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Des mots pour le faire savoir…

On sait aujourd’hui comment, avec l’aide de la presse, ceux en qui on avait mis toute notre confiance, on trahit la démocratie et leurs électeurs en se mettant au service des promoteurs mondiaux de l’économie du « c’est comme ça et puis c’est tout ».
Le truc est vieux comme le monde, il suffit de faire de la langue du management et de l'économie le support unique et universel du bien dire et du bien penser. C’est comme une religion des temps anciens « si tu n’y crois pas, t’es mort » ! Ici, si tu n’y crois pas, tu perds ton emploi et tu n’as aucune chance d’en trouver un autre.
Voilà pourquoi du langage politique à celui de la télévision et de la radio, on parle management comme si cela nous venait du berceau.
On retrouve ce politiquement correct dans le roman contemporain. On a américanisé du Balzac et du Zola, les grands maîtres du XIXme siècle. Ils s’opposaient trop à l’ère néolibérale. On est passé au jargon conceptuel des gestionnaires du monde de l’entreprise. La novlangue loin d’être neutre et sans effets porte un véritable projet idéologique.
Quoique ayant fréquenté des écoles différentes, c’est pourtant à croire qu’à RTL et à la RTBF on a eu les mêmes professeurs, qui, coïncidence troublante, ont été aussi ceux des Michel et des Reynders, en même temps des hommes d’affaires et des cadres des officines en relations de droit et de la communication. Ce français convenu est aussi en usage au sein de la presse spécialisée puis générale. Le journal Le Monde en raffole. L’Université ne jure plus que par lui.

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Ce bien dire unique porte le projet idéologique du néo-libéralisme. Il vient directement de
la Propagandastaffel (« escadron de propagande ») chargée par les autorités allemandes d’occupation du contrôle de la presse et de l'édition françaises pendant l'Occupation. Bien certainement, les universités ont veillé à ce qu’on martèle les inscriptions et les croix gammées, mais le principe reste le même.
Cela explique cette raideur de nuque à la Eric von Stroheim qu’ont adoptée Baudouin Remy, Alain Gerlache, Vrebos, Praet et les autres, lorsqu’ils nous informent des magnifiques performances du libéralisme nouveau.
« Cette langue, initialement pratiquée dans le monde de l’entreprise et de la gestion, et qu’on pourrait penser simplement technicienne, s’est répandue, au fil des ans, dans toute l’économie et la société. Les mots de cette novlangue, selon le concept d’Orwell dans 1984, repris par de nombreux auteurs, imprègnent et formatent les esprits et la pensée. En effet, le discours libéral a comme ambition d’être le seul mode de penser, selon la formule de Madame Thatcher, premier ministre du Royaume-Uni de 1979 à 1990 : TINA (There Is No Alternative = il n’y a pas d’alternative). « Extension », car les lieux d’énonciation de cette langue ne cessent de se multiplier. Le monde de la santé et de l’hôpital raisonne désormais de façon libérale. Quant à l’université, elle impose de nouveaux cadres de réflexion, par exemple en sociologie où le discours sur la « moyennisation » de la société fait disparaître les classes sociales et la lutte des classes. Le classement UNESCO, lui, met les territoires en concurrence et transforme le patrimoine en un marché pour les collectivités. Le discours, ou plutôt l’injonction, à « être soi même » est devenu une évidence dans les affiches publicitaires ou les magazines, traduisant ainsi le transfert de la valeur « individualiste » de l’entreprise à la vie quotidienne. On assiste donc bien à une « managérialisation » néolibérale de la société (1). »
Le public bon à tout, se façonne à une certaine forme de langue de bois et tique chaque fois qu’on s’en écarte, comme si s’écarter du goût néolibéral était aussi une faute de style, un barbarisme ou mieux un manque d’éducation.
On assiste à cette invraisemblance des champions de l’inculture sortis des managements et des écoles, commerce, droit, économie politique, définir ce qu’est la langue et le faire savoir par injonctions éditoriales !
Et ça fonctionne !...
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1. La Langue du management et de l’économie à l’ère néo-libérale, Corinne Grenouillet et Catherine Vuillermot-Febvet,

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