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Richard pisse violet !

Puisque ce blog ose aborder tout, du haut de ses incompétences et par l’effet des lois naturelles de l’égalité entre les hommes, les JO brésiliens ne sont pas hors de portée.
Seulement voilà, détestant tout effort inutile, trouvant stupide les raisons qui font qu’un type veuille à tout prix courir plus vite qu’un autre, je crains que suivant le principe d’Eyskens « tout jugement excessif soit sans valeur », pour n’être que la manifestation d’une mélancolie sévère de l’auteur.
D’autant qu’un nageur français, sans doute dépité de ne pas monter sur le podium, a prétendu que tous les athlètes ou presque étaient bourrés de matières chimiques et donc archi dopés. La preuve, concluait-il, un nageur chinois pisse violet !
Du temps de Philippe II, né en 382 av. J.-C. et mort assassiné en 336 av. J.-C, on pratiquait les Jeux isthmiques organisés à l'isthme de Corinthe entre les cités grecques antiques. Ils étaient célébrés la première et la troisième année de chaque olympiade, en l'honneur du dieu Poséidon.
Un certain Diogène de Sinope, philosophe de son état et le plus célèbre représentant de l'école cynique, contemporain de Philippe II de Macédoine, y musarda. Il nous est resté quelques commentaires.
À les lire, on se croirait dans la baie de Rio à contempler les immondices qui forment de véritables îlots de malpropreté, en attendant d’entrer au stade sacrifier l’après-midi à Poséidon.
« Alors que les spectateurs cherchaient à approcher les athlètes, il voulait observer les hommes et leur stupidité. Les gens se révèlent au grand jour à l’occasion des fêtes et des rassemblements populaires, au contraire en temps de guerre, le péril et la crainte les poussant à se cacher.
Comme les athlètes victorieux, il se couronna de pin. Les Corinthiens dépêchèrent quelques valets pour lui enjoindre de déposer cette couronne. Diogène leur demanda pourquoi il était défendu de se couronner de pin, tandis que ce ne l’était pas pour les autres. « Mais parce que tu n’as remporté aucune victoire ». Diogène reprit aussitôt « Mais si ! J’ai triomphé de plus d’un adversaire, et pas des moindres – bien mieux que tous ces jeunes gens que vous voyez en ce moment se battre, lancer le disque et courir – mes adversaires sont de toute façon bien plus difficiles à vaincre : c’est la pauvreté, l’exil, le mépris et encore la colère, la tristesse, le désir, la peur… «
« Quelque temps après, Diogène aperçut un athlète entouré d’une foule considérable : il ne foulait même pas le sol, mais la masse le portait bien haut, et les uns l’accompagnaient en criant, d’autres sautaient de joie, d’autres encore lançaient des couronnes et des rubans sur le héros. Diogène demanda à l’homme ainsi fêté ce que signifiait ce tumulte. L’autre reprit « J’ai gagné la course du stade ». « Et qu’est-ce cela ? Répliqua Diogène, tu n’es pas devenu tant soit peu plus intelligent parce que tu as devancé tes concurrents, ni plus sage qu’auparavant, ni moins lâche, et tu ne te plains pas moins, tes besoins n’en seront pas diminués à l’avenir et ton existence n’en sera pas plus dépourvue de peines ». « Par Zeus, fit l’autre, je n’en suis pas moins le plus rapide des Grecs ! ». « Pas plus rapide, tout de même que les lièvres ou les chevreuils ; et néanmoins, ces bêtes les plus rapides de toutes, sont aussi les plus craintives ! Elles ont peur des hommes, des chiens, des aigles, et elles mènent une vie bien misérable. Ne sais-tu donc pas que la rapidité est un signe de faiblesse ?... »

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Ce dialogue extrait des fragments et témoignages des Cyniques grecs (Livre de Poche) se trouve en librairie. D’autres considérations sur le sport et la vanité des hommes parsèment ces documents exhumés d’un passé plus de deux fois millénaires. Ils attestent de la constante ambiguïté entre l’exploit et la raison. Le mouvement philosophique repris sous la large dénomination des « Cyniques » s’est violemment affronté aux valeurs établies et aux philosophies dominantes. Anthistène, le précurseur, eut ensuite des disciples, Diogène, Monime, Cratès, etc. établissant une philosophie critique sans équivalent dans l’histoire de la pensée. L’ironie en fut l’arme principale. Ils réfléchirent et agirent avec ce qui nous manque le plus aujourd’hui : le sens critique sans apriori de celui qui l’exerce.

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