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On se les Bugarach !...

Même s’il n’y a pas réciprocité, un laïque se doit de respecter les croyants, quelle que soit leur croyance. Ça ne va tout de même pas jusqu’à se priver de manger des pommes si le croyant est persuadé que les pommes sont le siège de dieu.
Le respect est avant tout moral. Si j’ai envie de manger une côte de porc en plein ramadan, je ne vois pas en quoi je froisse la susceptibilité d’un croyant, à partir du moment où je ne l’empêche pas de jeûner tant qu’il lui plaira.
C’est dire si j’ai accueilli avec le respect qu’il se doit la nouvelle selon laquelle la fin du monde est prévue le 21 décembre 2012, puisque certains sont persuadés que l’apocalypse c’est dans 30 jours, plus ou moins, selon le calendrier Maya.
J’écris plus ou moins parce que pour ceux qui en sont persuadés, cela n’a plus guère d’importance. Les autres, ils s’en foutent.
Au point où on en est, avec le gouvernement que l’on a, l’économie que l’on sait, l’annonce d’une apocalypse, une de plus, nous facilite l’existence en ce sens que, puisqu’elle est radicale, celle dont nous souffrons peut nous apparaître dérisoire.
Le monde a survécu à d’autres annonces d’apocalypses. Celle de l’an 1000 fut particulièrement sévère, dix ans plus tard on en parlait encore. Les gens se suicidèrent en masse. Le sommet de l’apocalypse de l’an mil fut l’an 999. La terreur du jugement dernier fit des ravages. Les mages et les prédicateurs firent des fortunes sur six mois de temps. Les plus avisés déguerpirent avant le 1er janvier 1000, les autres furent lapidés par leurs dupes, ce qui ajouta un dernier et sale quart d’heure à cette date charnière.
Où on a vu l’évolution des mœurs, c’est en l’an 2000. La terreur comme celle du moyen-âge ne fut le fait que d’une poignée d’irréductibles obnubilés par les chiffres ronds.
Aux dates particulières, des hommes y voient l’empreinte de dieu. Le 12 du 12 de l’an 12 on peut prédire un engouement des fanatiques du Loto !

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Je ne sais pas comment les calculateurs ont étudié le calendrier Maya pour décréter que le 21 décembre 2012 sera le commencement de la fin.
Pourquoi cette date, puisque nous sommes passés du calendrier julien au calendrier grégorien en 1582, si bien que la date fatale pourrait être le 20 ou le 22, à cause des années bissextiles. Et donc que ceux qui tremblent pour le 21, auraient plus de chance de trembler pendant les trois jours, pour être certains de ne pas rater la date fatale !
Le malheur, si on peut dire, c’est dans l’incantation que ça coince. On ne peut pas se précipiter aux abris le 21, puisque ce serait trop tard la messe serait dite, ou trop tôt, auquel cas, on pourrait en sortir au soir du 21 en pensant que les Mayas nous ont bien eus, alors qu’il fallait encore patienter un jour !
2012 a son lot d’illuminés graves. Il paraît qu’un village de l’Aude, Bugarach survivra tout seul et tout gaillard à la fin du monde. Ce ne sera pas la gloire pour ses 196 habitants qui vont se trouver rapidement sans vivres et sans électricité et qui en seront réduits à manger les racines des plantes de leur mythique montagne.
Bien entendu, les illuminés ne sont pas que des gens simples et sans ambition. Il s’y est glissé des riches égoïstes qui se sont tout de suite sentis Bugarachois. Aussi pour éviter la cohue dans cette région des Corbières, le préfet y a décrété le village interdit d’accès pour le 21 !
Les Cathares brûlés par le sinistre Raymond de Toulouse, non loin de là, seront ainsi privés des touristes en cars.
Dès lors qu’il y a événement, l'apocalypse relève du phénomène de société.
Un très sérieux spécialiste de Kant et de Paul Ricœur, Michaël Foessel, met l’apocalypse au rang envié de buzz, première catégorie : «Tout le monde est concerné, c'est un phénomène qui crée de l'égalité puisque par définition, personne ne peut y échapper… La fin du monde permet de rendre égale une expérience particulière: celle de la mort ».
Vu sous cet angle, on rit moins, puisque nous vivrons tous un jour dans les dernières secondes de notre existence, une apocalypse personnelle dont l’ampleur est telle, que nul n’en est jamais revenu !
Les illuminés rejoignent le héros de Pouchkine, Eugène Onéguine, mélange de spleen et de dégoût du siècle, qui défie la mort.
21 décembre ou pas, les autres, fous de jouissance éternelle, ne veulent surtout pas savoir qu’ils mourront un jour.

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