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Un journal en détresse.

Même s’il s’agit d’un journal français, les difficultés d’une feuille francophone ne nous laissent pas insensibles.
J’ai souvent envoyé la presse aux cent mille diables, pour ses séances de lèche aux puissants, les actionnaires, les partis politiques et en général faisant l’apologie de la vie égoïste et bourgeoise. Malgré ses défauts, c’est quand même un observateur de la vie de ce pays, je ne dirais pas à l’impartialité irréprochable, mais jouant un rôle.
La presse est un fait de société indispensable au monde contemporain.
Tout ça pour m’inquiéter du sort du journal Libération, un Libé fort populaire il y a seulement quelques années et maintenant en passe de descendre aux enfers des canards boiteux.
Les actionnaires parlent d’une grave crise financière. Ils veulent le sauver grâce à "un réseau social, créateur de contenus rentables sur une large palette de supports multimédias",
C’est partout pareil. On voit l’utilité de la presse pour se faire du fric et en même temps se brancher dans les sphères de décision. Mais quand on perd de l’argent, que ce soit les actionnaires de Libé ou ceux de Rossel, le négociant transparaît sous le patron de presse, reléguant mécénat et altruisme au rang des vieux clichés.
Or, le journaliste qui s’engage dans le métier n’est pas fait pour tenir un restaurant ou jouer au gardien de musée. La seule reconversion tient dans le support : papier ou Internet.
C’est bien pour cela que les journalistes de Libé écrivent dans l’édition de samedi "Nous sommes un journal, pas un restaurant, pas un réseau social, pas un espace culturel, pas un plateau télé, pas un bar, pas un incubateur de start-up… ».
Et ils ont raison.
Ce qui n’empêche que le métier est difficile et que Libé est en train de prendre l’eau.
On pourrait en dire autant de la presse belge sur la « qualité » des actionnaires. Pour Libé ils ont des noms qui font réfléchir : Bruno Ledoux, Édouard de Rothschild et le groupe italien Ersel. Leur pognon est en péril.
On connaît ça en Belgique. Le métier n’échappe plus à la polyvalence.

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Les patrons défendent leur proposition d’accoler un comptoir au marbre (le marbre désignait la table de fer où les typos mettaient le journal en forme, pour la confection des flans).
Ce projet, écrivent-ils, ne ferait plus de Libération "un seul éditeur de presse papier", mais un "réseau social, créateur de contenus monétisables sur une large palette de supports multimédias (print, vidéo, TV, digital, forums, évènements, radio, etc....)", de quoi lui fournir "de très forts relais de croissance".
On voit d’ici sur la même idée, Béatrice Delvaux du Soir en chauffeuse de salle et David Coppi, coiffeur pour dames au rez-de-chaussée.
Le vrai dossier des actionnaires de Libé, tient dans les 4500 m2 du journal. Le loyer à Paris d’une telle surface (rue Béranger) apporterait aux propriétaires du journal un joli pactole. Ils voudraient y accueillir des promoteurs d’espace culturel et de conférence comportant un plateau télé, un studio radio, une news room digitale, un restaurant, un bar, un incubateur de start-up".
Comme il n’y a pas de mansarde, on caserait les journalistes en banlieue, voire à la campagne dans une ferme à restaurer. Les actionnaires ne croient même plus au sauvetage de Libé papier par un Libé sur écran payant, comme Mediapart.
"Le plan est clair, disent les journalistes réunis en assemblée : 'C'est Libération sans Libération.' Il faut déménager le journal mais garder le joli logo. Ejecter les journalistes mais 'monétiser' 'la marque'. Sur la forme, annoncent les élus, 'il y a délit d'entrave'. Sur le fond, il s'agit là d''un véritable putsch des actionnaires contre Libération, son histoire, son équipe, ses valeurs,'".
Les plumes de Libé refusent « un Libéland, un Libémarket, un Libéworld. Un losange rouge avec rien derrière, dix lettres qui ne signifient plus grand-chose, sinon le prix auquel on veut bien les monétiser ».
C’est curieux, quand un journaliste n’a plus rien à perdre, il devient bon ! Il ne tremble plus sous le regard du rédac-chef, l’œil de Moscou du patron. Libérée, sa plume fait mouche et soudain la profession revit. On se demande ce qu’il en serait au Soir, dans une pareille alternative ?
Pour Libé (moins de 100.000 ex. vendus ces derniers temps) l’heure de la vérité a sonné. 300 personnes sont menacées
Suite lundi, pour une grève dont on voit mal l’issue.

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