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quand un roi chasse l’autre.

Comme beaucoup, j’ai regardé l’intronisation d’Emmanuel Macron à la présidence de la République. La cérémonie est organisée, selon les souhaits de l’élu, elle peut prendre une tournure festive et bon enfant ou, au contraire, prendre une hauteur quasiment monarchique.
Aujourd’hui on a élu un président qui prend naturellement une pose royale. C’est-à-dire qu’on n’en aura pas fini avec cette déférence particulière que les courtisans avaient pour le monarque.
C’est un travers fréquent, quand les élites de l’entre soi consacrent un des leurs à des fonctions représentatives.
Malgré tout, je n’ai pas pu résister à la larme à l’œil à l’écoute de la Marseillaise.
Je sais, c’est idiot, mais c ‘est quelque chose qui me prend au souvenir de la Révolution française. Utilisée la première fois le 14 juillet 1795, alors que la France défendait sa jeune République face à l’Europe monarchiste, c’est un hymne à la liberté, un chant de guerre, un appel à la mobilisation générale contre la dictature et l’arbitraire.
La cérémonie en elle-même est le sommet des codes d’une bonne société qui ignore l’autre.
L’Ancien Régime accueillait au moins quelques marchandes des halles, une poignée de palefreniers et des maîtres d’armes qui pour le roi, représentaient le peuple dont il tirait son pouvoir et dont il était l’émanation. Des gens « de peu », il n’y en avait guère dans l’ancien théâtre de Madame de Pompadour. On pouvait y compter deux anciens de l’ENA au mètre carré !
À l’Élysée rien que du beau linge, le personnel de maison était dehors, attendant sous la pluie que le nouveau prince de la république s’aperçoive de sa présence.

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Aux touchantes embrassades familiales, je n’ai pas pu résister à y associer le premier mari de Brigitte Macron, géniteur des enfants que Macron serrait dans ses bras : André-Louis Auzière.
Apparemment, pour la petite histoire, André-Louis Auzière prit son infortune aussi mal que le Marquis de Montespan apprenant au retour d’une campagne militaire que son épouse, née Mortemart (le fameux esprit des Mortemart cité par Saint-Simon) « était grosse des œuvres du roi ». Ici, on peut considérer pour le pauvre homme que s’il n’était point question que Brigitte le devînt, il n’en demeure pas moins qu’Emmanuel apparaît plutôt comme le père de substitution, comme si l’autre était parti en jeanfoutre.
Il eût été formidable de voir André-Louis derrière ses enfants saluer au passage le président de la République, depuis le temps, dix-neuf ans déjà de la crise du couple, les plaies se sont refermées.
Comme on dit, l’époque est à l’émancipation et à l’épanouissement des gens, sans doute encore pas à ce point là !
Étrange république quand même qui, dans le grand rassemblement des Corps constitués, a oublié la moitié des Français dont on n’a vu aucun représentant des syndicats, des Insoumis et du Front National.
Il serait intéressant de savoir s’ils ont été invité et qu’ils ont décliné l’invitation du rendez-vous républicains, qui dès lors est devenu exclusivement mondain.
Enfin, la cérémonie au Soldat Inconnu me fait penser à ce qu’en disait Paul Léautaud dans le sixième tome de son Journal.
« …l’histoire de la flamme « éternelle ». Ce sacré Boissy qui a inventé cela. Comme on reconnaît bien là un homme de théâtre. C’est bien une nouvelle religion : la religion de la guerre. Cette flamme perpétuelle, c’est la lumière de l’adoration perpétuelle dans les églises. Nous avions encore bien besoin de cette bigoterie là…. Il n’y a rien à espérer… Le progrès moral n’existe pas. On ne sait de quel côté se tourner. En bas, le peuple, cela ne vaut pas cher. En haut, les bourgeois, cela ne vaut pas mieux. Aussi cruels et aussi bêtes les uns que les autres. Il n’y a certainement pas une cause au monde pour laquelle je me sacrifierais, certainement non. Quel parti voulez-vous qu’on prenne ? Comment voulez-vous qu’on ait une opinion pour de bon. Vous vous tournez d’un côté, c’est un monde d’abjections, de contradictions qui se dresse devant vous. Vous vous tournez d’un autre ? C’est la même chose. Il y a du bon, du mauvais, du pour, du contre partout…. Je lui rappelais le mot d’Herzen, que Clémenceau a si bien plagié dans son « Voile du Bonheur » : l’Autorité est impuissante, la révolte est impuissante… Et c’est vrai, l’autorité ne peut rien, au fond, et la révolte ne peut rien non plus. Il n’a rien à faire. Il n’y a qu’à s’en foutre. C’est le mieux. Qu’à s’en foutre, je vous dis ! »
Si j’ai retranscris ce passage de celui qui, mieux que personne, nous fait revivre la première moitié du siècle littéraire dernier (et pas seulement), c’est parce qu’outre la flamme éternelle, c’est aussi une manière de marquer l’absence des électeurs qui se sont abstenus (plus de 30 %), aux célébrations premières d’un règne qui devra en compter beaucoup.

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