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Je suis du peuple…

Robespierre : «Je suis du peuple. Je ne veux être que cela et je méprise ceux qui voudraient être quelque chose de plus.»
J-L Mélenchon vient de publier chez Fayard « L’ère du Peuple » qui peut intéresser ceux qui se demandent où en est la gauche et quelles sont les alternatives à explorer dans ce domaine.
On se souvient que Mélenchon s’était mis en congé du parti de Gauche après sa déconvenue aux dernières élections.
Sa réflexion le conduit à des ruptures de première importance. Après une vie militante dans des partis et notamment au PS, il s’attache à explorer les mouvements populaires.
Un rassemblement de plus de cent mille manifestants ce jeudi à Bruxelles est un événement qui devrait orienter la politique de l’État, au même titre sinon mieux qu’un parti.
Ce n’est pas le cas. Le nombre de lignes que la presse consacre aux revendications des syndicats est minime à côté du déferlement d’images et d’articles sur le fait-divers liés à la dissolution du cortège. On a l’impression que ce qui mobilise une telle marée humaine n’intéresse pas les journaux.
Les nuées humaines urbanisées, comme Mélenchon appelle ces déplacements de foule, est un palliatif à l’apathie d’une classe ouvrière qu’il ne perçoit plus révolutionnaire, tant sont dépassées les grèves d’entreprise et les rapports de force entre les personnels et le patronat.
La banlieue dans lequel s’entasse les travailleurs pauvres est désormais l’ennemi potentiel du système capitaliste.
Ce qui est valable pour la France, l’est-il pour la Belgique ? Les plus de cent mille de ce jeudi ne sont pas tous des banlieusards navigant entre chômage et petits boulots. Mais il est vrai aussi que nous n’avons pas encore atteint le désespoir des banlieues françaises.
En France, personne n’a encore tiré les leçons de cette concentration de populations qui a de sérieux griefs à formuler, sans qu’aucune autorité n’intervienne trop occupée d’une démocratie auxiliaire de l’économie.
Droixhe à Liège aurait pu être ce chaudron concentrationnaire de populations oubliées, si les autorités n’avaient pas opté pour la démolition, plutôt que la réhabilitation. Les socialistes liégeois préfèrent dératiser les immeubles abandonnés, plutôt qu’intégrer les habitants. Dispersés dans d’autres chancres moins importants, ils sont plutôt inoffensifs.

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La définition du peuple reste dans un flou qui profite à tout qui ne s’en réfère pas. Peut-on, dire que «la cité sans fin crée l’opportunité d’une conscience collective»? Pour Mélenchon, «le peuple, c’est la multitude urbaine prenant conscience d’elle-même à travers des revendications communes». Le peuple disputerait au pouvoir sa part d’autorité par un programme spontané, négation de l’ordre établi.
Cela impliquerait une sorte de pouvoir informel, une autogestion s’organisant dans les lieux publics. Cela supposerait une mobilisation constante. Et c’est là la faille de l’argument. La foule est tout ce qu’on veut, elle s’enflamme, prend fait et cause, mais pendant de brefs instants.
Ceux qui ont un tantinet retenu des témoignages à Liège juste après le départ de l’Armée d’occupation nazie, savent qu’il y eut un mois de flottement absolu. Les Résistants occupaient des postes clés. Les partis, comme le parti communiste, s’octroyaient des permanences dans les maisons des collabos en fuite. À Bressoux, rue du Moulin précisément, la maison d’un boucher fut « réquisitionnée » et le magasin transformé en local du parti.
Les services communaux fonctionnaient grâce à des employés bénévoles. Il y avait une atmosphère extraordinaire d’entraide et une grande confiance des gens vis-à-vis de ce qui pouvait passer pour une prise de pouvoir.
Sentant le vent tourner, très rapidement les politiciens qui revenaient dans les bagages de la Brigade Piron, de leur propre autorité, ont proprement chassé les bénévoles et rendus les immeubles aux inciviques, même absents, sans plus de légitimité que le peuple.
Ce petit mois d’étrange liberté n’a pas encore eu son historien. Il reste inexploré.
Les armes de la Résistance et celles prises sur l’ennemi furent déposées dans les commissariats dont certains agents avaient fait le service d’ordre pendant l’Occupation (pas tous, il y eut des Résistants), seuls les gestapistes furent arrêtés et certains fusillés.
C’est un moment de l’Histoire peu connu qui pourrait illustrer le livre de Mélenchon
Tout cela pour écrire que la démocratie directe c’est assez facile à organiser dans des périodes exceptionnelles. La difficulté de la construction d’un nouvel État populaire est dans sa durée
Quand la température politique redescend, que les gens se détournent de la chose publique et de leur propre sort, pour redevenir curieux du people et adeptes de la futilité, en un mot quand ils rejoignent la « normalité » capitaliste, alors, viennent les chacals flairant la bonne affaire.
Mélenchon est très pessimiste dans ses conclusions pour la France. Nous pouvons l’être aussi pour la Belgique. Le curieux système de l’économie asphyxiant la démocratie, dénature la fonction politique. Le peuple a ses raisons que les Autorités ignorent. On se dit que ça ne peut pas durer et pourtant ça dure.

Commentaires

Dans une “démocratie où 10 % de salauds font la leçon à 90% d’imbéciles”, le peuple est fatalement composé majoritairement d’imbéciles.. comme nous! Idéaliser “le peuple” ne conduit donc jamais bien loin. Margaret Mead disait: “Ne doutez jamais du fait qu'un petit nombre de gens réfléchis et engagés peuvent changer le monde… en vérité, c'est ce qui s’est toujours passé!”. J’y ajouterais: “Pour le meilleur ou pour le pire…!”

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