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Les chefs ne meurent jamais !

Il fut un temps où être parlementaire et éventuellement ministre n’était pas repris dans les métiers. C’était une vocation, celle de servir les gens, à défaut d’exprimer la chose par de grands mots comme « servir son pays », une forme de sacerdoce, comme les prêtres !
On pouvait partir de n’importe quelle condition et avoir exercé des professions diverses, quoique déjà bien avant la guerre de 14, la gauche comme la droite était surtout représentée par des citoyens au-dessus de la condition ouvrière, l’intelligence brute et intuitive n’étant plus de saison après 1831, étant entendu que pour les coups durs on voit surtout des ouvriers se retroussant les manches, catégories plus rares dans nos universités.
A noter que, de façon curieuse, ce ne sont pas les intellectuels qui sont les plus actifs dans des situations comme celles que nous traversons. L’intelligence du cœur, la volonté et parfois la rage font les réussites. Dans ce domaine, les manuels sont bien supérieurs aux intellectuels. Finalement, le progrès vient toujours d’en-dessous, quoique ce soit le dessus qui en profite.
L’handicap, ce sont les têtes de gondole, ceux qui sont payés pour réfléchir. La gauche est un grand corps malade de ses dirigeants, parti et syndicat.
Avant, on exerçait un ou deux mandats, rarement trois, bien que certaines exceptions défiaient déjà le temps (Camille Huysmans1871-1968, caméléon politique, soixante années de mandats divers).
Dès les années 50 à l’orée des 30 glorieuses, avec la mort lente du communisme et la naissance du concept de social-démocratie, le sacerdoce ou si l’on veut la vocation, disparut complètement, donnant naissance à un métier. Dorénavant le parlementaire, le ministre, les bourgmestres des communes importantes avec échevins et autres titres et grades issus directement ou indirectement des urnes électives, appellent ce qu’ils font « un métier ». Et pourquoi pas ? Ne va-t-on pas jusqu’à dire que le roi lui-même en exerce un. La contagion a gagné les syndicats. Les corporations ne sont plus représentées par les professions qu’elles défendent, mais par des cadres extérieurs issus des mêmes écoles que les politiques.
Ce qui a disparu constituait l’essentiel de la prestation élective : le don de soi et l’effacement au bénéfice des autres.
Exercer un métier est d’une autre nature.
Evidemment, le discours est le même, le don de soi est toujours prôné ; mais cela n’est plus qu’une illusion que l’on essaie de faire partager aux autres.
Un métier, c’est vivre à partir de certaines conditions un œil sur sa fiche de paie : qu’elle nourrisse son homme, que ce dernier en tire des bénéfices et des satisfactions, un statut favorable, vacances, pensions et promotions, sans oublier la stabilité de l’emploi.
Tous ces avantages étant acquis par force et par ruse à MM. les Représentants (et pour cause, ce genre d’entreprise est autogestionnaire), voilà plus de cinquante ans que ce métier (puisque c’est son nom aujourd’hui) attire de plus en plus de candidats, d’où une sélection sévère, non pas d’après les anciens critères : sincérité, don de soi, altruisme, mais par ce qui est commun dans toutes les professions et que réclame aussi le FOREM : diplôme induisant une compétence, toujours aléatoire, expérience, pistons et fortes recommandations souhaitées.
Autour de cette lucrative profession sont venues se greffer des écoles adaptées : économie politique, connaissance des lois, droit, arts de la communication et de la présentation.
La boucle est ainsi bouclée. Les belles plumes font le bel oiseau. L’art de bien dire qui consiste à tourner autour du pot sans s’y mouiller jamais, voilà l’essentiel à retenir, si l’on veut durer dans le métier.
Car ce métier à des exigences. Il est nécessaire de faire partie d’un groupe. Il faut donc y adhérer et respecter les hiérarchies. Il n’y a donc que deux solutions pour en gravir les échelons : l’ancienneté ou la manœuvre « par en-dessous » qui vous fait l’ami de tout le monde et de personne.
Remarquez que les chefs ne sont peut-être pas parmi les plus intelligents, mais sont incontestablement les plus dangereux. Je n’aimerais pas, par exemple, me trouver au bord d’une falaise et tourner le dos à Monsieur Reynders, si par aventure au sein du MR j’étais un obstacle à ses ambitions. Je parle de ce chef charismatique de la pensée libérale, comme je pourrais parler de son collègue Di Rupo dans la pensée socialiste.

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Et les gens dans tout cela ? La Nation ? L’idée que s’en font des naïfs de mon espèce ?
Il m’a fallu du temps pour comprendre : ces chefs de clan se fichent de nous, comme le plombier se fiche d’un autre plombier qui vit d’une autre clientèle. L’entreprise, grande ou petite, connaît les mêmes luttes pour les mêmes motifs.
L’État, quel État ? Le leur gère 11 millions de numéros. Leur seul but est qu’aucun képi ne dépasse, qu’aucune particularité ne vienne déranger l’harmonie de la troupe.
L’épicier passe-t-il son temps à calibrer les petits pois ? Si bien que l’injustice est monnaie courante, que la misère fait un ménage disparate avec la richesse. Ils espèrent que le faible se mélangera au fort pour faire un homme moyen. Leur réussite tient au nombre de Hourra !
En cas de bilan négatif, de pertes d’emplois, leur FOREM, se sont les multiples voies annexes de directions variées et d’administrations rémunérées, là où ils vont s’abriter et se tenir au chaud et attendre l’éclaircie.
En politique, les chefs ne meurent jamais.

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