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Heureux !…

Il faut en parler de temps à autre, sinon on aurait tendance à l’oublier : le chômage, c’est le pire des fléaux du libéralisme, parce qu’il procède de lui.
Quand on dit que le taux de chômage en Belgique n'a jamais été aussi élevé de ces dix dernières années, qu'il tourne autour des 9 % de la population active, ce n’est pas qu’un constat statistique, c’est la preuve sous nos yeux de l’échec sans précédent d’un système économique de plus en plus inadapté à notre mode de vie.
Sur cette réflexion viennent s’échouer les autres considérations. Notre société est en état d’échec permanent ! C’est tellement grave qu’elle n’ose en affronter les conséquences, dans l’espoir d’éviter de parler des solutions possibles.
Combien paraissent dérisoires toutes les formes intellectuelles et festives des autres activités qui s’essaient à nous distraire de ce terrible aveu : la démocratie est inopérante et le suffrage universel ne sert plus à rien !
Charles Michel est un capitaine de bateau en pleine tempête qui organise un bal dans les salons du navire, alors que sur le pont, c’est la désolation.
La fête bat son plein, le champagne coule à flot et on ne s’aperçoit de rien.
C’est à peu près ce qui se passe.
Mieux : nous avons droit à deux échecs retentissants, le chômage, bien entendu, et notre manque d’humanité devant l’ampleur du drame en Afrique et au Moyen-Orient, ces multitudes de gens qui fuient leur pays et pour lesquels l’Europe n’offre pas de réponse décente.
Et voilà qu’aux drames venus d’ailleurs, s’ajoute celui de la Grèce, accablée du poids de sa dette. En bons usuriers, nous lui refusons des délais, des facilités, bref un peu de commisération pour ces Européens à la dérive.
Est-ce possible qu’en seulement deux ou trois générations nous soyons devenus ce que nous sommes : insensibles, obnubilés par nous-mêmes, littéralement gagnés par l’attrait de l’argent et devenus capables d’assassiner notre propre mère pour quelques euros ! Exactement pareils à ce que Balzac dans sa Comédie humaine et plus tard Zola dans sa série des Rougon-Macquart décrivent du bourgeois!
Les civilisations ont leur apogée. Derrière l’ultime triomphe, la chute est rapide et sans appel. Les temps antiques estiment à trois et quatre siècles la montée de la culture et les progrès d’une civilisation. Parfois, à une période heureuse succède une autre qui l’est tout autant, mais sous une autre forme. C’est ainsi qu’au Moyen-âge, sur mille ans, deux ou trois formes nouvelles d’art de vivre ensemble ont pu avoir des hauts et des bas, pour aboutir au quattrocento final.

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Notre époque a raccourci les distances et accéléré les échanges, nous sonnons le pas de charge contre le temps et nous ne tiendrons pas la durée antique de trois cents ans.
Ce ne seront pas les convulsions de la Terre, ni les épidémies qui auront raison de nous, nous serons vaincus par nous-mêmes, par notre ennemi intérieur, visiblement encouragé par le système économique, nos égoïsmes et notre cécité.
Cela peut paraître dérisoire nos petits problèmes de chômage, comparés à des drames d’une autre ampleur venus d’ailleurs ; mais, c’est notre comportement qui compte. Si nous ne parvenons pas à réduire les inégalités sociales et à fabriquer un autre système, ce qui paraît facile chez nous par comparaison, comment pourrions-nous aider à juguler les famines, régler les guerres et instaurer la paix dans le monde ?
Notre mauvais instinct, notre âme damnée, ce qui nous a permis de vivre et d’échanger jusqu’à présent et qui, en 2015, ne correspond ni à un progrès, ni à une espérance : l’argent aura eu raison de nous !
Le reste, c’est en page quatre dans les journaux que vous le trouverez.
Cela fait huit ans que le nombre de chômeurs n'a plus dépassé les 600.000 en début d’été. On y est. Et le nombre réel est bien plus élevé, masqué par les sanctions de Di Rupo, actionnées par Charles Michel.
Là-dessus, il paraît qu’on a bien traversé les turbulences de la crise de 2008, et qu’on est mieux loti pour un nouveau départ, par rapport à d’autres pays d’Europe.
Toujours ces comparaisons foireuses « Je vais mal, mais d’autres vont plus mal encore, donc cette pensée devrait me rendre plus heureux » pour un nouveau départ. C’est sur cette morale douteuse qu’on oublie les chômeurs, les immigrés, les crises, l’islamisme meurtrier et toutes les horreurs.
Comme dirait Béatrice Delvaux si elle pouvait traduire la pensée du Soir en une seule phrase « On ne peut pas passer sa vie à se foutre à l’eau, donc que soient heureux ceux qui le peuvent ».
Belle formule qui illustre bien l’état avancé de pourriture du système.

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