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On ne rit plus.

Avec la crise le monde politique s’abstient de plus en plus de rire d’un bon mot ou d’une situation cocasse.
Les politiques belges sont d’un sérieux à toute épreuve. Ils se surveillent trop pour se laisser aller à un trait d’esprit.
Pour impressionner le « client », il leur semble que c’est porteur d’avoir l’air grave de celui qui compatit aux difficultés que le peuple ressent. Le dernier des comiques a disparu : Michel Daerden devait sa popularité en grande partie à son intempérance réjouie. Après lui, l’assemblée fait sinistre.
Ce n’est même pas drôle de voir Alexandre-le-petit prêter serment et devenir ministre sans avoir été élu par d’autres personnes que son père.
Les Pieds Nickelés, héros de la bande dessinée préférée de JP Sartre, ont pourtant leur entrée à Laeken, comme rue de la Loi.
C’est difficile de plaisanter sur le chômage quand on gagne autour de 20.000 euros par mois d’indemnités diverses. Les lois contre le racisme et l’antisémitisme et l’espèce de peur montante de l’islamo-terrorisme sont de nature à bannir le bon mot au profit du politiquement correct. La langue de bois ne déride que par l’usage qu’en font les humoristes.
On oublie dans le milieu impitoyable de tueurs au sein des partis, que même au plus profond de la tragédie humaine, le rire a toujours aidé à vivre et même parfois à survivre.
C’est aussi une manière de faire assaut de modestie, car pour conserver la prétention de rire des autres, il faut d’abord savoir rire de soi-même.
Et c’est bien le drame de nos avocats-députés-ministres. Ils se prennent trop au sérieux et sont devenus tout à fait incapables de rire du reflet de leur image dans les miroirs des salons d’affaires, même s’ils se fendent la gueule en privé.
Il suffit de voir la petite mine fripée par le dépit de Joëlle Milquet, évincée de la Ville de Bruxelles, pour comprendre que l’humour est remis à plus tard. Encore que, involontairement, dans son accès de mauvaise humeur, elle s’est dite « sans ressentiment ». « Je ne suis pas revancharde, j’ai trop le sens de l’Etat ».
Elle est drôle sans le savoir et en même temps, ce qu’elle pense d’elle-même n’est pas rien.
Pourtant le rire permet d’amarrer les hommes politiques au « monde réel ». Nos personnages prioritaires dans les interviews politiques se prennent trop au sérieux. Le dimanche midi surtout à la Télé, ils font de plus en plus emmerdants. La mégalomanie d’un Delpérée ou d’un Wathelet plombe littéralement les débats.
Par contre, le rire est la seule arme dont disposent les sujets de leurs éminences. Nos parvenus oublient trop vite qui les ont élus. Il faut bien laisser aux électeurs, vite déçus après le vote, un moyen de démythifier les personnages qui vont se la péter pendant six ans en leurs noms. Le rire est le seul outil social permettant à la plupart des frustrés de se venger des hommes publics.

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Il n’y aurait pas plus désespérant qu’un débat politique, si l’on ne pouvait pas en rire. Tout esprit critique voit bien le décalage entre l’affichage du civisme des élus, de l’amour qu’ils ont du peuple, de la hauteur de vue qu’ils projettent sur l’Etat, et de la réalité de leur parcours, des ambitions qui les rongent, des calculs médiocres d’enrichissement, de l’ambition qui les tenaille et de ce qu’ils considèrent comme leur propriété : les mandats qu’ils confondent avec des professions.
Les « évincés » parlent de leurs mandats perdus, de la même manière que des travailleurs qui perdent leur emploi.
Cela frise l’indécence.
Philippe Moureaux, par exemple, aux propos jadis si cruels parfois pour les battus, a été véritablement atterrés et furieux d’être débarqué. Tout juste s’il ne portait pas plainte au tribunal du travail pour licenciement abusif. Cela dans une première interview. A la seconde, il avait réfléchi et il donnait l’image du grand philosophe qui relativise…
Avec humour, c’était le moment de demander à ses relations Nord-Africaines, l’emploi de Consul honoraire du Maroc à Molenbeek.
Le rire en Belgique a vu de meilleurs jours.
D’ici à ce que les battus s’inscrivent au chômage… comme Olivier Deleuze, il y a de cela quelques années.

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