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Ô temps suspends ton vol…

Pour reprendre une réflexion drôle du Gorafi : « Après les récents drames de ces derniers jours, entre terrorisme et manifestation émaillée d’incidents, les Français estiment avoir fait preuve de patience et exigent de passer à 2017 si possible avant la fin du mois de juin. »
Il y a sous la plaisanterie quelque chose de très vrai. Quand tout semble aller de travers, on souhaite que le temps s’accélère dans l’espoir qu’après la pluie (c’est le cas de le dire) vient le beau temps.
Rien n’est moins certain cependant.
Vous y croyez, vous, que Daech sera rayé de la carte et ses milices d’assassins renvoyées dans les oubliettes de l’histoire, dès l’année prochaine ?
Pensez-vous que la dérive du système économique qui fabrique plus de pauvres, vu ses efforts à fabriquer plus de riches, va inverser la tendance en 2017 ?
Est-on sûr que la N-VA perdra les élections ? Que Charles Michel ne sera pas réélu ? Que le culte du chef cessera au PS et qu’Élio Di Rupo prendra sa retraite ?
On raconte qu’une vieille dame pleurait de chagrin au bord de la route après qu’elle eût appris la mort du tyran de Syracuse, l’odieux Denys responsable de son esclavage. « On ne sait pas si le suivant ne sera pas pire » dit-elle à ceux qui s’en inquiétaient.
Et c’est vrai, qui pourra dire la tournure que va prendre le système économique que personne ne maîtrise et surtout depuis qu’il s’est mondialisé ? Tant de perversités, d’égoïsmes, de folies accapareuses peuvent-elles soudainement devenir des instruments utiles aux pauvres et aux êtres broyés par la dure loi de l’argent roi ?
Qui pense vraiment que les bénéficiaires de ce système, qui sont en même temps ceux qui politiquement dirigent l’ensemble des Nations, vont du jour au lendemain dénoncer ce qui les a enrichis ?
Le peuple ballotté entre l’eau et le feu, le rouge et le noir, aura-t-il la force de jugement nécessaire pour sortir de sa passivité et se débarrasser des sottises que le pouvoir s’emploie à lui fourrer quotidiennement dans la tête pour l’infantiliser ?
Certains prophètes de bistros réclament l’Armageddon, l’apocalypse… plus modestement une catastrophe à l’échelle de l’Europe, comme le Brexit, pour se ressaisir de manière salutaire et retrouver les « bons réflexes ». Le pire a autant de chances de gagner que le meilleur. Encore qu’une confusion entre les deux soit possible.

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L’Histoire nous prévient que les « Grands Soirs » ne sont pas précisément des instants de grande sagesse où la force tranquille finit par triompher pour le droit des peuples, mais des moments de grands carnages et de grande confusion. Ce n’est toujours qu’après coup que l’on s’écrie « Qu’ai-je fait là ? Qu’est-ce qui m’a pris ? »
À suivre ce raisonnement, on ferait du surplace et on s’accommoderait du pire.
Ceux qui se sont sagement limités à ce qui leur paraissait possible n'ont jamais avancé d'un pas, nous prévient Bakounine qui s'y connaissait en marches forcées.
«Qui suis-je ? D'où viens-je ? Où vais-je ?», à ces questions philosofico-maçonniques Pierre Dac répond «Je suis moi, je viens de chez moi, et j'y retourne.» On rit. C’est d’un humoriste. Mais, à ces vastes questions, quelle autre réponse donner ?
Personne depuis l’Antiquité n’a su répondre à ces questions. Malgré tout c’est une information capitale. Cela signifie que nos marchands de rêve, nos grands esprits politiques, nos industriels de l’info et autres décrypteurs de l’actualité n’en savent pas plus que nous.
Voilà pourquoi l’avenir est une page blanche sur laquelle chacun devrait avoir le droit d’y laisser sa trace.
Ce qui est loin d’être le cas. La génération qui vient a perdu le goût de l’écriture. Et pour son avenir, rien que pour cela, on a raison d’être inquiet, car avec lui, elle risque de perdre celui de penser.

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