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La faute à personne.

Ce qui est le plus détestable dans le jeu politique, ce sont les tractations de couloir entre les chefs de parti pour mettre sur pied un gouvernement. Cette cuisine est tout à fait en-dehors de la connaissance du public. Cependant, elle déterminera une ligne de conduite de cinq ans.
On vote pour un parti en fonction de son programme, puis on se réveille dans une situation de compromis pour laquelle le programme auquel vous avez apporté votre suffrage a été proprement « vendu » pour des places de ministre.
Et pour ce qui est de vendre quelque chose à quelqu’un, on voit bien Elio reconverti, dans vingt ou trente ans, marchand de souvenirs sur le Ponte Vecchio à Florence.
Mais il y a mieux.
Le roi a nommé Bart De Wever « informateur ». Il a donc pour mission de l’informer sur la possibilité qu’il aurait de former un gouvernement, après consultation des chefs de parti. Le président de la N-VA à jusqu’à mardi pour remettre sa réponse. Voilà déjà une semaine perdue, puisqu’on sait bien au fédéral, qu’il ne peut pas former un gouvernement sans les socialistes !
C’est toute cette hypocrisie organisée en ballet constitutionnel si chère à Delpérée, que l’électeur ne supporte plus.
Nous sommes en plein dans un processus de désintégration d’un régime politique. Tous les ingrédients sont réunis : perte de confiance généralisée dans les institutions traditionnelles, manque de clarté, absence de discours intelligents et porteurs, dispute au sommet entre médiocres, pour un pouvoir sans idée novatrice.
On fait mieux encore à l’Europe. Il s’agit de trouver un remplaçant à Barroso, usé jusqu’à la corde par deux mandats, aboutissant à un désastre quasi-total. Les chefs de gouvernement ont choisi Van Rompuy, un autre briscard catholico-réactionnaire, pour jouer les démineurs, lui le flamingant, à l’échelle de vingt-huit états, alors qu’il n’a jamais aidé à résoudre le dilemme Wallon-Flamand, comme il a participé à l’éloignement des deux communautés.
À l’Europe, c’est encore plus opaque. Le parlement européen siégeant à Strasbourg n’est pas le seul à chercher une majorité pour élire le chef des Commissaires. Le ferait-il, les gouvernants des pays de l’Union peuvent imposer leur choix, en proportion des influences de chacun d’eux. Ce choix est prépondérant sur celui du parlement de Strasbourg.
On voit le genre.
Angela Merkel et ses homologues des pays de l’UE ont donc convenu de garder la main. Le public peut se brosser de tout droit de regard sur les combines entre Grands. Lutgen a donc bien fait d’envoyer Rolin finir sa carrière à Strasbourg, plutôt qu’Anne Delvaux. Il n’y fera rien, même pas de la figuration intelligente, puisque, paraît-il, il ne l’est même pas !
Mais avant de désigner le ketje suivant, les Vingt-Huit veulent réfléchir aux priorités du prochain président de la Commission : croissance, intégration de la zone euro, énergie, et diplomatie-défense commune.

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Plus de deux pour réfléchir, c’est difficile, mais à vingt-huit, je ne vous dis pas.
Van Rompuy devra quand même s’adjoindre Jean-Claude Juncker, chef de file du Parti populaire européen, et chouchou de madame Merkel, en étroite concertation.
C’est la politique des autos tamponneuses. On se rentre dedans, mais c’est pour rire, un peu à la « belge manière » comme dit encore, plus pour très longtemps, les philologues flamands.
Il paraît que Van Rompuy est là pour éviter un « clash » entre le Parlement et le Conseil européen. Car plusieurs dirigeants du PPE, du même parti que Junker, contestent le choix de celui-ci. M. Juncker, vétéran de la construction européenne, et cofondateur de l’euro n’est pas le candidat d’un grand nombre de chefs d’État. C’est dire le peu de reconnaissance.
Bref, on reste sidéré à la vue de ces éminents marchander âprement le morceau, l’insistance de Merkel, le flou – comme d’habitude – de François Hollande, le rejet de Junker par Cameron. La volonté de Junker d’atteindre à la Commission, comme si cette ambition concrétisait un vieux rêve de gamin insupportable, est confondante.
En attendant, le ponton embarque l’eau. Les eurosceptiques gagnent des sièges, les électeurs belges sont cocus mais contents, toutes les affaires importantes sont remises à plus tard, dont le fameux traité américano-européen (pour celui-là, une grosse majorité n’en est pas fâchée).
Dans ces tribulations, comme dans tant d’autres, on revit les derniers jours de Rome quand on attendait les barbares pour fermer boutique à Ravenne. Notre Alaric pourrait être Poutine qui avance ses pions en Ukraine ou un roitelet de l’intérieur. Moi, je crois de plus en plus que c’est tout simplement un coup de vent qui pourrait faire tomber le château de cartes ou encore la moisissure du vieil arbre qu’on voit encore debout et magnifiques un jour, puis qui n’existe plus le lendemain, à cause du saut d’un écureuil d’une branche basse à une autre.

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