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Un libéralisme engagé.

Il faut attendre la page 13 « pour un libéralisme engagé » de Chastel & Miller, les deux humoristes en vedettes supplétives de MM Michel et Reynders, pour voir enfin un bout du vaste chantier (c’est ainsi qu’on parle aujourd’hui d’une plaquette de propagande) qui traite de l’économie.
Avant, Chastel & Miller se sont bornés à des incantations mystiques sur l’égalité entre les sexes, étant entendu que de tous les patrons se sont les libéraux les plus difficiles à convaincre qu’une heure de travail d’une femme devrait coûter celle d’un homme.
Profession de foi que jamais, dans sa petite pharmacie du borinage, Chastel avant d’être en couple avec Miller, n’a pu appliquer. L’ostracisme entre le pharmacien et la petite assistante a toujours été d’une violence rare. Dans ce milieu le pharmacien est tout, l’aide n’est rien.
Enfin débarrassé de l’interminable préambule, dont on sait du groupe Chastel & Muller, le dernier plus friand de litotes et d’euphémismes que le premier, le lecteur plonge au cœur du chantier.
À sa surprise, il y règne un bonheur tranquille, une sorte de week-end prolongé qui se peut interpréter comme le début de la fin ou le commencement du pire.
On entre dans le vif des capteurs d’ondes libérales. Tout y est calme dans la demi-obscurité. Seuls quelques papiers d’emballage que l’on déchire comme dans un WC géant, rompent le silence.
Les plaquettes sont là rangées dans les caisses. L’imprimeur n’a-t-il pas été trop optimiste ? Jacqueline Galant, bourgmestre de Jurbise passe prendre quelques cartons. Elle rassure Chastel & Miller. On attend la bourgmestre de Molenbeek en fin d’après-midi.
Chastel & Muller en cache-poussière bleu, empilent des boîtes de cent. Il y a déjà longtemps qu’ils ne sont plus à se demander dans quelle société on est et dans quelle société on va. Pour eux, c’est clair, le MR a parfaitement défini la société qu’il veut. Justement, c’est celle que l’on a. Il n’en veut pas d’une autre. C’est écrit page 13, en deux paragraphes essentiels : une liberté d’entreprendre et une liberté du personnel dans la liberté d’entreprendre. Si tout se passe bien, sans les syndicats et les idées qui vont avec, il y aura du social avec le surplus des bénéfices de l’employeur. Une Grâce divine, dont le mérite revient au MR, s’il en dégage suffisamment pour faire du bien autour de lui.

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C’est ainsi que Miller manipulant un clark s’arrête sur l’injonction de Chastel : « L’économie au service de l’humain », dit ce dernier. Et voilà Miller prêtant son clark dans un pur élan réformateur, le Juste Etat libéral favorise la croissance en libérant l’entreprise et le travail.
La concentration du chantier sur la page 13 a été telle, qu’un autre grand exemple de libéralisme avancé, Armand De Decker, a écrit deux lignes primordiales à cette page essentielle… « qui veille au respect d’une saine concurrence sur un marché ouvert, combattant les monopoles, les positions dominantes et les conflits d’intérêt, luttant contre le financiarisme, les excès de la finance internationale et les constructions fiscales illégales, en faisant respecter les lois en la matière ».
Une sirène sonne. C’est la pause de midi. Chastel & Miller vont au restaurant proche « À la beurette libérale » dépenser un peu des frais généraux de la Caisse libérale, tandis que le reste du personnel finira de saucissonner sur place en vingt minutes, un carton faisant office de table.
Ils reviendront après quatorze heures constater que le libéralisme est un authentique projet de société, puisqu’il replace l’économie au service de l’humain : créer de la richesse doit apporter davantage de progrès, de revenus et de liberté pour tous (p. 13).
Euphorique grâce aux deux bouteilles des Hospice de Beaune de « la beurette libérale », le plus disert des duettistes, Miller veut faire un speech en grimpant sur une escabelle. Par prudence, Chastel l’en dissuade. C’est donc les pieds au sol que Miller s’enflamme : « Le libéralisme est particulièrement engagé en faveur de tous ceux qui, par leur activité, par leur travail et leur investissement, contribuent à la prospérité, notamment les classes moyennes, les indépendants et les investisseurs. »
Il se met à tomber des cordes. Le bruit sur le toit de tôle devient infernal. Comme il enchaînait sur « L’Etat libéral de Jean Gol est le vrai garant d’une protection sociale qui apporte une aide efficace à celles et ceux qui en ont besoin. » Jacqueline Gallant surgit ruisselante et réclame de l’aide pour terminer le chargement des brochurettes dans le coffre de sa Mercedes.
La pluie lui va à ravir et détache les formes généreuses de son opulente poitrine sous la soie d’un chemisier largement détrempé. Mais les libéraux sont purs et personne ne le remarque.
C’est toujours ainsi au MR. On passe à côté des choses de la vie, à cause de l’irrépressible besoin d’ouvrir sa gueule pour dire des conneries.

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