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Sous la coupe des voyous.

D’un grand dégoût à l’égard d’une Belgique rivée à son conformisme bourgeois, je couvais le mal depuis longtemps. À présent il m’accable.
Il m’arrive d’appeler voyous, ceux qui nous gouvernent. J’exprime par là, l’estime dans laquelle je les tiens.
À une époque de grande conformité et d’expression convenues, désigner comme voyous des personnages que la société bourgeoise vénère, fait hurler tout le monde d’horreur, même l’opposition, (On pourrait lui retourner la pareille, le jour où elle retrouvera le pouvoir).
Les guillotines des musées Carnavalet et de la vie wallonne sont dans des coins sombres. Les « foutre » et les « pendez les à la lanterne » ont été bannis du langage propre à charmer les foules. Le Père Duchesne est un infâme et Robespierre un salaud, responsable des 13.800 guillotinés. Sur cela, la droite et la gauche sont de connivence. Que vous pensiez différemment, vous range dans le même opprobre général.
Marc Eyskens avait dédié la phrase célèbre « tout ce qui est excessif est insignifiant » à tous ceux qui, en-dehors des bienséances journalistiques, ont une position contraire à la sienne.
Historiquement, « voyou » désigne un titi parisien, dépenaillé et pauvre, sombrant dans la pègre et la délinquance. Il n’est donc pas étymologiquement employable pour désigner des gens bien élevés, vivant dans le luxe sinon dans l’abondance grâce aux deniers d’une Nation généreuse. L’indignité doit elle nécessairement revêtir les hardes de la misère ? De ce point de vue, le mot « voyou » me plaît par goût de l’étendre à toutes les couches sociales, ne voyant pas pourquoi il serait connoté au seul fait d’être pauvre. Le caractère du voyou n’est-il pas d’être peu scrupuleux et par tous les moyens d’assurer sa « matérielle » ? Ne colle-t-il pas aux hommes de pouvoir par leur bassesse, dans une société dont le seul vrai critère est l’argent ?
L’interprétation moderne du mot comprendrait Messieurs et Mesdames du gouvernement, quoiqu’on ne dise pas « voyoute » à propos d’une dame.

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La seconde signification n’est pas dans le Littré des origines. Un voyou, c’est un individu aux manières brutales ou à l’allure inquiétante, sans moyen d’existence avouable, susceptible de commettre des délits graves, des actes de violence, des agressions (Dico Lobos).
Combien de MM. de la haute société et des partis de pouvoir n’ont pas des moyens d’existence avouables ? De temps à autre, une affaire judiciaire affleure, presque toujours suivie d’un non-lieu. Quant aux allures inquiétantes, je pense souvent que je n’aimerais pas tourner le dos à ces Messieurs au haut d’une falaise, un jour de grève générale.
Il est courant qu’un voyou devant son public retourne le terme et s’en serve pour désigner ses adversaires. Oh ! pas si crûment, avec des adoucissants, des synonymes moins forts, c’est le cas De Wever, à propos des casseurs dont la spécialité de violence déteindrait sur l’ensemble des grévistes et lui emboîtant le pas, la presse nationale et régionale insistant sur le déni de justice des piquets de grève « empêchant les non grévistes de travailler ».
Que d’actes délictueux ne prête-t-on pas aux syndicalistes ? Quels efforts les ministres ne font-ils pas pour retenir le mot « voyou » qui leur vient naturellement à l’esprit, comme Borsus pour Goblet, ce soir aux infos d’RTL-TVi !
Dans l’attente qu’ils s’en servent, il me plaît assez de m’en servir à leur intention.
Comment appeler des gens qui vivent dans le confort parce qu’ils sont payés pour mener une politique rendant les citoyens satisfaits, et qu’ils ne font pas ?
Comment appeler des responsables qui dépouillent leurs compatriotes les plus pauvres et qui ne montrent pas l’exemple, en se dépouillant eux-mêmes ?
Comment appeler des leaders qui vivent en bande organisée sous le prête-nom de parti et qui multiplient les postes à hauts revenus à partager entre eux, alors que d’une seule voix, ils condamnent l’enseignement, la poste et les chemins de fer sur le nombre trop élevé des petits personnels ? Ils ont même une expression « dégraisser le mammouth », alors qu’ils participent le plus à l’arrondissement de la panse ?
Mais, ce sont des voyous !
Ce ne sont pas que de simples administrateurs, il y a parmi eux des prévaricateurs, des menteurs, des concussionnaires, des suborneurs, enfin des mots résumés à un seul : des voyous !
Que nous les ayons choisis, c’est un fait. Mais les moyens de faire autrement, quand dans les réserves, les remplaçants ont les mêmes appétits... des gens aptes à nous faire les poches pour faire à peu près la même chose.
Certes, les manières changent ! Elles seront moins brutales avec un clan, plutôt qu’avec un autre. Quelle importance, puisque ce sera le même résultat !
Ceci n’est pas une sempiternelle lamentation d’un populiste. Ce n’est pas de l’antiparti. C’est le résultat de l’analyse d’un effondrement moral, le désir de voir au pouvoir des gens honnêtes, des altruistes au service de la multitude.
Cette époque manque singulièrement de grands hommes. Elle appelle un nouveau 1789.

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