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Smegma à la lèche !

Comme dans les salons du X, plus les plaisirs sont à la montre, moins ils sont bandant. Il n’y a plus ce plaisir des sens que jadis le lettré ressentait à la lecture de Restif de la Bretonne et du divin marquis, quand l’imagination pourvoyait – mieux encore – remplaçait en les sublimant, le contact et l’acte. Aujourd’hui l’image renvoie à nous-mêmes dans le jeu de glaces d’un écran de télévision, le catalogue des amours dépravées à tant d’euros la position. La parole est faite d’onomatopées qu’une prêtresse du hard susurre d’une voix qui se voudrait pâmée et qui n’est que le résultat du paquet de clopes qu’elle s’envoie sur la journée.
Le veston à paillettes de Patrick Sébastien est aussi peu représentatif de l’érotisme, qu’entre les petites lèvres et le clitoris, le segma abondant du talent intime de Brigitte Lahaie. Vaste comédie du plumard, soubresauts de scène simulant l’orgasme, la comédie de boulevard montrait les caleçons des acteurs de Labiche, la lingerie d’aujourd’hui s’affiche en bas noirs que la couguar de cinquante ans se croit obligée d’enfiler avant de croiser le fer sur le sofa des échangistes. Chaque fois que j’en vois une en uniforme de pouffe lubrique, j’ai envie de faire moine bouddhiste à Lhassa.

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2015 a évolué dans le pire. Il est à l’érotisme, ce que l’abattage était à l’amour au temps de la baise en chaîne dans les maisons style Belle époque, avant la loi Marthe Richard.
Que ce soit sur les magazines spécialisés, à Sainte-Gudule, dans le bureau de l’archiprêtre ou dans ceux du Soir, sur le trottoir de la Loi ou derrière le rideau tiré sur la tringle rouillée d’un bordel de la gare du Nord, il n’y a plus rien d’Épicurien. Tout le monde s’encule ! C’est d’un triste…
Le public trépigne et réclame, se lève, marmonne, applaudit quand le chauffeur montre la pancarte hors caméra. Marceau nous sort un sein de sa logette à Cannes, on en fait des tonnes. La gagneuse se tape une équipe de rugby un dimanche soir (Henry Miller, Sexus), elle n’en fait pas assez.
Cela va devenir aussi lugubre de se farcir un film de cul que de se taper une interview de Didier Reynders. On croirait que Charles Michel va rouler une pelle au téléspectateur chaque fois qu’il est en face de nous sans nous voir. Nous qui le voyons, ça ne passe pas. On dirait un vieux travelo, lui le plus jeune premier ministre de Belgique, dont la perruque s’est usée entre les cuisses de Marilyn Jess, dans « Gamines en chaleur » de Jean Rollin.
Il reste bien quelques vestiges du passé, depuis qu’Annie Lebrun monte des expositions, c’est un peu du surmâle de Jarry qui disparaît. J’ai encore en mémoire son beau visage de femme tout auréolé de vices secrets, avec des cernes naturels, des yeux si grands et si profondément cavés…
Ces temps troublés par le pognon fonctionnent au matériel à fouetter et à la vertu bourgeoise. Le matériel, c’est celui des « affreux » du BDSM. Les ravagés de l’autorité érotique les font acheter à leurs victimes. Ces héroïnes de la souffrance érotique sont les adoratrices de leurs tortionnaires, en vertu du syndrome de Stockholm et de la crème Durex à assouplir les muqueuses. La vertu bourgeoise, c’est le sauvetage de l’apparence et de l’esprit de famille d’une Belgique dont les journaux ne voient que la sacristie.
Comme dirait Léautaud (Journal Particulier, 1933 in Mercure de France) « Le fléau est si jolie et a le visage si plein de plaisir quand elle suce une queue ou qu’elle se fait enfiler que j’ai voulu jouir du tableau en spectateur », pour la suite, acheter le bouquin, c’est autrement mieux foutu et plus intelligent cet érotisme là, que les conneries qui passent pour des dialogues dans les films X, d’autant que les Français qui inondent le marché ont tendance à faire de la littérature du genre « Oh ! oui… mets-la moi… » et ce faisant, font glander honteusement l’éjaculateur précoce devant son écran. Plus physique est le hard des Amerloques. On n’a pas le temps d’enfiler des perles. La star USA, même si c’est toujours une histoire de gland, est autrement plus sportive. On sent la préparation en salle de muscu et les mêmes cocktails Mabuse que ceux de Serena Williams, avant un Roland Garos. C’est dire le sérieux.
« Les appâts… » dirait Henri II en tâtant Diane de Poitiers vers 1555 « …on a beau les badigeonner de blanc de zinc, à partir d’un certain âge, ça fait rassis. ».
Comme tout va plus vite, le gouvernement l’a bien compris, pour conserver plus longtemps de la naïveté nécessaire à la fraîcheur des rapports juvéniles, il propose de descendre à quatorze ans, l’âge de la prise de risque.
C’est une erreur. Quand on pense que c’est déjà foutu à dix-huit !...

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