seigneuriales ou religieuses, comme elle l’est toujours, peu ou prou, dans les pays musulmans, même si certains progrès ont été accomplis, et déjà pour certains d’entre eux menacés ou en voie d’abolition, comme en Tunisie et en Egypte, dont il faut souligner le courage des citoyennes laïques de ces pays.
Les Etats-Unis venaient de gagner leur liberté sur la couronne britannique et d'adopter leur propre constitution en 1776. Celle-ci a été amendée pour la première fois en 1789, et c'est ce First amendment qui garantit aux citoyens leur liberté d'expression : « Congress shall make no law...abridging the freedom of speech or of the press”.
Après avoir garanti la liberté de pensée et de croyance, la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen constate la liberté d'expression dans son article 11 : « tout citoyen peut...parler, écrire, imprimer librement ».
Depuis, selon les pouvoirs et les Régimes, ces droits ont été supprimés, rétablis, etc… Aujourd’hui, ils existent et sont bien là. C’est ce que nous devons défendre.
Dimanche, c’était Caroline Fourest qu’on a empêchée de monter à la tribune. Dans la même semaine, on entend des voix de journalistes qui s’associent à celle de Laurent Fabius, et qui donnent des conseils de prudence et de retenue !
J’en connais même qui sous-entendant une possible exécution d’otages français au Mali, en représailles des caricatures, seraient capables d’en imputer la faute au dessinateur de la feuille humoristique.
Qu’on se méfie de ce siècle que notre société libérale a rendu veule. Quand les peuples cessent d’estimer, ils cessent d’obéir.

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