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Coups de feu à Tunis.

Les médias restent prudents dans les commentaires sur les événements de Tunisie. Ils attendent de voir vers quel côté le vent tournera. Ils savent que des religieux dans l’opposition renforcent le salafisme. Tandis qu’au pouvoir, ils ont trop affaire avec l’opposition intérieure des démocrates, pour rejoindre le camp des martyrs à l’explosif, que nous craignons tant.
Car nous les craignons et même les rigolos du carnaval d’Alost qui vont se promener en wagon plombé déguisé en SS, que ne poussent-ils la blague en se déguisant en djihadistes de Mokhtar Belmokhtar, montés sur un 4/4 tirant des confettis sur la foule ! Alors, oui, ça aurait de la gueule leur carnaval…
La transition du régime dictatorial de Ben Ali à la démocratie est loin de s’effectuer posément. Les pays du Maghreb sont en ébullition, la Tunisie n’est pas seule. Le Maroc et l’Algérie sont dans une situation stable d’un pouvoir fort non-élu démocratiquement, mais on ne peut jurer de rien à l’avenir.
C’est aujourd’hui la Tunisie qui s’embrase, dans les mêmes dispositions de méfiance du pouvoir que la foule du Caire ; mais à Alger et Casa, tout peut arriver aussi.
La révolution qui se voulait laïque au départ et qui avait été servie par des organisations politiques forgées dans la résistance au dictateur Ben Ali, s’est pratiquement vue frustrée de la victoire par les partis religieux qui se sont appuyés sur les petites villes et la campagne pour instaurer un régime qui s’inspire de la religion musulmane, et nie les droits de l’Homme.
L’assassinat mercredi matin de Chokri Belaid, leader du front populaire, replonge la Tunisie dans la violence..
Qu’importe de savoir qui est derrière cet assassinat, puisque la fureur populaire a désigné le gouvernement, et plus particulièrement le ministère de l'intérieur, Rached Ghannouchi (leader du parti Ennahda). D’une manière générale, le parti religieux Ennahda et la Ligue de Protection de la Révolution sont accusés d’avoir assassiné Lotfi Nagdh et sont responsables des violences contre les manifestations politiques pacifiques organisées par des partis d'opposition.
On peut même se demander si se sont eux qui ont commandité l’assassinat de Belaid, ce crime étant du point de vue politique un catalyseur des énergies de l’opposition, donc une grossière erreur.
Voilà plus de deux ans que les violences sont dénoncées en Tunisie par l’opinion publique, sans effet apparemment.
Quelqu’un qui doit se frotter les mains dans son exil doré, c’est Ben Ali. Sous son règne, les exécutions sommaires et les sévices corporels n’avaient lieu qu’en prison, loin de la place publique, d’où l’apparence paisible de la société civile de l’époque, constatée par tous les vacanciers européens qui ne voyaient pas plus loin que leurs Ray Ban !
Est-ce la dernière déclaration de Chokri Belaid sur un plateau de TV qui a déterminé le pouvoir à le supprimer "le parti islamiste Ennahda a donné son feu vert aux assassinats politiques" ? On peut supposer qu’étant déjà accusés du pire, les islamistes s’y sont crus « légitimement » obligés
Quand on entre dans un cycle de violences, il est difficile d’en sortir. On va probablement assister à une surenchère des partis et des opinions. C’est d’autant plus regrettable que la religion qui est derrière ce conflit, lorsqu’elle prêche pour la suprématie de la doctrine contre la laïcité, tombe dans l’intolérance et la radicalisation la plus détestable.
Derrière ces événements, dont la grève générale de ce jour, se profile la guerre civile, ce sommet de l’horreur, quand les éléments d’un peuple ne se supportent plus et en viennent à s’entrégorger.
On peut espérer qu’on n’en sera pas là demain en Tunisie.
L’Europe a l’expérience des guerres de religion entre catholiques et protestants. Le siècle dernier a vu la fin d’une hégémonie de l’Eglise. C’est finalement encore relativement récent, pour que nous n’ayons pas à faire la leçon aux autres.

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L’expérience nous montre l’abîme qui existe entre la doctrine et la pratique : la religion prêchant l’égalité, le partage, les secours aux pauvres et la réalité de ses dignitaires : faire alliance avec les droites, l’industrie et le commerce. Ajouter au poids du servage des peuples au pouvoir séculier, les contraintes et les bénéfices de la religion, ça fait beaucoup.
Vouloir que la place de la religion soit dans les consciences de chacun et PAS AILLEURS est un combat sans cesse recommencé, parce que la religion est aussi une industrie et que c’est un moyen de faire du fric sur les gens simples et crédules.
La Tunisie est au début de cette prise de conscience.
En Belgique, malgré l’expérience, les religions anciennes et les religions nouvelles continuent à ratisser large. Les gogos sont encore nombreux. De l’ancienne alliance du sabre et du goupillon, les banques sont invitées. Qu’un jour les travailleurs s’en aperçoivent et en un temps record, voilà la Belgique retour à la case départ, comme la Tunisie.

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